Lorsque la victime est indemnisée d’un dommage corporel, elle touche au final uniquement un solde. Dans un premier temps, le juge va évaluer tous les préjudices subis par la victime qui a demandé réparation. Dans un deuxième temps, il va évaluer les prestations payées par le tiers payeur (sécurité sociale, assureur, employeur). La victime ne peut cumuler les dommages et intérêts et les prestations car elle s’enrichirait. Enfin, il va imputer le recours des tiers payeurs c’est à dire qu’il va déduire du montant des dommages et intérêts les sommes que la victime a effectivement reçu au titre de ce préjudice. Ce recours est régi par les articles 28 à 34 de la loi Badinter qui sont des articles de droit commun qui concernent toutes les victimes de dommages corporels.
Ces règles énoncées s’appliquent en matière de perte d’une chance . En raison de la spécificité de la matière, le contentieux devient également spécifique.
Jusqu’à une date encore récente, le Conseil d’État jugeait, tout comme le juge judiciaire , que les caisses de sécurité sociale, bénéficiaient d’une priorité sur la victime pour la récupération de leur créance et qu’en cas de partage de responsabilité entre la victime et le tiers responsable, les caisses pouvaient récupérer l’ensemble de leur créance . Ainsi, lorsque les caisses exerçaient leur droit de recours, celui-ci concernait l’ensemble de leurs débours, à due concurrence de l’indemnité allouée à la victime au titre des préjudices soumis à recours .
Mais la question de l’assiette du recours des Caisses d’assurance maladie suscitait beaucoup d’hésitations et de critiques de la doctrine . Ainsi, le Commissaire du Gouvernement, Monsieur Olson proposa de limiter l’indemnisation des caisses sur la part d’indemnité allouée au titre de l’atteinte à l’intégrité physique à la fraction de leurs débours correspondant à la perte de chance. Cependant, la jurisprudence développée à partir de ces différents paramètres s’est révélée plutôt défavorable aux victimes . Poussé à son paroxysme, ce système avait pour conséquence que certaines victimes étaient conduites au final à se battre davantage pour les caisses de sécurité sociale que pour elles-mêmes.
Finalement, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a suivi la doctrine en précisant que le recours des tiers payeurs s’effectue désormais par poste de préjudice et non plus globalement. Par ailleurs, en cas de concours de créances entre le tiers payeur et la victime, celle-ci a désormais la priorité sur le tiers payeur. A cet effet, l’article L. 376-1 (3ème paragraphe) du Code de la Sécurité sociale, ainsi que l’article 31 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 ont été modifiés : « les recours subrogatoires des tiers payeurs contre les tiers s’exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel ». Conformément à l’article 1252 du Code civil, « la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l’indemnisation, lorsqu’elle n’a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l’assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée. Cependant, si le tiers payeur établit qu’il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s’exercer sur ce poste de préjudice. »
Désormais, la victime bénéficie d’un droit de préférence sur l’indemnité due par le responsable, la caisse ne pouvant imputer sa créance que sur le solde. En effet, la victime est autorisée à se faire payer par préférence à la caisse, jusqu’à concurrence de son préjudice réel et dans le respect de la dette du tiers. Le Conseil d’État suivra le pas dans son avis de section du 4 juin 2007 .
La question de l’aggravation du dommage est également un autre facteur qui intervient dans l’évaluation du montant des réparations.
Retour au menu : LA PERTE DE CHANCE EN MATIERE DE RESPONSABILITÉ MÉDICALE