1.1. Avant-propos
La musique n’a cessé de changer de supports et ce, depuis plus de cent ans. En effet le phonographe de Thomas Edison, permettant d’enregistrer et de réécouter des sons, date de 1877. Par la suite se sont succédés le 78 tours d’Emile Berliner en 1887, le disque vinyle breveté par Columbia en 1946, la cassette audio créée par Philips en 1963 et le CD commercialisé fin août 1982 par Philips en collaboration avec Sony et Hitachi. Dans les années 90 est apparu le MP3 qui pouvait être échangé sur Internet via des logiciels de peer to peer comme Napster ou des sites de téléchargements comme Megaupload.
Enfin un nouveau canal permettant l’écoute de musique via des supports dématérialisés a fait son apparition dans le milieu des années 90 : le streaming.
1.2. Qu’est-ce que le streaming ?
Le terme streaming, qui vient de l’anglais « stream » (flot, courant), désigne les technologies « permettant de télécharger et de visionner (ou d’écouter) un contenu multimédia en simultané »(1).
Dans cette étude je ne traiterai que des fichiers audio.
1.3. Historique
En France, le premier site de streaming fut RadioBlogClub qui a été lancé en 2003 par Benoit Tersiguel. Ce site permettait l’écoute de musique référencée sur différents blogs mais n’hébergeait pas les fichiers. Néanmoins l’aventure prend fin en 2011 avec la condamnation du créateur et de son père pour “mise à disposition du public d’un logiciel conduisant à l’écoute et au partage non autorisé d’oeuvres musicales protégées»(2).
Par la suite est apparu Blogmusik, créé par Daniel Marhely en juin 2006 rejoint par Jonathan Benassaya en janvier 2007. L’aventure tourne court et le site est contraint de fermer en avril 2007. La société réapparait le 22 août 2007 sous le nom Deezer et signe des accords avec les majors et labels indépendants. Le 5 novembre 2009, le site lance les offres payantes dites « Premium ». La plate-forme compte actuellement 2 millions d’abonnés à ses offres premium(3). Preuve que le secteur est porteur, le patron de Deezer, Axel Dauchez, a récemment annoncé un investissement de 75 millions d’euros et le rachat de 25 millions d’euros d’actions par le fond d’investissement Access Industries (déjà propriétaire de Warner Music)(4).
Spotify a été créé en 2006 par Daniel Ek et Martin Lorentzon à Stockholm en Suède (le siège social est désormais situé à Londres). Par la suite, le public eut accès à la plate-forme le 7 octobre 2008. L’offre gratuite était alors disponible sur invitation alors que l’offre payante était accessible pour tous. Concernant la France, une antenne est ouverte en 2009 à Paris.
Spotify est accessible dans 15 pays, affiche 4 millions d’abonnés premium (et 15 millions d’utilisateurs actifs)(5). Notons là aussi une levée de fonds de 100 millions de dollars (78 millions d’euros) effectuée récemment et ce malgré une perte nette de 59 millions de dollars (46 millions d’euros). Les fonds proviendraient à 50 % de Goldman Sachs, à hauteur de 10 % de Coke, 15 % des actionnaires actuels et aussi de Fidelity Investments(6).
Qobuz est tout d’abord un service d’achat de musique en ligne créé par Yves Riesel, dirigeant du label de musique Abeille Musique. Ce site a été lancé en 2007 mais son développement n’a réellement commencé que fin 2008. Le site prend de l’ampleur en 2011 avec le lancement d’une plate-forme de streaming. Ses offres se démarquent des concurrents en termes de prix (pas d’offres gratuites, un prix élevé par rapport au marché hormis pour l’offre premium, …) et en termes de qualité de l’offre (plus de 10 millions de titres disponibles en qualité CD, contenus exclusifs, …)(7).
MusicMe a été lancé en 2006 par Alexandre Marie, Ludovic Leu et Arnaud Masson. Le site propose près de 6,6 millions de titres. L’offre est légèrement différente des autres acteurs du milieu. En effet il s’agit de la seule plate-forme qui propose un abonnement permettant le téléchargement de MP3 mensuellement. D’autres offres freemium et premium sont néanmoins proposées aux consommateurs(8).
Rdio est le nouvel arrivant sur le marché français. Le service, lancé aux Etats-Unis par les fondateurs de Skype et Kazaa durant l’été 2010, propose ses offres en France depuis le 2 mai 2012. Fort d’un catalogue de 12 millions de titres, l’entreprise fait le pari osé de ne proposer que des offres payantes (4,99 et 9,99 euros). Toutefois l’utilisateur pourra essayer le service gratuitement pendant 7 jours(9).
1.4. Une économie musicale mouvementée
Le marché de la musique vit en ce moment un grand tournant. Selon une récente étude (Syndicat National de l’Edition Phonographique, 2012), le streaming, les sonneries de téléphones portables et le téléchargement de MP3 représentaient en France un marché de 110,6 millions d’euros TTC en 2011. Ce marché affichait une progression de 25,7 % comparé à 2010. Le marché de la musique physique, quant à lui, était estimé à 412.6 millions d’euros et il affiche une baisse de 11,5 % comparé à 2010. Certains experts prédisent un renversement des forces, c’est-à-dire un marché numérique plus important que le marché physique, d’ici à 2015.
