S’il est socialement et légalement admis de punir les infracteurs pour la rupture du contrat social qu’occasionnent leurs actes, il est également bon de souligner le coût social que doivent supporter leurs ascendants et surtout leurs descendants et épouses. En effet, l’incarcération d’un père/d’une mère entraîne toujours un déséquilibre, une dissolution des liens socio-familiaux qui, s’ils ne sont pas bien encadrés, risquent de conduire les plus faibles, que sont les enfants, vers l’adoption et la pratique de comportements à risque.
« Un seul être vous manque et tout est bouleversé », c’est en effet ce que vivent au quotidien les familles, mieux les enfants dont le père ou la mère est en détention pour fait qualifié de délit ou de crime. Les proches de détenus, en particulier leurs enfants, sont les victimes secondaires de l’incarcération. Ils vivent la « prison » sociale et psychologique quand leurs parents vivent la prison pénale. En effet, la pratique du fait judiciaire et pénitentiaire est révélatrice de témoignages de ruptures des liens de mariage, de familles dyssociales, de familles recomposées, de familles éclatées, d’enfants abandonnés etc. Ces effets de l’incarcération sont encore plus ressentis par les enfants qui vivent une rupture avec la valeur affective (mère) ou de l’autorité (père). Sans omettre la stigmatisation, le sentiment de culpabilité, la déscolarisation, les comportements à risque etc. qui deviennent leur quotidien.
Au final, l’Etat, en punissant le citoyen pour non respect du code commun de vie en groupe oublie ou, à tout le moins, néglige les inconvénients que cette incarcération produit dans la famille de l’infracteur, surtout chez les enfants.
Un changement de rapport avec les proches de détenus doit désormais être inclus dans la prise en charge des détenus. Conscient que l’incarcération d’un parent occasionne chez l’enfant une séparation inévitable et très souvent traumatique, si aucune mesure d’accompagnement et d’aide n’est proposée, des programmes d’appui psycho-sociaux et éducatifs sont développés et mis en ouvre pour favoriser le maintien des liens socio-familiaux en permettant aux enfants de vivre une vie peu ou prou normale Ce, malgré la détention de la mère ou du père dans le souci essentiel de les accompagner dans le processus d’éducation et de développement dans lequel devait être inscrit tout enfant. Toutes ces actions sont menées en se fondant sur des dispositions conventionnelles relatives aux droits des enfants, de tous les enfants:
– La non-discrimination
– La survie et le bien-être
– l’éducation
– La participation à la vie familiale, culturelle et sociale.
Le maintien de la cohésion familiale est un facteur de prévention des conduites déviantes chez les enfants. Voilà pourquoi une prise en charge en faveur des enfants de détenus s’impose. Il faut nécessairement accompagner ces enfants vers leur épanouissement normal ; car ils ne sont pas comptables des faits reprochés à leurs parents incarcérés. Et les accompagner devrait être un challenge de l’Etat, de la société aux fins de leur donner une ligne de conduite éducative avant qu’ils ne soient happés par la rue.
Pour mieux appréhender la détresse des enfants ayant un parent en prison, je vous propose le discours d’un des leurs lors d’une cérémonie organisée à leur honneur par le Service socioéducatif en milieu carcéral (Ministère de la justice, des droits de l’homme et des libertés publiques) en partenariat avec une ONG :
« Très chers mères et pères, vous qui encadrez chaque jour ces êtres oubliés que nous sommes, au nom de tous mes camarades ici présents, je voudrais vous dire merci d’avoir pensé aux enfants qui vivent une situation sociale difficile.
Mes chers papas et mamans, qu’elle est belle cette famille qui a la chance d’avoir en son sein, un père et une mère occupés à mieux encadrer leurs enfants ! Qu’il est heureux cet enfant qui a ses deux parents autour de lui ! Qu’il est heureux cet enfant qui peut chaque jour dire : bonjour maman, bonjour papa ! C’est cela la joie et l’espoir de tout enfant !
Malheureusement chers mamans et papas, cette belle image de la famille nous manque et nous crée chaque jour des désagréments. Comme on le dit habituellement, un seul être vous manque et tout est bouleversé ! Oui, chers pères et mères, notre vie est bouleversée par l’absence d’un de nos parents. Et ce sont ce genre d’actions d’amour qui pourraient nous aider à ne pas dévier dans la vie. S’il vous plait, ne nous abandonnez pas ; aidez-nous à réussir, car la situation sociale que nous vivons est un véritable piège que nous voulons éviter afin de nous épanouir comme les autres enfants.
Je souhaiterais que d’autres personnes puissent, comme vous, cultiver la prévention dans la pensée, la solidarité dans le geste, et la valeur de l’éducation dans le comportement.
Je vous remercie ! »
Puisse les décideurs inscrire dans leurs politique de gestion sociale la réalité prison et ses conséquences, en prenant des mesures aussi bien curatives que préventives relatives aux détenus, aux travailleurs du milieu carcéral, aux proches de détenus. Car dans les débats publics et de gestion sociale, il est des problématiques qui sont rarement évoquées si elles ne sont ignorées :
– La gestion de la détention des personnes mises sous main de justice
– L’efficacité de la valeur corrective des prisons
– La vie sociale des enfants aux parents incarcérés
– La vie des femmes enceintes en prison
– La vie des enfants vivant avec leurs mères en prison
– Etc.