A. Présentation générale.
Le droit préférentiel de souscription constitue un moyen de préserver les droits des
actionnaires présents au sein de la société antérieurement à l’augmentation de capital. Il
permet à l’actionnaire, s’il choisit d’y souscrire, de conserver dans la société la même
proportion de capital, et, par conséquent, les mêmes droits, avant et après l’augmentation de
capital(137). En effet, l’augmentation de capital peut porter atteinte aux droits des actionnaires
lorsque d’autres « anciens » actionnaires acquièrent un nombre de nouvelles actions ayant
pour effet d’augmenter leur taux de participation dans la société ou lorsque de nouveaux
actionnaires y font leur entrée, ce qui engendrerait mécaniquement une diminution du taux de
participation des « anciens » actionnaires et, par conséquent, une dilution de leurs droits
patrimoniaux et extrapatrimoniaux y attachés si la possibilité de souscrire des actions émises
lors l’augmentation de capital ne leur était pas offerte(138). Face à ces risques, il convient de
donner à tous les actionnaires la possibilité de souscrire un nombre d’actions nouvellement
émises proportionnel à leurs droits antérieurs au sein de la société(139), afin que l’équilibre soit le
plus possible maintenu au sein des « anciens » actionnaires(140). À cet effet, l’article 29 de la
deuxième directive prévoit que « lors de toute augmentation du capital souscrit par apport en
numéraire, les actions doivent être offertes par préférence aux actionnaires
proportionnellement à la partie du capital représentée par leurs actions ».
B. Le droit préférentiel de souscription en cas d’augmentation du
capital social par apports en numéraire.
L’augmentation du capital social par apports en numéraire (c’est-à-dire par apport de
sommes d’argent(141)) constitue le seul cas où le droit européen impose aux États membres de
prévoir un droit préférentiel de souscription au bénéfice des actionnaires. Il convient
cependant de souligner que, comme l’indique son appellation, ce droit ne constitue qu’une
faculté à disposition de l’actionnaire, qui n’est donc pas dans l’obligation de souscrire des
nouvelles actions(142).
En application de l’article 29 § 3, l’offre de souscription à titre préférentiel, ainsi que le
délai dans lequel cette faculté doit être exercée font l’objet d’une publication dans le bulletin
national désigné conformément à la directive 68/151/CEE. Cette obligation pour les États
membres de prévoir une telle publicité est facultative lorsque les actions sont nominatives.
Cependant, en tout hypothèse, les actionnaires doivent être informés par écrit. Leur droit
préférentiel de souscription doit être exercé dans un délai qui ne peut être inférieur à quatorze
jours à compter de la publication de l’offre ou de l’envoi des courriers aux actionnaires. Par
ailleurs, l’article 29 § 2 de la directive prévoit, sous certaines conditions, des exceptions à
l’obligation des États membres de conférer un droit préférentiel de souscription aux
actionnaires en place.
Les droits nationaux, tant français qu’allemand(143), connaissaient de longue date le droit
préférentiel de souscription, de telle façon que la transposition de ces dispositions au sein de
ces deux droits ne semble pas avoir occasionné de difficultés particulières. La loi allemande
sur les sociétés par actions prévoit qu’« il doit être conféré à chaque actionnaire, à sa
demande, un nombre d’actions correspondant à sa participation au sein du capital de la
société » (§ 186 AktG). La disposition correspondante pour les sociétés anonymes de droit
français est l’article L. 225-132 C. Com., dont l’al. 2 dispose que « les actionnaires ont,
proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la souscription des
actions de numéraire émises pour réaliser une augmentation de capital ». En France, ce droit
est d’ordre public(144). Le droit allemand lui confère également une importance certaine, ce qui
explique qu’il ne pourra être procédé à sa suppression qu’à certaines conditions restrictives.
C. Le droit préférentiel de souscription en cas d’augmentation du
capital social par apports en nature.
L’apport en nature « consiste en tout bien attribué à la société, autre qu’une somme
d’argent, susceptible d’une évaluation pécuniaire et pouvant être exploité
commercialement »(145). L’article 29 de la directive n’impose aucun droit préférentiel de
souscription dans le cadre d’une augmentation du capital social souscrite par apports en
nature. Cette règle a été confirmée par la CJCE dans l’arrêt Siemens c/ Nold, rendu le 19
novembre 1996(146) et peut s’expliquer par le fait que peu d’États membres prévoyaient un tel
mécanisme en cas d’augmentation de capital par apports en nature lorsque la directive a été
adoptée, en 1976(147). Le droit français n’a pas modifié sa position antérieure consistant à
n’imposer ce droit que dans le cadre d’une augmentation de capital en numéraire (Art. L. 225-
132 al. 2 C. Com.). À l’inverse, le § 186 AktG ne procède à aucune distinction selon que
l’apport effectué est un apport en numéraire ou en nature(148) et prévoit de fait un droit
préférentiel de souscription en cas d’apport en nature. La CJCE a précisé que cela n’est pas
contraire à la deuxième directive, celle-ci laissant la faculté aux Etats membres de prévoir un
tel droit préférentiel de souscription en cas d’apport en nature(149).