La responsabilité pour risque s’est avérée indispensable dans la lutte contre
l’irresponsabilité que doctrine et jurisprudence ont menée pour répondre aux
problèmes posés par l’industrialisation. Juridictions judiciaires et administratives ont
donc utilisé la large palette des techniques de la responsabilité civile, indemnisant la
perte de chances, étendant la notion de faute, assouplissant la charge probatoire et
étirant à l’extrême le lien de causalité(81), consacrant même un îlot de responsabilité
sans faute comme le régime de la responsabilité du fait des choses et l’obligation de
sécurité. Il fallait bien étendre la responsabilité civile aux faits non fautifs et
accidentels pour répondre à la montée en puissance du principe de réparation.
A la socialisation du risque s’est en effet associée une « socialisation de
l’indemnisation »(82). Le passage à une société plus individualiste a favorisé le
sentiment d’insécurité et l’intolérance au risque qui ont donné naissance au principe
de réparation : tout dommage doit être rapidement et intégralement réparé et
entraîne donc la recherche systématique d’un responsable. Ce responsable, s’il n’a
pas provoqué le dommage, il n’a pas su l’empêcher, ou alors il n’en a pas prévu
l’occurrence. L’indemnisation des victimes est devenue la préoccupation centrale des
sociétés techno-industrielles avancées(83) et le sujet – le responsable – s’est effacé
devant l’objet – la réparation du dommage(84).
81 RADE Christophe, Vaccinations anti hépatite B et sclérose en plaques : le tournant ?, R.C.A. 2008 étude 8 ;
RADE Christophe, Responsabilité et solidarité : propositions pour une nouvelle architecture, R.C.A. mars
2009 chronique 5
82 Conseil d’Etat, rapport annuel 2005 (seconde partie), Responsabilité et socialisation du risque
83 BOUIX Aurore, Le risque de développement : responsabilité et indemnisation, Presses Universitaires
d’Aix-Marseille, 1995; GODART Olivier, HENRY Claude, LAGADEC Patrick et MICHEL-KERJAN
Erwann, Traité des nouveaux risques, Gallimard, 2002; ESWALD François, Pour une réforme de la
réparation du dommage corporel, Risques n° 68, décembre 2006; KESSLER Denis, L’ère de la vulnérabilité,
Risques n° 67, décembre 2006
84 BOUIX Aurore, op. cit.