Comment justifier que le montant de l’indemnité initiale allouée au patient soit moindre que celle correspondant à son état réel ?
Certains auteurs ont tiré de la spécificité du préjudice de perte de chance, l’existence d’une causalité partielle. D’ailleurs, Monsieur BORE exprime bien cette idée, « le préjudice résultant de la perte d’une chance est donc un préjudice raccourci a la mesure du lien de causalité probable qui unit le fait générateur de responsabilité au préjudice final ». Plus précisément, le lien de causalité est le même que ce soit pour le préjudice initial et le préjudice final. Mais son existence ne peut être prouvée totalement. Partant, la certitude du lien de causalité est affectée par le biais de la probabilité qu’ait pu se réaliser la chance.
Finalement, le lien de cause à effet n’est qu’artificiel dans le domaine de la perte de chance, et ce dans l’unique dessein d’indemniser les dommages subis par les patients. De ce fait, une partie de la doctrine considère que les exigences de droit commun relatives à l’établissement du rapport de cause à effet entre le fait dommageable commis par le défendeur et le préjudice subi par le demandeur, ne doivent pas être appliquées strictement au domaine de la perte de chance. L’artifice mis en place n’aboutissant qu’à une réparation partielle, suppose alors une responsabilité partielle.
Cette idée a surtout été développée lors de l’apparition de la perte de chance en droit médical. Mais il semble qu’elle ne soit pas véritablement abandonnée comme en témoigne les propos de Monsieur LECOURT : « s’agissant de la perte d’une chance, il faut constater que la jurisprudence bien plus qu’une présomption, accorde une dispense de preuve quant à l’existence du lien de causalité. Et même si l’on a cru discerner dans certaine décisions une régression de ce phénomène, c’est encore souvent pour pallier les difficultés de la preuve de la causalité que les tribunaux ont recours a la notion de perte de chance. Dans cette perspective, la perte de chance serait : « un raccourci à la mesure du lien probable. »
Cette conception particulière n’emporte pas l’approbation de tous. D’après Monsieur COUTURIER, « le principe même de la causalité partielle est d’envisager, dans l’hypothèse où un dommage est dû à plusieurs causes, la part de chacune dans la production de ce dommage (…). Une causalité partielle ne conduit pas à une responsabilité partielle ».
Même si la causalité partielle est loin d’être admise en matière de perte de chance, une chose est sûre, le recours à cette notion est dénoncé par beaucoup, comme abusive.
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