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§ 1. La compétence du médecin expert.

42. Qualité personnelle.

– L’expertise médicale est la première phase de la chaîne de l’indemnisation du dommage corporel.
Un expert qualifié et compétent pour exercer sa mission, c’est ce qu’attend normalement chaque victime
lors de l’expertise médicale qu’elle subit pour permettre d’évaluer les préjudices qu’elle a subi suite
à ses dommages corporels.

Ce spécialiste du dommage corporel (A) doit respecter des obligations légales de déclaration
d’activité (B).

A / Spécialiste du dommage corporel.

43. Formation.

– La France considère que l’appréciation du dommage corporel relève d’une « science particulière,
distincte de la médecine traditionnelle »(67). Ainsi, la formation du médecin expert nécessite une
spécialisation particulière pour l’évaluation du dommage corporel(68). L’université a su répondre au
besoin grandissant de la pratique. Après l’obtention de cette spécialisation, le médecin a le choix
d’exercer dans trois situations différentes. Il peut intervenir pour le compte d’une entreprise
d’assurance, pour représenter la victime dans la défense de ses intérêts ou encore être nommé expert
judiciaire par un tribunal.

44. Pratique.

– Cependant, cette triple possibilité d’exercer du médecin expert peut être source de confusion :
ne souffre-t-elle pas d’une incompatibilité dans son exercice ?

La question fait débat depuis quelques temps. D’un point de vue négatif, le problème majeur
est la relation de dépendance économique de l’expert avec les entreprises d’assurance. Ces
dernières lui donnent des missions et le rémunèrent dans ce cadre. Le fait de cumuler
plusieurs fonctions n’a-t-il pas un impact sur l’évaluation même du dommage corporel ? Cela
est discutable si l’on envisage la démographie médicale sur le territoire français. Dans la zone
de la « diagonale du vide », force est de constater que les populations ne sont pas aussi
importante que dans les autres régions de France. Le travail n’est pas le même pour un
médecin de ville qu’un médecin de campagne. On acceptera plus facilement l’idée qu’un
médecin en zone rurale puisse cumuler les qualités d’expert tandis qu’en zone urbaine, cela
paraît plus délicat. Il faut pouvoir garantir l’impartialité du médecin expert.

45. Renforcement futur des critères relatifs à la qualité du médecin expert.

– Actuellement, il n’y a pas de réglementation stricte sur la qualité du médecin pour exercer en
tant qu’expert en réparation du dommage corporel. La proposition de loi LEFRAND de 2010 a
le mérite d’essayer d’établir de nouvelles normes en la matière. L’article 4 prévoit que soit
définie la qualité du médecin ayant des compétences en réparation du dommage corporel. Si
la proposition de loi est votée, la codification s’effectuera à travers le nouvel article L. 4133-
1-2 du code des assurances :

« Article L. 4133-1-2. – Les règles relatives à la qualité de médecin ayant des
compétences en réparation du dommage corporel sont définies par voie
réglementaire, après avis du Conseil national de l’ordre des médecins.

Jusqu’à la date d’entrée en vigueur du décret prévu au premier alinéa, les
médecins qui, à la date de publication de la présente loi, exercent une mission de
conseil en réparation du dommage corporel auprès d’une ou plusieurs entreprises
d’assurance ou assistent couramment des victimes de dommage corporel sont
réputés avoir des compétences en ce domaine. »

La proposition de loi souhaite établir une définition claire de la qualité de « médecin
ayant des compétences en réparation du dommage corporel » par un décret d’application,
après avis du conseil national de l’ordre des médecins, gage de cohérente de la proposition de
loi Lefrand. Une unification de la qualité de médecin expert a ses avantages : les mêmes
connaissances théoriques et les mêmes aptitudes à la pratique de cet art difficile.

Selon le Rapport fait à l’Assemblée Nationale par M. le député LEFRAND en personne, le conseil
national de l’ordre des médecins a confirmé que « ces compétences pourraient sur cette base
être reconnues tant par l’acquisition d’un diplôme interuniversitaire que par la validation des
acquis de l’expérience dont les commissions nationales de qualification de l’ordre des
médecins sont chargées »(69). Ainsi, le texte instaure une présomption de compétences des
médecins exerçant dans ce domaine jusqu’à la date d’entrée en vigueur du décret
d’application.

La philosophie de M. le député LEFRAND est de toiletter le système actuel où
tout médecin peut se prévaloir de cette qualité. Il explique qu’il est « exclu d’empêcher des
médecins qui travaillent efficacement dans ce domaine depuis longtemps, d’autant qu’il existe
un vrai problème de démographie médicale. L’idée est de parvenir progressivement à la
création d’un diplôme interuniversitaire qui deviendrait ensuite obligatoire »(70).

B/ Déclaration et inscription sur les listes.

46. Déclaration à l’ordre des médecins (71).

– Tout médecin est déclaré à l’ordre des médecins comme l’impose l’article L. 4111-1, 3o du code de
la santé publique. Il est essentiel de préserver une telle déclaration car la profession est réglementée.

Le professionnel doit satisfaire à plusieurs critères imposés par la loi pour être régulièrement inscrit sur la liste.
Ces précautions garantissent la compétence du médecin à respecter les nombreuses obligations mises à sa charge(72) ainsi
que ses devoirs déontologiques stricts.

