L’assureur devra définir les unités de compte offertes et décrites au contrat en respectant un
devoir de prudence et selon une liste limitative de types de supports prévue législativement et
encadrée réglementairement.
A/ Les critères réglementaires
1 – Une liste de supports limitativement énumérés
Une liste dressée à l’article R131-1 par décret en Conseil d’Etat décrit limitativement les
valeurs mobilières ou actifs éligibles à l’assurance vie (actions, obligations, OPCVM, SCPI
etc…).
Elle impose en outre une ventilation des actifs financiers offerts au contrat et à l’arbitrage
selon les produits qu’ils représentent, limitant à un taux restreint les valeurs mobilières ou
actifs les plus risqués ou volatils.
Sans entrer dans l’énumération détaillée de ces supports, ce qui n’est pas l’objet de cette étude,
observons simplement que c’est en fonction d’un pourcentage de la prime versée au contrat
qu’est établie la limitation de ces unités de compte plus “risquées”.
Schématiquement, l’on distingue quatre types de risques : le “risque de taux” porte sur les
titres de créance et rend les obligations sensibles dans la durée à la variation des taux
d’intérêts sur les marchés, le “risque de signature” envisage la défaillance du débiteur à
l’échéance d’un titre de créance, le “risque de change” définit celui lié à la variation d’une
devise par rapport à une autre, et le “risque de cours” porte sur la fluctuation de la cotation des
actions39. C’est en regard de ces critères que des unités de compte seront estimées plus ou
moins risquées.
2 – La protection suffisante des assurés
L’article R131-1 du Code des assurances pose également, cumulativement, un critère
supplémentaire, consistant pour ces unités de compte à offrir “une protection suffisante de
l’épargne investie”. Certaines victimes du courtier Madoff ont poursuivi les assureurs sur ce
fondement. Le contrôle de la récente Autorité de contrôle prudentiel s’exercera sur l’un et
l’autre critères, tant sur la qualité des unités de compte (leur nature) que sur leurs qualités (en
termes de sécurité).
Les actifs sous-jacents peuvent revêtir de multiples formes, dès lors qu’au fil des années,
notamment depuis 1992, la législation a élargi la liste les actifs et produits éligibles. C’est
ainsi que les actifs peuvent revêtir la forme de fonds, dont les OPCVM (Organismes de
placement collectif en valeurs mobilières) comme les Sicav (Société d’investissement à
capital variable) ou les FCP (fonds communs de placement), de parts de SCPI, (sociétés
civiles de placement immobilier), etc.
B/ Cas particuliers
Les règles prudentielles s’opposent-elles à la proposition de contrats d’assurance vie adossés à
des fonds internes à l’assureur ? Les assureurs ont pris des engagements de déontologie
communs à tous les adhérents FFSA (Fédération française des sociétés d’assurance),
s’interdisant notamment de commercialiser des contrats adossés à leurs propres actions, pour
des raisons prudentielles. Examinons le recours aux unités de compte composites et fonds
diversifiés.
1 – Les unités de compte composites
La pratique avait développé le recours à des unités de compte composites ou « fonds dédiés »,
reconnus par le droit européen. Les assureurs ont imaginé d’offrir, dans leurs contrats haut de
gamme, des unités de compte réservées au club restreint des investisseurs versant les primes
les plus importantes, contrats adossées à un ensemble d’actifs personnalisés et faisant l’objet
d’une gestion personnalisée40. Le fonds interne, créé par la compagnie d’assurance au sein de
son bilan, n’a pas de personnalité juridique.
Dans les cas les plus spécifiques, cette formule correspondait à loger une partie du portefeuille
boursier du souscripteur dans l’enveloppe d’un contrat d’assurance-vie ; ou encore pour un
dirigeant d’entreprise à y loger les titres représentatifs du capital de sa société pour en assurer
une transmission hors succession (– deuxième cas aujourd’hui rendu impossible dans la
mesure où la remise de tels titres est interdit par le Code des assurances (L 131-1) -).
Les autorités de contrôle y ont toutefois opposé leur véto en 2003, faute pour l’assureur de
« contrôle direct sur la gestion » et d’information en « temps réel des opérations effectuées au
sein de l’unité de compte » 41.
La question de la composition de l’unité de compte était ainsi soulevée, qui oppose assureurs
et administration : les premiers apportent au soutien des unités de compte composites la lettre
du Code qui évoque des unités de comptes « constituées » (article L 131-2) tandis que
l’Autorité de contrôle (l’ACAM à l’époque) n’acceptait que la juxtaposition d’unités de
comptes homogènes, c’est à dire la proposition au contrat d’unités de compte
« élémentaires ».42
Par ailleurs, la direction de la législation fiscale par lettre du 11 février 2005 dénonce cette
formule de gestion de titres vifs confinant à la gestion de portefeuille sous mandat : « […]
vous avez appelé mon attention sur le régime fiscal de contrats d’assurance-vie
multisupports, dits «contrats à fonds dédiés » […] Ces garanties ne peuvent en particulier
faire référence à la valeur d’actifs contenus dans un fonds interne détenu par l’entreprise
d’assurance, généralement divisé en parts ».
