I. Evolution d’ensemble
I.1. Origine
La théorie de la souveraineté permanente des Etats sur leurs richesses et ressources naturelles est d’origine latino-américaine.
C’est le Chili qui, en 1952, a amorcé le débat dans le cadre des Nations Unies. Par la suite, on a vu se développer toute une argumentation touchant aux problèmes politiques, économiques et juridiques relatifs à cette notion.
Dans un premier temps, ce principe a été façonné dans un cadre historique précis, notamment celui de la décolonisation et ayant une finalité bien précise. Les pays du tiers monde ont ensuite cherché à faire admettre la notion par les pays développés en acceptant divers compromis au sein de l’O.N.U. Une commission chargée de l’étude de ce principe fut institué par l’A.G. et abouti à la proclamation de la résolution 1803(XVII).
I.2. Étapes marquant l’évolution du principe
Dans l’ensemble, cette évolution traduit le souci de “ des internationaliser” les compétences économiques de l’État. Souci tactiquement compréhensible : les États en développement comme les Etats socialistes de l’époque cherchent à définir leur place dans les relations internationales, par opposition aux Etats qui dominent aujourd’hui les rapports économiques internationaux. Pour ce faire, il leur paraît opportun de supprimer les limitations, imposées par un Droit International Public d’origine européenne, à leur droit de réglementation interne et à une utilisation discrétionnaire de leurs richesses naturelles. Ils sont parfois rejoints dans cette entreprise par des Etats développés qui y voient le moyen soit de résister plus efficacement à la domination américaine, soit de dégager les règles d’une nouvelle discipline économique spécifique aux relations entre pays développés (exploitation de l’idée de dualité des normes).
Les principales étapes sont marquées par l’adoption des textes suivants :
– Le 1er texte important est la résolution 626 (VI) de 1952 qui, bien que les Etats “occidentaux” se soient abstenus lors de son adaptation, paraît rétrospectivement bien anodine : elle insiste sur la “nécessité de maintenir le courant des capitaux dans des conditions de sécurité et dans une atmosphère de confiance mutuelle et de coopération entre les États”. L’intérêt de cette résolution tient à l’habitude qui s’est prise depuis lors, de réaffirmer régulièrement le principe de la souveraineté sur les ressources nationales. Et donc, dans un 1er temps, les pays du Tiers-monde ont cherché à faire admettre la notion par les pays développés en acceptant divers compromis, note HERVE Cassan(26) dans son ouvrage très célèbre cité précédemment.
– La 2èmeétape, est marquée par l’adoption de la résolution 1803 (XVII) de1962. Elle correspond à une phase de compromis entre les synthèses défendues par les États occidentaux, ceux des pays socialistes et du Tiers Monde, en particulier. Le droit de nationaliser la propriété étrangère y est affirmé clairement, mais son exercice est entouré de certaines restrictions.
– La 3ème phase, quant à elle est ponctuée de durcissements successifs du Tiers Monde et trouve un point d’aboutissement dans la charte de droits et devoirs économiques des États de 1974. En son article 2, §II, il rappelle que “chaque État détient et exerce librement une souveraineté entière et permanente sur toutes ses richesses, ses ressources naturelles et activités économiques y compris la possession, le droit de les utiliser et d’en disposer”. L’ONU a adopté en tout plus de 80 résolutions concernant ce principe et a créée une commission chargée de son étude qu’elle a chargée de procéder à une enquête approfondie concernant la situation du droit de souveraineté permanente sur les richesses et les ressources naturelles.
Depuis cette période, la situation est plus complexe. Les pays développés ont accepté l’insertion de ce principe dans le droit positif, mais ils contestent vigoureusement les conséquences externes que certains pays en développement veulent en tirer dans l’exercice de leur politique, notamment en matière de nationalisation.
II. Contenu du concept de “ la Souveraineté Permanente ”
La constitution de la 3ème République ne fait que consacrer le principe de la Souveraineté Permanente dans le droit positif (interne) congolais, à son art.9 alinéa 1er, mais ne définie, ni le sens ni la portée de ce dernier.
Il n’existe non plus, aucune loi ou jurisprudence ( ) dans le droit positif congolais qui définisse ce principe. D’où alors, face à ce vide il nous parait nécessaire d`appliquer le réflexe du juriste, ainsi, nous avons recouru à la fois aux travaux préparatoires du parlement, ainsi qu’à la doctrine juridique internationale, pour combler cette lacune, en vue de réaliser une analyse minutieuse de notre travail et en dégager le sens, qui mettra fin à toute controverse autour de cet article. Cela étant, nous analyserons donc tour à tour les titulaires, l’objet et les caractères de cette souveraineté, pour en avoir une idée générale et pertinente.
