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§ 2. L’exclusion du service public hospitalier

ADIAL

Aux termes de l’article 1142-1 du Code de la santé publique issu de la loi du 4
mars 2002(150), la responsabilité des professionnels et des établissements de santé ne
peut être encourue qu’en cas de faute, sauf le cas où leur responsabilité est encourue
en raison d’un défaut d’un produit de santé. Le texte semble renvoyer à la
responsabilité du fait des produits défectueux instituée par la loi du 19 mai 1998(151),
mais il est interprété par le juge administratif comme organisant un régime distinct.
A. La jurisprudence Marzouk
Depuis la décision rendue le 9 juillet 2003 par le Conseil d’Etat (dite
Marzouk)(152), la jurisprudence administrative décide que le service public hospitalier
est responsable, même en l’absence de faute de sa part, des conséquences dommageables
pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu’il utilise(153).

Pour le juge administratif, le régime de responsabilité du fait de l’utilisation d’un
produit ou appareil de santé défaillant est un régime distinct du régime de
responsabilité du fait des produits défectueux. L’établissement de santé est
responsable même si le préjudice est dû à la défectuosité d’un produit, alors que le
producteur en est responsable sur le fondement des articles 1386-1 à 1386-18 du Code
civil.
La démarcation figure déjà dans les termes employés dans les décisions qui
visent l’utilisation, et non la fourniture, et la défaillance, et non pas la défectuosité(154).
Cette terminologie, qui se rapporte plus aux actes (de soins) qu’à la seule fourniture
(d’un produit) renvoie à une responsabilité du fait de l’organisation du service plus
qu’à une responsabilité du fait des choses. C’est pourquoi la responsabilité sans faute
inaugurée par la jurisprudence Marzouk ne s’applique pas à l’activité
transplantationnelle d’un hôpital(155). La fourniture d’un organe prélevé sur lequel
l’établissement de santé n’a aucune maîtrise, ce qui justifie l’exigence d’une faute
pour engager sa responsabilité (Cf. supra), diffère de l’utilisation d’un dispositif de
santé dont l’établissement peut contrôler le bon fonctionnement.
B. L’apparente contrariété au droit communautaire

La responsabilité du fait des produits défectueux issue du droit
communautaire pèse principalement sur le producteur ; cette responsabilité n’est
imputée au fournisseur que dans le cas où le producteur ne peut être identifié. Or,
l’établissement de santé est un simple fournisseur et ne peut donc être placé dans les
conditions de responsabilité analogues à celles du producteur(156).
Pourtant, la contrariété au droit communautaire n’est qu’apparente. L’objectif
de la directive du 25 juillet 1985 transposée par la loi du 19 mai 1998 est d’éviter que
les régimes de responsabilité plus ou moins protecteurs ne viennent fausser la
concurrence et affecter la libre circulation des marchandises au sein de l’Union
européenne. Or, le service public hospitalier n’est pas soumis à la libre concurrence
et l’utilisation de produits par les établissements de santé échappe au marché. Il est
soumis à l’article L 1142-2 du Code de la santé publique issu de la loi du 4 mars
2002(157), au visa duquel les décisions sont rendues, lequel énonce que le professionnel
et l’établissement de santé n’est responsable que de sa faute sauf en cas d’un défaut
d’un produit de santé. Ce texte, s’il n’est pas un simple renvoi implicite aux articles
1386-1 et suivants du Code civil, pourrait bien devenir le texte fondateur d’un régime

spécial aux fournisseurs de produit de santé(158). La jurisprudence administrative
s’appuie implicitement sur les décisions de la Cour de justice des communautés
européennes rendues le 25 avril 2002 qui n’excluent pas un régime spécial de
responsabilité limité à un secteur déterminé (Cf. infra)(159).

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150 Issus de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, J.O. du 5 mars 2002
151 Loi n° 98-389 du 19 mai 1998 (J.O. du 21 mai 1998) transposant la directive n° 85-374 du 25 juillet
1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux aux articles 1386-1 à 1386-18 du Code
civil
152 C.E., 9 juillet 2003, n° 220437 ; GAUMONT-PRAT Hélène (sous la direction de), Droit des produits de
santé, actualités de l’année 2006, L.P.A. 19 et 20 février 2007, n° 36 et 37
153 C.A.A. Bordeaux, 25 novembre 2008, n° 07BX01082 ; C.A.A. Nancy, 26 février 2009, n° 07NC00691

154 PEIGNE Jérôme, Les personnes responsables : producteurs et distributeurs de produits de santé défectueux,
R.D.S.S. 2008 page 1015
155 C.E., 27 janvier 2010, n° 313568 ; PEIGNE Jérôme, L’inapplicabilité de la jurisprudence Marzouk à la
réparation des dommages résultant de la transplantation d’un organe contaminé, Revue de droit sanitaire et
social 2010 page 501
156 PEIGNE Jérôme, op. cit.
157 Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, J.O. du 5 mars 2002

158 BLOCH Laurent, Pour une autre présentation de la responsabilité du fait des produits de santé,
Responsabilité civile et assurance n° 12, décembre 2009 étude 16
159 GAUMONT-PRAT Hélène (sous la direction de), Droit des produits de santé, actualités de l’année 2008,
Petites affiches 9 juin 2009, n° 114