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§ 1. Élaboration d’une table de capitalisation

ADIAL

108. Table de capitalisation(145).

– Il faut voir l’utilité d’une table de capitalisation (A) avant d’aborder son mode de fonctionnement (B).

A/ Généralités

109. Fixation de l’indemnité versée à la victime.

– La protection de la victime résulte du fait que l’évaluation du dommage s’opère au jour le plus
proche possible de la liquidation des indemnités par le juge(146). À travers une table de capitalisation,
les acteurs de l’indemnisation du dommage corporel peuvent calculer une somme correspondant au
dommage souffert par la victime. Le régleur prendra en compte les éléments établis lors de
l’expertise médicale, les postes de préjudices retenus et leur taux de gravité pour ensuite
appliquer la table de capitalisation. Cet instrument est issu d’un modèle établi par les actuaires
et s’applique tel quel par le régleur.

110. Taux de capitalisation.

– Le taux de capitalisation permet de transformer un préjudice économique en rente. « Il faut pour ça un
barème de capitalisation, qui est composé des deux éléments suivants : une table de mortalité qui doit être fiable,
et un taux d’intérêt qui doit être adapté aux conditions des placements financiers »(147). La table de mortalité
récapitule les chances de survie de la population à un instant donné. « Ces tables permettent
aux actuaires de définir le capital qu’il convient de constituer pour verser une rente,
temporaire ou viagère, et, par voie incidente, le montant de la cotisation à appeler en
fonction de l’âge du souscripteur du contrat et de la durée de cotisation prévue »(148).

Le rapport sur l’indemnisation du dommage corporel de 2003 propose la publication
annuelle d’un barème de capitalisation sur la base d’un taux d’intérêt officiel actualisé et des
dernières évaluations statistiques de l’espérance de vie publiée par l’INSEE.
Une réactualisation tous les 3 ans de la table de conversion est imaginée dans la
proposition de loi LEFRAND à l’article 5. Il est nécessaire qu’une table de capitalisation soit
actualisée de façon périodique afin de répondre au principe de la réparation intégrale.

B/ Fonctionnement

111. Choix de la forme de l’indemnisation : capital ou rente ?

– Le juge du fond tranche entre le versement de l’indemnisation sous la forme d’un capital ou bien d’une rente.
Néanmoins, ce choix ne reste pas anodin pour la victime : il conditionne la représentation que
la société se fait de ses dommages et est de ce fait très important. Il a une répercussion
psychologique sur la victime. « Le point de départ est identique : il s’agit de déterminer le
montant annuel du préjudice. Ensuite, si l’on veut sortir en capital, il faut avoir recours à une
table de capitalisation »(149).

Les praticiens soulignent la difficulté de l’option, cela reste encore une rigueur
mathématique en fonction de l’âge de la victime mais où il est difficile d’estimer l’incertitude
du futur. Leur choix se fait sur des éléments objectifs : il faut que l’indemnisation soit en
accord avec le dommage de la victime et sa situation après consolidation. Les assureurs, quant
à eux, affirment être « résolument engagés dans une indemnisation équitable, personnalisée
et individualisée des séquelles conservées par une victime »(150). Souvent considérés comme
des gestionnaires de fonds, leur rôle est important dans l’indemnisation des victimes.

Le choix du capital se fait principalement pour « des raisons de placement, pour
rapporter des intérêts, mais le pendant c’est qu’il faut gérer ce capital, seul ou en faisant
appel à des professionnels. Gérer cela veut dire anticiper, arbitrer, remplir des obligations
fiscales, etc. »(151). La difficulté est donc de savoir si l’entourage de la victime est fiable : le
détournement des capitaux versés est malheureusement toujours d’actualité, le cercle familial
n’est pas sécurisant… Cela implique également pour la victime de rester capable d’effectuer
une telle gestion après son accident.

Le juge ou le régleur de dommage corporel devra donc apprécier cette capacité tout en se renseignant
sur l’entourage. Dans le cas d’une victime protégée, tel qu’un majeur incapable par exemple, le choix de
la rente reste adapté et recommandé. Il est possible de prévoir le versement d’une provision à la victime
en fonction de son âge, de sa situation et de la date prévisionnelle de sa consolidation : cela lui permet de
faire face aux pertes et frais imputables à l’accident. Les assureurs demandent aux régleurs de
dommage corporel d’estimer au plus juste les règlements provisionnels en affectant au
maximum les postes de préjudices retenus(152). La proposition Lefrand prévoit le versement
d’une prévision à l’article 8.

La rente est généralement en droit commun le choix le plus souvent retenu par voie
judiciaire ou par transaction. Elle reste adaptée « aux préjudices économiques futurs, tels que
les frais médicaux, les prothèses, l’hospitalisation longue ou l’assistance par tierce
personne ». « Ce sont des dommages continus, importants, qui impliquent pour la victime des
dépenses périodiques. Avec une rente viagère, on est assuré de percevoir un revenu revalorisé
tout au long de sa vie et quelle que soit la conjoncture financière»(153).Son mode de gestion ne
soulève pas les mêmes difficultés que celui du capital. Elle assure la disponibilité d’un revenu
pour subvenir aux besoins quotidiens de la victime et celle-ci ne peut perdre le bénéfice d’une
rente viagère.

