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§ 2. La question des organes greffés

ADIAL

Les organes transplantés sont des produits d’origine humaine et comme tels
soumis au régime de responsabilité du fait des produits défectueux issu de la loi du

19 mai 1998124 et inséré aux articles 1386-1 et suivants du Code civil. Ils sont de
surcroît qualifiés produits de santé par le législateur qui énumère les organes, tissus,
cellules et produits d’origine humaine dans l’article L 5311-1 du Code de la santé
publique parmi les produits à finalité sanitaire. Pour autant, l’intégration des organes
destinés à la transplantation dans la catégorie des « produits » pose des difficultés
que la jurisprudence tente de régler.

A. La détermination du producteur

La loi fait peser sur le producteur, et celui-ci ne peut être qu’un professionnel,
la responsabilité du fait d’un produit défectueux mis en circulation. C’est celui qui
fabrique le produit qui initialise la mise en circulation(125). Le donneur d’un organe,
parce qu’il n’agit pas à titre professionnel, ne peut pas être qualifié de producteur.
Par ailleurs, l’activité consistant à prélever, conserver et transplanter un organe
humain n’est pas une activité de production au sens de la loi(126). Les organes prélevés
sont donc des produits sans producteur(127). Il serait possible d’envisager la
substitution d’une partie (le « producteur » non professionnel) à une autre (le
fournisseur ou l’utilisateur de l’organe), mais la loi ne l’autorise que lorsque le
fournisseur n’indique pas à la victime l’identité du producteur ou de celui qui lui a
fourni le produit(128). Or, dans l’hypothèse d’un greffon, c’est la loi elle-même qui
interdit de dévoiler l’identité du donneur. Le « producteur » est identifiable mais ce
serait violer le principe de l’anonymat du don.

B. La mise en circulation
L’acte par lequel un élément du corps humain ou un produit issu de celui-ci
est mis en circulation est délicat à déterminer(129). Cette détermination est pourtant
indispensable puisqu’elle conditionne la responsabilité du « producteur » : l’absence

de mise en circulation est un moyen d’exonération du producteur(130) et le délai préfix
de responsabilité de dix ans court à compter de la mise en circulation(131). Or, plusieurs
personnes se sont volontairement dessaisies de l’organe : le donneur (mais il est
anonyme et n’agit pas à titre professionnel, tout du moins en France), le centre de
prélèvement qui le remet à un service de transport d’organes, le centre hospitalier
qui pratique la greffe. Il est vrai que la Cour de justice a donné de la mise en
circulation une interprétation extensive, indiquant qu’un produit (en l’espèce du
liquide de perfusion) qui a été utilisé par le producteur dans ses locaux (un centre
hospitalier) est mis en circulation lorsqu’il est utilisé à l’occasion d’une prestation
médicale (la préparation d’un organe en vue de sa transplantation)(132). Le produit qui
est préparé par un établissement de santé sans avoir jamais été acquis et qui ne
sortira pas de la sphère hospitalière peut être mis en circulation.

C. La jurisprudence administrative

L’organe humain est un produit sans producteur et son usage se prête mal à la
notion juridique de mise en circulation. Peut-être est-ce pour cela que par un arrêt
rendu le 27 janvier 2010(133) annulant une décision rendue par la Cour administrative
d’appel de Lyon du 20 décembre 2007(134), le Conseil d’Etat a décidé que la
responsabilité du ou des établissements de santé qui ont prélevé l’organe et procédé
à la transplantation n’est susceptible d’être engagée que sur le fondement d’un
manquement à leurs obligations, autrement dit d’une faute(135). Il refuse donc
d’assimiler les organes du corps humain à des produits de santé qui ne peuvent se
voir appliquer la responsabilité du fait des produits des articles 1386-1 et suivants du
Code civil issue de la loi du 19 mai 1998. Autrement dit, l’activité singulière qu’est la
transplantation d’un organe, activité purement médicale, ne s’assimile pas à la
simple utilisation d’un produit.
Le Conseil d’Etat suit la ligne ouverte par la Cour administrative d’appel de
Paris qui, dans un arrêt rendu le 18 octobre 2006(136), a considéré que les dispositions

de la loi du 19 mai 1998 n’étaient pas applicables rationae temporis à un organe
transplanté avant le 21 mai 1998 (Cf. infra).

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125 Article 1386-5 du Code civil : « Un produit est mis en circulation lorsque le producteur s’en est
dessaisi volontairement ».
126 Article 1386-6 du Code civil : « Est producteur, lorsqu’il agit à titre professionnel, le fabricant d’un
produit fini, le producteur d’une matière première, le fabricant d’une partie composante ».
127 PEIGNE Jérôme, Quelle responsabilité hospitalière du fait de la greffe d’un organe contaminé ? Note sous
C.A.A. Paris, 18 octobre 2006, R.D.S.S. 2007 page 294
128 Article 1386-7 du Code civil : « Si le producteur ne peut être identifié, le vendeur, le loueur, ou tout
autre fournisseur professionnel est responsable dans les mêmes conditions que le producteur à moins
qu’il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur dans un délai de trois mois à compter de la
date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée ».
129 CONFINO Jean-Philippe, La mise en circulation dans la loi du 19 mai 1998 sur la responsabilité du fait des
produits défectueux, Gaz. Pal. 3 février 2001, n° 34 page 2

130 Article 1386-11 du Code civil
131 Article 1386-16 du Code civil
132 C.J.C.E., 10 mai 2001, affaire C 203/99 ; LUBY Monique, Responsabilité du fait des produits défectueux,
RTD Com. 2001 page 827
133 C.E., 27 janvier 2010, n° 313568
134 C.A.A. Lyon, 20 décembre 2007, n° 03LYO1329 ; GAUMONT-PRAT Hélène (sous la direction de),
Droit des produits de santé, actualités de l’année 2008, L.P.A. 9 juin 2009, n° 114
135 PEIGNE Jérôme, L’inapplicabilité de la jurisprudence Marzouk à la réparation des dommages résultant de la
transplantation d’un organe contaminé, R.D.S.S. 2010 page 501
136 C.A.A. Paris, 18 octobre 2006, n° 03PA00636 ; GAUMONT-PRAT Hélène (sous la direction de),
Droit des produits de santé, actualités de l’année 2006, L.P.A. 19 et 20 février 2007, n° 36 et 37 ; PEIGNE
Jérôme, Quelle responsabilité hospitalière du fait de la greffe d’un organe contaminé ? Note sous C.A.A. Paris,
18 octobre 2006, R.D.S.S. 2007 page 294 ; RAGE-ANDRIEU Virginie, op. cit.