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§1. Le financement par capital-risque fragilisé par la crise.

La crise des subprimes puis plus récemment la crise liée aux dettes souveraines ont, entre autre, généré deux effets négatifs sur l’environnement du capital-risque. Tout d’abord, elles ont engendré un ralentissement de l’activité économique, voire une réduction de cette dernière. De façon générale, elles ont considérablement restreint les capacités d’investissement des acteurs économiques.

Surtout, ces crises participent à la dégradation de l’environnement financier en instaurant un climat de méfiance et d’incertitude. Ce doute quant aux perspectives de rétablissement des économies européennes pèse inéluctablement sur les décisions d’investissement des acteurs, quelle que soit leur qualité. Comme nous avons déjà eu l’occasion de le mentionner, les investissements en capital-risque sont fondés sur la notion d’incertitude, et ce dans le sens où le risque inhérent à l’investissement ne peut être évalué. L’investissement repose généralement sur un jugement, une appréciation du potentiel de l’entreprise ciblée. Dès lors, ce jugement se trouve extrêmement exposé aux fluctuations de la situation économique. De sombres perspectives économiques ont corrélativement un effet néfaste sur les investissements potentiels.

Il est dès lors plus aisé de comprendre la diminution des investissements effectués au sein de véhicules d’investissement dédiés au capital-risque. En effet, sans prendre en considération la situation économique de certains pays européens tels que la Grèce, l’Espagne ou encore le Portugal, pays dont il est bon de rappeler l’interconnexion commerciale avec la France, la situation économique française n’offre pas non plus matière à inciter grandement les investissements d’avenir. Avec des prévisions gouvernementales de croissance fixées à 0,7% en 2012, puis 1,75% en 2013(47), le climat économique français s’avère peu incitatif.

Après une forte baisse des dépenses en capital-risque intervenue lors de la crise des subprimes, ces dernières passant de 758 millions d’euros en 2008 à 587 millions d’euros en 2009, soit une baisse de 23%, les montants investis semblent se stabiliser, mais représentent tout de même un montant relativement faible.

AFIC Data – Grant Thornton

L’Association Française des Investisseurs en Capital (AFIC) et l’Association Française de la Gestion financière (AFG) ont publié, le 23 février 2012, les résultats d’une enquête relative à l’évaluation des montants de capitaux levés en 2011 par les fonds d’investissements de proximité (FIP) et les fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI)(48). Il résulte de cette enquête que la collecte des FCPI et des FIP représentait 757 millions d’euros, soit une baisse de 15% en valeur et de plus de 26% en volume de particuliers souscripteurs par rapport à 2010. Tendance baissière également perceptible à l’échelle européenne puisque les sommes levées par les fonds ont diminué de 58% entre 2007 et 2010.

L’analyse des levées de fonds sur l’ensemble des segments du capital-investissement est également révélatrice de ce phénomène baissier lié à la crise des subprimes puisqu’en 2006 quelques 10 280 millions d’euros furent levés, tandis qu’en 2011 ce nombre est réduit à 6456 millions. Néanmoins, entre 2010 et 2011, les levées de fonds semblent à nouveau augmenter, notamment grâce aux levées effectuées à l’étranger, sans pour autant égaler le niveau qui était le leur avant crise.

AFIC Data – Grant Thornton

Le système actuel de capital-risque s’avère donc extrêmement exposé aux fluctuations de l’activité économique. Le capital-risque, en période de crise, est soumis à l’effet conjugué d’une baisse des investissements et d’une réduction des fonds levés et destinés à l’innovation.

C’est donc un segment entier du financement des entreprises qui est considérablement affecté.

Un cercle vicieux semble alors initié, les sociétés innovantes ayant un rôle essentiel dans le développement économique et notamment dans le cadre d’une reprise économique, la forte diminution de leurs financements accentue l’assombrissement des perspectives économiques.

Dans un pays où le développement du capital-risque demeure un phénomène récent ne disposant pas, contrairement aux Etats-Unis, d’une solide assise culturelle fondée sur des valeurs de prise de risque et de pari sur l’innovation, un tel recul du capital-risque pourrait bien contribuer à détourner définitivement les investisseurs d’un tel type d’opération, alors même que son utilité économique fait l’objet de bien peu de contestations. Le paradoxe semble alors flagrant.

Alors que le contexte actuel de crise est l’occasion pour un grand nombre d’acteurs de la sphère économique de prôner l’amélioration de la régulation financière, de réclamer un système plus transparent et revêtant un aspect plus humain, il est frappant de constater que l’une des principales victimes collatérales de cette crise s’avère être un système dont la logique pourrait potentiellement servir de modèle aux mécanismes actuels.

Le capital-risque est en effet pourvu de ce qui semble aujourd’hui faire le plus défaut à la logique de marché, à savoir un investissement dans une idée, dans un projet, dans des hommes. Alors même que le capital-risque pourrait constituer une source d’inspiration pour repenser la finance, il est troublant de constater que le capital-risque se trouve aujourd’hui menacé par les conséquences d’une crise résultant d’une logique financière dont il n’a jamais été l’apôtre.

47 http://www.investir.fr/infos-conseils-boursiers/actus-des-marches/infos-marches/france-croissance-2012-relevee-a-0-7-2013-baissee-a-1-75-417836.php
48 Etude AFIC—AFG sur la levée de capitaux, communiqué de presse 23 février 2012

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