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§ 2. La globalisation des sinistres

ADIAL

La garantie des sinistres sériels présente des difficultés financières qui ne
doivent pas être occultées et que les assureurs ont réglées par les clauses de
globalisation(324).

A. La validité de la globalisation
La jurisprudence a validé les clauses permettant de globaliser les sinistres
sériels contenues dans les polices de responsabilité civile(325) et la loi de sécurité
financière du 1er août 2003(326) a « légalisé » la fiction conventionnelle de la
globalisation des sinistres sous la pression des assureurs(327). Le nouvel article L 124-1-
1 du Code des assurances dispose en effet qu’un ensemble de faits dommageables
ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique : le
problème des sinistres sériels se trouve résolu pour l’avenir(328). Le texte est d’ordre
public et ne peut pas faire l’objet d’un aménagement contractuel. Pour le passé,
cependant, si la première réclamation est antérieure à l’entrée en vigueur des
dispositions de l’article L 124-1-1 du Code des assurances issu de la loi du 1er août
2003 et en l’absence de globalisation conventionnelle, ce texte ne peut être invoqué(329).
B. Les effets de la globalisation

La globalisation des sinistres sériels est une technique d’aménagement de la
garantie des sinistres exponentiels destinée à en améliorer l’assurabilité. En cas de
sinistres successifs dus à une même cause, les dommages pourtant distincts dans le
temps et qui affectent des victimes différentes sont « globalisés » dans la fiction d’un
sinistre unique qui prend la date du premier sinistre(330). Le sinistre est entendu
comme l’ensemble des évènements dommageables ayant une même cause
technique : il n’est plus question de définir le sinistre par la réclamation de la victime,
pourtant invoquée par la clause relative à l’application de la garantie dans le temps
(claim’s made), mais par référence au fait générateur(331)

1. L’épuisement de la garantie
En cas de plafond par sinistre

En présence d’une clause de limitation par sinistre, les sinistres globalisés
tombent sous le coup de la limitation par sinistre(332).
En cas de plafond par année
Toutes les réclamations sont affectées l’année de la première réclamation et
c’est le montant de garantie en vigueur lors de la présentation de la première
réclamation qui est retenu au moment du règlement des sinistres(333).
En cas de plafond par année et par sinistre
La limitation par année d’assurance étant nécessairement supérieure à la
limitation par sinistre, les sinistres globalisés sont soumis à la limitation par sinistre.

2. Les clauses d’épuisement de la garantie
L’assureur constitue des provisions par sinistre en fonction de
l’estimation qu’il peut faire des dommages donnant lieu à réclamation et il affine
cette estimation en cours de gestion du dossier. En cas d’insuffisance du plafond de
garantie eu égard au nombre des victimes et dans le silence du législateur sur ce
point, il devra faire le choix entre l’indemnisation partielle de toutes les victimes ou
l’indemnisation totale d’un nombre réduit de victimes, autrement dit l’ordre des
paiements se fera entre le « marc le franc » ou le « prix de la course ».

L’indemnisation « au marc le franc »
Les paiements sont effectués au prorata du montant de chaque créance par
rapport au montant de la garantie. Ce système d’indemnisation « au marc le franc »
impose de refuser tout paiement aussi longtemps que toutes les victimes ne se sont
pas fait connaître(334). C’est une solution juste(335) mais qui entraîne des délais de
règlement plus longs. Il faut attendre, lorsque l’ensemble des victimes d’un sinistre

ou d’une année n’est pas connu, que toutes les victimes aient adressé une
réclamation et que les dommages soient évalués de manière définitive. En pratique,
les sinistres sériels ou simplement échelonnés dans le temps ne permettent pas
d’attendre de connaître toutes les réclamations des victimes avant de procéder à
l’indemnisation(336).