47. Inscription sur les listes d’experts près des Cours d’appel.

– Tout expert judiciaire est inscrit sur une liste d’expert près de la Cour d’appel de son ressort.
Cette liste permet de recenser les médecins appelés par les tribunaux pour des expertises médicales.

48. Nouvelles déclarations obligatoires.

– La proposition de loi Lefrand propose dans son article 3 de créer une nouvelle obligation à la charge du médecin :
celle de déclarer auprès du conseil départemental de l’ordre des médecins le nom des avocats et des entreprises
d’assurances avec lesquels il a l’habitude de travailler. Le futur article L. 4113-13-1 du code
de la santé publique sera rédigé ainsi :

« Article L. 4113-13-1. – Les médecins communiquent au conseil
départemental de l’ordre dont ils relèvent le nom des avocats et des compagnies
auxquels ils prêtent habituellement leur concours, dans des conditions fixées par voir
réglementaire.

« Ces informations sont accessibles au public.

« Le défaut de communication de ces renseignements constitue une faute
disciplinaire susceptible d’entraîner des sanctions prévues à l’article L. 4124-6.
« Les médecins intéressés disposent, pour faire la déclaration prévue au
premier alinéa, d’un délai de six mois à compter de la publication des dispositions
réglementaires mentionnées au même alinéa. »

Une fois encore, un décret d’application encadrera cette future déclaration. Cette liste
déclarative doit s’étendre à l’ensemble des victimes d’un dommage corporel et non être
cantonnée aux seules victimes d’un accident de la circulation. Pour améliorer l’harmonisation
de l’indemnisation du dommage corporel, la source du dommage ne peut pas être un critère
déterminant pour une raison d’équité entre les victimes.

49. Assistance de la victime par un médecin-conseil lors de l’expertise contradictoire.

– Le principe du contradictoire est un principe processuel fondamental. Son respect « est destiné
à empêcher des expertises réalisées unilatéralement en tenant à l’écart l’une des parties. Il suppose que
l’expert appelle toutes les parties aux opérations d’expertise et implique la communication des documents
afin que les différentes parties puissent être en mesure d’en discuter loyalement et de formuler des
observations »(73).

L’article 9 de la proposition de loi propose à la victime l’assistance de son propre médecin expert lors de
l’expertise médicale réalisée par l’expert de l’assureur. Ce médecin doit avoir des
compétences en réparation du dommage corporel. L’article L. 211-10 du code des assurances
instaure l’obligation pour l’assureur d’informer la victime d’un accident de la circulation la
possibilité de se faire assister par un médecin lors de l’examen médical. L’article 8 de la
proposition de loi prévoit que désormais, l’assureur communiquera deux listes de médecins à
la notice d’information envoyée lors de la première correspondance à la victime.

La première liste recensera les praticiens ayant des compétences en réparation du dommage corporel dans
le département, telles que définies à l’article 4 de la proposition de loi. La seconde liste
répertoriera les médecins auxquels l’assureur en charge du règlement fait habituellement
appel dans le département conformément à l’obligation déclarative prévue à l’article 3 de la
proposition de loi. Si l’assureur ne respecte pas cette obligation lors de cette première
correspondance avec la victime, la sanction est la nullité relative de la transaction si celle-ci
aboutie. Cette nouvelle disposition modifiera la rédaction de l’actuel article L.211-10 du code
des assurances.

La communication de ces deux listes permettra un choix libre et éclairé de la victime
quand à la nomination de son médecin-conseil pour l’assister lors de l’expertise médicale
réalisée par l’assureur. La victime a la possibilité de nommer par écrit un médecin-conseil
ayant des capacités en réparation du dommage corporel habituellement appelé par l’assureur ;
ce choix est sous sa seule responsabilité. L’article 9 de la proposition de loi sera codifié à
l’article L. 211-10-1 du code des assurances de cette façon :

« Art. L. 211-10-1. – En cas d’examen contradictoire, la victime est assistée
d’un médecin-conseil de son choix, ayant des compétences en réparation du
dommage corporel et à qui l’assureur en charge du règlement du litige ne fait pas
habituellement appel, sauf si elle manifeste par écrit son souhait contraire.

« Un décret fixe les modalités d’application du présent article. »
La certification des compétences du médecin donne à l’expertise médico-légale une
assise plus légitime et protectrice d’une estimation équivalente des dommages similaires subis
par des victimes.

67 Lamy Assurances 2011, n°2760.
68 T. WICKERS, Présentation du colloque, Gaz. Pal., 9 avril 2011 n°99, p.5.
69 Rapport LEFRAND à l’Assemblée Nationale n°2297, p.24.
70 Rapport LEFRAND à l’Assemblée Nationale n°2297, p.25.
71 J. PENNEAU, Médecine (1° professions médicales et auxiliaires médicales), Rép. Civ. Dalloz, 2010,
n°52 et s.
72 Pour de plus amples développements sur ce point, V. J. PENNEAU, art. préc. n° 176 et s.
73 S. BEN HADJ YAHIA, Qualités et effets de l’expertise dans le contentieux de l’assurance, RCA 2010,
n°6, étude 7.

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