Quant à la rente temporaire versée entre la date de l’accident et la date de la
consolidation permet d’indemniser des postes de préjudices temporaires avec une charge
financière assez lourde. Ce peut être le cas pour une hospitalisation avec des obligations de
soins lourds ou encore du recours à l’assistance d’une tierce personne. Ces charges sont
difficiles à supporter pour la famille de la victime, cette mesure vise à la soulager
financièrement tout en prenant en compte l’intérêt de la victime. La rente reste la solution la
plus convenable en cas de handicap de la victime ou d’une perte d’autonomie.

La loi du 5 juillet 1985(154 )contient une disposition qui permet au juge de remplacer
en tout ou partie une rente par un capital lorsque la situation du crédirentier le justifie.

112. Cas particulier de la révision de l’indemnité allouée en cas d’amélioration de l’état de la victime (155).

– Un jugement ou une transaction peuvent-ils contenir une clause autorisant à revenir sur le chiffrage
des dommages et intérêts en cas de modification de l’état de la victime ? La réponse peut varier selon
que l’indemnisation s’opère sous forme de capital ou de rente précise M. GOUT(156).

Si la victime opte pour un capital, à partir du moment où les faits motivant la révision
sont suffisamment précis pour que la condamnation ne soit pas d’un montant indéterminé,
cette pratique ne soulèverait pas a priori d’objection de principe. L’auteur précise que bien
que certains pays aient recours à ce mode de fonctionnement, la jurisprudence française « est
réticente à admettre une révision à la baisse ». La mesure est jugée « inopportune » car la
victime peut avoir déjà utilisé le capital préalablement versé.

Si la victime opte pour une rente, l’auteur indique que « l’éventualité d’une
modification à la baisse a été admise dans un arrêt rendu en 1972(157) où la modification de la
rente avait été refusée au motif qu’aucune faculté de révision n’avait été envisagée. En dehors
d’une diminution de la rente qui serait fonction de la baisse d’intensité d’un préjudice, il est
aussi possible de mettre fin à son versement au moment de la cessation des préjudices »(158).

M. Gout propose même de rendre obligatoire « cet ajustement réel de la réparation à
l’ampleur du préjudice » dans le cas d’une rente.

Face à ces constations et à la multitude de tables de capitalisation existantes, la
proposition de loi n°2055 de 2010 visant à améliorer l’indemnisation des victimes de
dommages corporels à la suite d’un accident de la circulation propose certaines améliorations.

145 Pour aller plus loin, V. A. COVIAUX et F. BILAL, Barèmes de capitalisation : le test comparatif, Gaz.
Pal. 2006, doct. 2213.
146 Colloque “Le dommage corporel conjugué à tous les temps”, Chambéry, le 4 février 2011 ; O. GOUT,
Le futur du dommage : aggravation et amélioration, Gaz. Pal., 2011, n° 99, p. 21 et s.
147 Colloque “Le dommage corporel conjugué à tous les temps”, Chambéry, le 4 février 2011 : Table
ronde âge et réparation, Gaz. Pal., 2011, n°99, p. 43 et s.
148 Lamy Assurances 2011, n° 2763.
149 Lamy Assurances 2011, n° 2763.
150 A. VELLE, II. Procès ou transaction : une question de choix – le point de vue de l’assureur, Gaz.
Pal., 2008, n° 110, p. 26 et s.
151 Colloque “Le dommage corporel conjugué à tous les temps”, Chambéry, le 4 février 2011 : Table
ronde âge et réparation, Gaz. Pal., 2011, n°99, p. 43 et s.
152 Colloque “Le dommage corporel conjugué à tous les temps”, Chambéry, le 4 février 2011 : Table
ronde âge et réparation, Gaz. Pal., 2011, n°99, p. 43 et s.
153 Colloque “Le dommage corporel conjugué à tous les temps”, Chambéry, le 4 février 2011 : Table
ronde âge et réparation, Gaz. Pal., 2011, n°99, p. 43 et s.
154 Article 44 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.
155 V. supra n° 90 et s. sur l’amélioration du préjudice.
156 Colloque “Le dommage corporel conjugué à tous les temps”, Chambéry, le 4 février 2011 : O. GOUT,
Le futur du dommage : aggravation et amélioration, Gaz. Pal., 2011, n° 99, p. 21 et s.
157 Cass. Civ. 2e, 12 oct. 1972, n°70-13459 ; Bull. Civ.1972, II, n°245, p. 200; JCP 1974.II.17609, note
S. BROUSSERAU; D. 1974, p. 536, note Ph. MALAURIE.
158 Colloque “Le dommage corporel conjugué à tous les temps”, Chambéry, le 4 février 2011 : O. GOUT,
Le futur du dommage : aggravation et amélioration, Gaz. Pal., 2011, n° 99, p. 21 et s.

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