L’indemnisation au « prix de la course »
Les paiements sont effectués (ou les sommes mises en réserve pour la
réparation des dommages) au fur et à mesure des demandes et l’assureur opposera
l’épuisement de la garantie à une énième victime(337.) L’épuisement de la garantie par
ordre des réclamations favorise les victimes qui se seront manifestées le plus vite, ou
dont le dossier aura été plus rapidement traité, mais il permet à l’assureur de suivre
et de corriger la situation de chaque victime au regard du plafond de garantie. S’il ne
reste plus assez pour indemniser toutes les victimes, ce qui reste sera distribué
proportionnellement à leurs créances.
L’assureur peut donc apporter à son engagement les limites temporelles et
matérielles qui lui permettent de garantir les rares hypothèses où le risque de
développement n’est pas une cause d’exonération de responsabilité. L’exclusion du
risque de développement est certes insérée dans toutes les polices de responsabilité
civile Produits depuis une dizaine d’années – bien inutilement puisque l’exonération
est légale(338). Mais elle ne figure pas dans les intercalaires des grands courtiers ni dans
les traités de réassurance. En réalité, cette exclusion est, sauf dans le domaine
pharmaceutique, rachetable : le risque de développement est partiellement couvert
par le marché de l’assurance et de la réassurance(339). Au-delà, le risque de
développement est couvert par la solidarité sociale.

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324 LAMBERT-FAIVRE Yvonne, De la licéité des obligations d’assurance règlementaires et des limitations de
garantie dans le temps et en montant, D. 2001 page 1265

325 BOURTHOUMIEUX Jacques, Durée de l’assurance de responsabilité et réassurance, R.G.D.A. 1er avril
1998, n° 1998-2 page 239 ; GRYNBAUM Luc, Note sous C.A. Paris, 15 mars 2000, R.C.A. février 2001
commentaire 60 ; KULLMANN Jérôme, Remarques juridiques sur les sinistres sériels, Risques n° 62, juin
2005
326 Loi n° 2003-706 du 1er août 2003, J.O. du 2 août 2003
327 BYK Christian, Bioéthique – Législation, jurisprudence et avis des instances éthiques, n° 17, J.C.P. n° 19, 7
mai 2003, I 132 ; BICHOT Pierre, La réforme de l’assurance de responsabilité civile, Dr. & Patr. n° 122,
janvier 2004
328 COURTIEU Guy, Droit des assurances, l’année législative, J.C.P. éd. E. n° 25, 17 juin 2004 page 1001
329 C.A. Paris, 3 juillet 2007, n° 04/23450 : dès lors que la première réclamation d’un salarié est
antérieure à l’entrée en vigueur de l’article L 124-1-1 du Code des assurances, l’ensemble des
réclamations présentées par les salariés consécutivement à une maladie liée à l’exposition à l’amiante
n’est pas un sinistre sériel.
330 LAMBERT-FAIVRE Yvonne, op. cit.
331 LAMBERT-FAIVRE Yvonne, L’affaire du sang contaminé : le risque de développement, le principe
indemnitaire face à la pluralité d’actions et les limitations de garanties d’assurance responsabilité civile, D. 1996
page 610

332 KULLMANN Jérôme, Lamy assurances n° 749 et 1369, Editions Lamy, 2010
333 BIGOT Jean, Note sous Cass. 1ère civ., 6 décembre 1988, R.G.A.T. 1989 page 88 ; BIGOT Jean, Note sous
Cass. 3ième civ., 22 février 1989, R.G.A.T. 1989 page 370 ; GRYNBAUM Luc, Note sous C.A. Paris, 15 mars
2000, R.C.A. février 2001 commentaire 60
334 KULLMANN Jérôme, Remarques juridiques sur les sinistres sériels, Risques n° 62, juin 2005
335 CHAPUISAT Françoise, Les plafonds de garantie et l’indemnisation des victimes, in Mélanges en
l’honneur d’Yvonne LAMBERT-FAIVRE et Denis-Clair LAMBERT, Dalloz, 2002

336 LAMERE Jean-Marc, Vers une réforme de l’assurance de responsabilité civile en France, Risques n° 52,
décembre 2002
337 KULLMANN Jérôme, op. cit.
338 STUDER Sarah, La prise en charge du risque de développement par l’assurance, Master 2 de Droit de la
prévention des risques et responsabilités, Université de Haute-Alsace, 2006
339 Les rencontres de l’A.M.E.A.E., Des risques assurables mais non transférables ? Conférence Deauville,
25, 26 et 27 janvier 2006