Là encore, il convient d’analyser les hypothèses d’un défaut d’information (a) et d’une faute technique (b).
a) L’indemnisation de la perte d’une chance suite à un défaut d’information.
La pratique de l’indemnisation de la perte d’une chance suite à un défaut d’information, par le juge administratif est peu dissociable de celle adoptée par le juge civil, en témoigne plusieurs arrêts que nous allons passer en revue.
Le Conseil d’Etat, le 28 mai 2004 décide, que « compte tenu du rapprochement entre, d’une part, les risques inhérents à l’intervention et, d’autre part, les risques encourus par le patient en cas de renonciation à celle-ci, une perte de chance de 30% est retenue pour fondement de l’indemnisation de la victime ». L’arrêt confirme plusieurs points.
D’abord, La faute médicale, et donc la responsabilité du service hospitalier public, est retenue uniquement dans le cas où l’acte médical est la cause directe de dommages sans rapport avec l’état initial du patient comme avec l’évolution prévisible de cet état et présente un caractère d’extrême gravité.
Ensuite, les praticiens hospitaliers commettent une faute en omettant d’informer un patient des risques de décès ou d’invalidité encourus à raison d’un acte médical. Cette faute entraîne l’indemnisation d’une perte de chance fixée à une fraction des chefs de préjudice tenant compte des risques inhérents à l’acte médical et des risques encourus en cas de renonciation à cet acte.
Enfin, la réparation de la perte de chance fixée comme indiquée ci-dessus, n’a pas d’effet sur les droits des caisses de sécurité sociale qui sont admises à poursuivre le remboursement de l’ensemble des prestations versées à la victime d’un accident résultant d’un acte médical, dans la limite des sommes allouées à celle-ci en réparation de la perte de chance d’éviter un préjudice corporel, la part d’indemnité de caractère personnel étant exclue du recours.
Par ailleurs, le Conseil d’Etat précise que « comme il ressort de l’instruction que les interruptions de grossesse présentent des risques graves d’hémorragies et que la victime n’avait pas été informée de l’existence de tels risques, le défaut d’information est constitutif, en l’espèce, d’une faute engageant la responsabilité du centre hospitalier ». Mais cette faute n’a, en fait, selon le Conseil, entraîné qu’une perte de chance de se soustraire au risque, évaluée à 30% ». Les faits étaient les suivants : une femme enceinte de 23 semaines se rend dans un centre hospitalier en raison de son état fébrile. Après rupture des membranes avec écoulement du liquide amniotique, un avortement thérapeutique est pratiqué. Une grave hémorragie s’ensuit et elle est transférée au CHU où elle subit une hystérectomie. Elle demande réparation de son préjudice en fondant son recours sur un certain nombre de fautes commises par le service hospitalier mais seul le défaut d’information sur les risques d’avortement est retenu par le Conseil d’Etat.
Enfin, nous citerons l’arrêt du Conseil d’Etat, en date du 1er juillet 2005 : un jeune patient, opéré pour une scoliose, présente par la suite une paraplégie des membres inférieurs. En l’absence de faute technique avérée, la Cour administrative d’appel retient le défaut d’information des praticiens, sur les risques connus de l’intervention proposée, et évalue la perte de chance consécutive au quart des conséquences dommageables constatées. Le Conseil d’Etat annule cet arrêt, en tant qu’il statue sur l’étendue du droit à réparation : l’évaluation de la perte de chance repose en effet sur un fait matériellement inexact, les avis unanimes des médecins sur l’opportunité de l’acte entrepris. Il règle l’affaire au fond en fixant à un tiers la perte de chance du patient. Cette décision est intéressante à double titre : d’une part, l’évaluation de la perte de chance est précisément explicitée, d’autre part, le Conseil d’Etat n’hésite pas à en modifier le taux fixé par la juridiction inférieure.
Au-delà de ces hypothèses, où l’indemnisation de la perte de chance est fixée à une fraction des chefs de préjudice, le juge administratif a admis, comme son homologue judiciaire, une indemnisation intégrale si l’intervention n’était pas indispensable . D’ailleurs, il admet même qu’aucune réparation ne soit allouée, si l’intervention était indispensable : CE 15/01/2001 Courrech .
b) L’indemnisation de la perte d’une chance suite à une faute technique par le juge administratif.
La jurisprudence traditionnelle du Conseil d’Etat consistait à indemniser la totalité du préjudice de perte de chance et non pas simplement une fraction lorsque est en cause une faute médicale . En effet, selon le Conseil d’Etat, si le médecin, par une attitude inadaptée ou par sa carence, n’a pas permis de guérir la pathologie du patient ou d’en enrayer l’évolution, il aura joué un rôle causal dans la survenue du dommage final : il sera dès lors amené à indemniser intégralement la victime de son entier préjudice.
Le Conseil d’Etat le 19 mars 2003 , confirme cette position en estimant que la réparation de la perte de chance passe par la réparation intégrale du préjudice subi par la victime. D’ailleurs, cette solution a été reprise notamment dans un arrêt du Conseil d’État du 10 octobre 2005 , à l’occasion d’un retard de diagnostic
Néanmoins le Conseil d’Etat appréciait la perte de chance du patient de ne pas subir l’aggravation de son état et réparait les seuls préjudices résultant directement du défaut de soins en tenant compte de l’état antérieur.
Il est certain que la perte de chance suivant qu’elle soit analysée par le juge judiciaire ou le juge administratif, diffère. Pour autant, il semble que le juge administratif souhaite un alignement de sa jurisprudence sur son homologue judiciaire.
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