Restant certains contrats offerts à la souscription par des fonds internes luxembourgeois,
auxquels aura accès une clientèle patrimoniale souhaitant une gestion personnalisée, soit qu’il
s’agisse de fonds spécialement dédiés à tel souscripteur, soit qu’ils soient collectifs43. Cette
solution, marginale en nombre, tire avantage de la dichotomie établie par la troisième
directive assurance vie44 entre le régime juridique s’appliquant au contrat (celui de l’Etat où
s’exerce la prestation, c’est-à-dire la France) et celui de son cadre technique et financier (celui
du siège social, le Luxembourg en l’occurrence). Par l’effet de la libre prestation de service
mise en oeuvre dans le domaine de l’assurance vie dans l’Union européenne par la troisième
directive assurance vie, les souscripteurs ont accès à ces solutions via des contrats
luxembourgeois, la régulation du Grand Duché (assouplie en 2008) autorisant le recours aux
fonds dédiés.
Signe d’un important lobbying à ce sujet, les autorités de contrôle françaises s’en sont émues,
comme le démontrait en 2003 la délégation française au CEIOPS (Committee of European
Insurance and Occupational Pensions Supervisors, comité consultatif des autorités de contrôle
des assurances au niveau européen)45 : celle-ci appelait de ses voeux un examen des
dispositions nationales pour parfaire l’harmonisation communautaire en matière de contrats
d’assurance vie en unités de compte adossés à des fonds internes aux sociétés d’assurance. Elle
avançait notamment le motif que :”Les règlements de ces fonds ne prévoient pas […]
d’avenant préalable à toute modification des portefeuilles détenus. Par ailleurs, ce mode de
fonctionnement du contrat d’assurance ne permet pas à l’assuré de disposer d’éléments sur
l’évolution de la valeur de rachat de son contrat, ou d’une information suffisante sur le niveau
de frais auquel son contrat est exposé”. Elle soulignait également le risque de requalification
exclusive du contrat d’assurance pour ces “produits dont les caractéristiques se rapprochent
de plus en plus de mandats individualisés de gestion de portefeuille sans mutualisation”. Cette
démarche n’aura pas abouti à une harmonisation plus poussée jusqu’à présent.
Pour leur part, les assureurs, pour éviter les risques prudentiels et fiscaux (causés par le risque
de requalification en gestion de portefeuille), ont tenté de cantonner leur offre à des unités de
compte adossées à des actifs d’une même nature et cherché de nouvelles voies.
2- Les fonds diversifiés
L’assureur, responsable de l’adéquation de la gestion des unités de compte aux caractéristiques
déterminées pour le support, a cherché à offrir une alternative aux fonds dédiés en présentant
un offre à mi-chemin entre fonds en euros (garantis à faible rendement) et unités de compte
(exposés aux marchés financiers).
La loi Breton46 a autorisé l’assureur à se replacer au coeur de la gestion financière des contrats
grâce aux fonds diversifiés dont une partie est assortie d’une garantie et l’autre partie non
garantie, permet dans le cadre d’un fonds interne une gestion active dans le cadre d’un compte
titre considéré globalement comme une unité de compte.
En résumé, les assureurs français doivent se montrer attentifs et sélectifs quant aux unités de
compte, pour se conformer à la réglementation propre à encadrer leur détermination. Ces
critères doivent être respectés tant en cours de vie contractuelle qu’à l’occasion de la
conclusion du contrat, c’est à dire quand, à la souscription, l’assureur désignera les unités de
compte sur lesquelles reposera sa prestation. Il convient d’envisager la possibilité pour celui-ci
de modifier les supports offerts à l’arbitrage.
38 L 310-1 du Code des assurances
39 M. BERTRAND, Contrats en unités de compte – Améliorer la transparence, La Tribune de l’assurance, n°68,
mai 2003, p. 22
40 Les Echos Assurance-vie : le plus des contrats luxembourgeois [ 30/04/09 – 15H12 ]
41 Traité de droit des assurances, Tome 4 Les assurances de personnes, sous la direction de Jean BIGOT, LGDJ,
ed. 2007 N° 582
42 ibid.
43 “Le régime ambigu du mandat d’arbitrage” L’AGEFI ACTIFS n°220 du 23 septembre 2005p 16
44 92/96/CEE du 10 novembre 1992
45 MARKT/2537/03–FR 14 octobre 2003 Note de la délégation française, Contrats d’assurance vie en unités de
compte adossés à des fonds internes aux sociétés d’assurance: proposition de mandat pour un rapport du
CEIOPS, http://ec.europa.eu/internal_market/insurance/docs/markt-2537-03/markt-2537-03_fr.pdf
46 Loi n°2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l’économie
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