Au niveau des supports de musique numérique, le streaming est en pleine expansion. En effet, en 2010, le streaming (gratuit et abonnements) représentait un marché de quasiment 23 millions d’euros. En 2011, il en représente désormais quasiment 40 millions soit une hausse de plus de 70 %. Ce montant représente 36 % des montants de la distribution de musique en numérique.
Le streaming aussi est en passe de dépasser la technologie du MP3 en France, et ce, pour différentes raisons. Tout d’abord la mise en place d’Hadopi a permis une baisse de près de 2 millions d’utilisateurs des réseaux peer-to-peer. Ensuite la fermeture de Megaupload, le plus important site de téléchargement, en janvier 2012 a laissé plus de 3,8 millions d’utilisateurs quasiment « orphelins ». De plus le MP3 légal est loin d’être quelque chose d’accessible au grand public. En effet, l’argument de vente utilisé par Microsoft pour promouvoir son lecteur Zune (qui permet le téléchargement à volonté de morceaux pour 14,99 $) est que le coût d’un IPod 120 Gb rempli de MP3 est de 30.000 $(10) (environ 23.300 €).
Concernant les consommateurs français, l’étude de la SNEP précise qu’ils passent 12 h 22 de la semaine à écouter de la musique. La moitié de cette écoute se fait via les médias traditionnels (radio et télévision), 3 h 23 via les CD, 1 h 40 via la musique téléchargée et 1 h 10 via le streaming.
1.5. Fiscalité
Dans l’actualité, notons aussi « Les 13 engagements pour la musique en ligne »(11) signés par les syndicats et les sociétés de gestion de droit des producteurs de disques, les représentants des artistes ainsi que le regroupement des acteurs de la musique en ligne, l’ESML. Ce document, plutôt axé sur la relation producteurs/services de musique en streaming, demande aux services de s’engager à développer l’offre payante et propose un encadrement des minimas garantis et des avances demandées aux plates-formes. Les pouvoirs publics s’engagent de leur côté à “oeuvrer au niveau européen pour la mise en place d’un taux de TVA réduit pour notamment les services en ligne de musique”.
1.6. L’offre
Le consommateur de musique en streaming se voit proposer deux types d’abonnements :
– Un abonnement gratuit (souvent appelé « freemium ») où les fonctions sont bridées et le consommateur se voit imposer des coupures et/ou affichages publicitaires. Cette technique marketing s’appelle le versioning.
– Un abonnement payant (ou « premium ») où le consommateur peut jouir d’une partie, voire de la totalité des possibilités offertes en fonction du montant payé.
En France, nous distinguons cinq principaux fournisseurs de musique en streaming : Deezer, Spotify, MusicMe, Qobuz et Rdio.
Néanmoins l’offre de musique en streaming freemium n’est pas viable(12), les entreprises cherchent donc à convertir leurs utilisateurs via de multiples restrictions.
Dans mon analyse, je ne tiendrai pas compte de Grooveshark, Rhapsody, Mog ainsi que Pandora car leurs prix et leur politique marketing sont axés sur le marché américain.
1 Houste F. & Muller P.E. (2005). Streaming. Micro Application.
2 Deleurence G.,”Streaming : condamnation confirmée pour RadioBlogClub”, consulté le 02/10/2012 : http://www.01net.com/editorial/530489/streaming-condamnation-confirmee-pour-radio-blog-club/
3 Deezer – Dossier de Presse. Consulté le 2/10/2012, sur Deezer : http://www.deezer.com/fr/legal/press.php
4 Fanen S., « Deezer prend du volume », consulté le 10 octobre 2012 : http://www.ecrans.fr/Deezer-prend-duvolume, 15307.html
5 Page Wikipédia de Spotify, consultée le 4 octobre 2012, http://fr.wikipedia.org/wiki/Spotify
6 Le Monde.fr, « Spotify lève 100 millions de dollars, une version Web en vue », consulté le 20 novembre 2012, http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/11/15/spotify-leve-100-millions-de-dollars-une-version-weben-vue_1791498_651865.html
7 Sanyas N., « Qobuz aligne le tarif de son offre Premium sur celui de Deezer et Spotify », consulté le 4 octobre 2012 : http://www.pcinpact.com/news/74080-qobuz-aligne-tarif-son-offre-premium-sur-celui-deezer-etspotify.htm
8 Page Wikipédia de MusicMe, consultée le 4 octobre 2012 : http://fr.wikipedia.org/wiki/MusicMe
9 L. J., « Le service de streaming musical Rdio arrive en France », consulté le 4 Octobre 2012 : http://www.numerama.com/magazine/22504-le-service-de-streaming-musical-rdio-arrive-en-france.html
10 Publication officielle Zune, « Financial planner: iTunes costs a lot, Zune pass a little », consultée le 27 septembre 2012 : http://www.youtube.com/watch?v=N_ExogURaeI&feature=player_embedded
11 Direction générale des médias et des industries culturelles, « 13 engagements pour la musique en ligne », consulté le 11/09/2012, http://www.dgmic.culture.gouv.fr/IMG/pdf/signature_accord_musique_en_ligne.pdf
12 Neff F., « La distribution digitale de la musique: Quoi, où, comment … » consulté le 15 août 2012 : http://virginieberger.com/2011/03/la-distribution-digitale-de-la-musique-quoi-ou-comment/
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