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§ 1. L’exclusion de l’exonération des produits du corps humain

ADIAL

Les « produits » du corps humain que le législateur français a décidé d’inclure
dans le champ d’application de la responsabilité du fait des produits – en

contradiction avec le principe de non patrimonialité du corps humain(107) et le principe
de l’anonymat du don(108) – sont exclus du bénéfice de l’exonération par le risque de
développement.
A. Le fondement de l’exclusion

L’exclusion des éléments et produits du corps humain du bénéfice de
l’exonération pour risque de développement n’a pas un fondement juridique mais
sociologique(109). Si les pouvoirs publics et les centres de transfusion sanguine
n’avaient pas laissé effectuer, au cours des années 80, des transfusions avec du sang
contaminé, une telle dérogation n’aurait pas vu le jour(110). Bien que des fautes fussent
à l’origine de la contamination des transfusés, l’exonération de responsabilité par le
risque de développement dans le cas d’une contamination transfusionnelle apparut
inadmissible aux parlementaires(111). Pourtant, l’inverse eût été plus logique : il aurait
été préférable de réserver l’exonération pour risque de développement aux seuls
produits du corps humain, car ils portent, plus que tout autre produit, des risques
inconnus difficilement maîtrisables(112). Cette dérogation « juridiquement absurde »(113)
et techniquement injustifiable pose plusieurs difficultés d’application(114)

B. Le domaine de l’exclusion
Les termes utilisés par la loi d’éléments du corps et de produits issus du corps
humain(115) ne distinguent pas entre d’une part les produits directement extraits du
corps humain (le sang, les organes, le tissu), et d’autre part les produits fabriqués par

transformation d’éléments du corps humain, dans une acception large(116). Certains
produits subissent d’importantes transformations à partir desquelles ils ne seraient
plus des produits du corps humain. De plus, les produits fabriqués à partir
d’éléments du corps humain peuvent être qualifiés de médicaments par la loi. Ainsi
le sang humain et ses dérivés stables sont-ils qualifiés médicaments(117). Sont-ils encore
des produits issus du corps humain, donc insusceptibles de bénéficier de
l’exonération, ou sont-ils devenus des médicaments entrant dans le champ de
l’exonération(118) ?
La question a resurgi avec plus d’acuité encore avec l’adoption de la loi du 26
février 2007 et de l’ordonnance du 26 avril 2007 portant diverses dispositions
d’adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament(119) et
conférant la qualification de médicament à de nombreux produits d’origine
humaine : les produits sanguins stables(120) (ceux-là mêmes qui ont contaminé des
transfusés), les produits de thérapies géniques, les produits issus de l’ingénierie
tissulaire, les produits cellulaires à finalité thérapeutique et les produits incorporant
à la fois un ou plusieurs dispositifs médicaux et des cellules ou tissus viables sont des
médicaments(121). A contrario, seuls les organes, tissus, cellules et produits sanguins
labiles(122) d’une part, et les préparations cellulaires à finalité thérapeutiques d’autre
part, ne sont pas des médicaments. La question se pose, et elle est aujourd’hui sans
réponse, de savoir si les médicaments fabriqués à partir d’éléments et de produits du
corps humain entrent dans le champ de l’exonération pour risque de développement.
Dans l’affirmative, l’exclusion de l’exonération pour risque de développement
relative aux produits issus du corps humain pourrait bien se restreindre à quelques
catégories de produits d’origine humaine, à savoir les organes, tissus, cellules et
produits sanguins labiles et les préparations cellulaires à finalité thérapeutique(123).

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107 Loi n° 94-653 du 29 juillet 1994, J.O. du 30 juillet 1994 ; loi n° 2004-800 du 6 août 2004, J.O. du 7 août
2004
108 CHADELAT Catherine, Risque de développement, R.G.D.A. 1998 page 453
109 LARROUMET Christian, La notion de risque de développement, risque du XXI° siècle, in Clés pour le
siècle, Dalloz 2000 page 1589
110 LARROUMET Christian, La responsabilité du fait des produits défectueux après la loi du 19 mai 1998, D.
1998 page 311
111 GUEGAN Magali, Les produits de santé concernés, R.D.S.S. 2008 page 1009
112 MANSART Béatrice, op. cit.
113 LARROUMET Christian, op. cit.
114 JOURDAIN Patrice, Une loi pour rien ? R.C.A. juillet-août 1998 chronique 16 ; CONFINO Jean-
Philippe, La mise en circulation dans la loi du 19 mai 1998 sur la responsabilité du fait des produits défectueux,
Gaz. Pal., 3 février 2001, n° 34 page 2 ; DEGROOTE D., BENAICHE Lionel, Responsabilité civile du fait
des produits défectueux : nouvelles perspectives au regard des arrêts du 25 avril 2002 de la Cour de justice des
Communautés européennes, Méd. et droit, n° 60, 2003 page 73
115 Un élément du corps humain est une partie constitutive du corps, prélevé grâce à une méthode
invasive, alors que le produit est fabriqué régulièrement et entièrement renouvelable, et simplement
collecté

116 RAGE-ANDRIEU Virginie, La responsabilité sans faute relative aux éléments et produits du corps
humains : un accroissement des incertitudes juridiques, L.P.A. 31 août 2009, n° 173 page 3
117 MASCRET Caroline, op. cit.
118 GUEGAN Magali, op. cit.
119 Loi n° 2007-248 du 26 février 2007, J.O. du 27 février 2007 et ordonnance n° 2007-613 du 26 avril
2007, J.O. du 27 avril 2007 transposant la directive n° 2004/27 du 31 mars 2004 modifiant la directive n°
2001/83 instituant un Code communautaire relatifs aux médicaments à usage humain
120 Article L 5121-3 du Code de la santé publique ; les produits sanguins stables sont tous les produits
fabriqués à partir du sang ou de ses composants qui ont une durée de conservation supérieure à un an
121 Article L 5121-1 du Code de la santé publique ; RAGE-ANDRIEU Virginie, op. cit.
122 Les produits sanguins labiles sont tous les produits fabriqués à partir du sang ou de ses composants
dont la durée de conservation est inférieure à un an
123 MASCRET Caroline, op. cit. ; RAGE-ANDRIEU Virginie, op. cit.