II.1. Notion de la souveraineté permanente(27) selon les travaux préparatoires
Ces travaux ont été réalisés par le sénat et la discussion eut lieu au sein du parlement de transition, les deux chambres réunies. Le Président de cette commission est : Bruno MBIANGU KAKESE.
D’après la commission chargée de l’examen de l’art ; 9 de la constitution, “…”le principe repose sur la sécurisation de la souveraineté de l’État, quelles que soient les circonstances, en temps de paix ou de guerre, l’Etat doit avoir le contrôle politique, économique, financier et social sur toute l’étendue de son territoire.
Cette permanence de sa souveraineté vient à juste titre protéger, verrouiller la souveraineté de l’État. En ce sens où, il (l’État) devrait demander réparation au cas où un préjudice serait constaté pendant une période des troubles et des guerres.
L’esprit de cet article intervient après que l’État central ait été bradé par des seigneurs de guerre qui avaient occupé et divisé le pays en plusieurs structures politico-économico-judiciaire, la volonté manifeste d’instituer un contrôle sur toute l’étendue du pays en vue d’ériger un système de blocage contre les expériences qui ont consacrées une souveraineté à chaque seigneur de guerre(28).
II.2. Notion de la souveraineté permanente selon la doctrine
Quant à l’idée générale développée par la doctrine, elle se résume en ceci: tout Etat dont les richesses et les ressources naturelles ont été extorquées ou se trouvent entre des mains étrangères doit pouvoir recouvrer l’intégralité des droits normalement attachés à sa souveraineté. Par une extension naturelle de cette idée, on ajoute qu’un Etat souverain ne peut être contraint contre son gré de céder à des étrangers les droits qu’il détient normalement sur les richesses situées sur son territoire. C’est là l’une des applications principales de ce que le langage idéologique en usage au Tiers-monde et aux Nations Unies a pu appelé ” la lutte contre l’impérialisme et le néo-colonialisme”.
– Qui est le titulaire du droit de la souveraineté permanente ?
Deux ambiguïtés subsistent ici : le premier est juridique, son bénéfice ne devrait revenir qu’aux Etats. Certains textes, et en particulier la charte de droits et devoirs économiques (rés. 3281 (XXIX) de 1974) semblent bien en réserver l’exercice aux Etats ou aux ‘‘pays’’, mais l’autre ambiguïté, qui est le second nous révèle que des nombreux autres documents considèrent qu’il s’agit-là ‘‘d’un élément fondamental du droit de peuple et de nations à disposer d’eux-mêmes’’
Par exemple l’art.1er, paragraphe 2 de deux pactes de droits de l’homme de 1988 qui dispose : ” pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs ressources et de leur richesses naturelles.
Il apparaît donc que la souveraineté sur les richesses et les ressources naturelles appartient à l’Etat qui l’exerce au nom du peuple à partir du moment où celui-ci est constitué en Nation ou en Etat. Mais aussi au peuple sous domination coloniale ou soumis au régime d’apartheid ou de discrimination raciale, peuple sous colonie, peuple autochtone. La communauté internationale veille sur leurs, intérêts en attendant leur accession à l’indépendance.
– Ratione materiae, l’objet de la Souveraineté Permanente est très étendue(29). Il s’agit notamment :
1° L’objet primordial : les premières résolutions de N.U. visent exclusivement les richesses et ressources naturelles.
2° Depuis 1974 l’A.G. y adjoint les activités économiques.
3°L’expression recouvre aujourd’hui(30) tant, les richesses, ressources minérales et agricoles que les activités d’exploration, d’exploitation, de transformation et de commercialisation des richesses étendues sur le territoire où l’Etat exerce sa souveraineté.
4° Les investissements privés étrangers.
5° Les sociétés transnationales.
Il convient de préciser aussi que parmi les droits qui découlent de la souveraineté économique de l’Etat figurent celui de réglementer les investissements étrangers dans les limites de sa juridiction nationale, de réglementer et de surveiller les activités des sociétés transnationales dans les mêmes limites et de nationaliser, d’exproprier ou de transférer la propriété des biens étrangers situés sur son territoire.
En pratique, les investissements étrangers ainsi que l’acquisition d’immeubles sis sur le territoire national sont plus ou moins réglementés suivant les Etats. La loi Néerlandaise, par exemple, ne semble pas limiter l’acquisition par des étrangers d’immeubles situés aux Pays-Bas. Il en va autrement en Suisse.
26 Guy FEUER et Hervé CASSAN, op. cit., p. 23.
27 Travaux préparatoires de la commission chargée de la rédaction de l’art.9 de la constitution du 18/02/2005.Cette commission fut dirigée par Bruno MBIANGU KAKIESSE.
28 Rapport de la commission Lutundula
29 Dominique ROSENBERG, op. cit. p.128.
30 Guy FEUER et Hervé CASSAN, op. cit., p.78.
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