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1) LES LIEUX DE TRAVAIL DE L’ENSEIGNANT

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Comme je l’ai dit plus haut, tout changement aussi minime soit-il, engendre de nouvelles problématiques de réalisation, de mise en place et d’organisation.

Les nouvelles technologies ne dérogent pas à la règle et posent à elles seules une double équation : quand et où ? Ainsi posée, la question appelle une réponse d’une évidente simplicité : en cours et dans une classe. Malheureusement, la réalité est toute autre ; c’est ce que nous allons tenter de voir. Si la pédagogie, nous le verrons, doit nécessairement être adaptée à cette nouvelle donnée, il en va de même pour la gestion du temps. La journée d’un élève (entre 6 et 8 heures de cours par jour en fonction du niveau ; samedis exceptés) est balisée par un emploi du temps dans lequel doivent tenir les matières obligatoires, les options, les récréations et le temps de repas. Étant donné :

– qu’il est impossible de rajouter des heures aux élèves,
– qu’il est impossible de rajouter des heures aux enseignants (dans une certaine limite),
– que le quota d’heures d’un établissement est décidé par ce que l’on appelle la Dotation Horaire Globale (D.H.G.).

Par conséquent, le seul levier disponible, si l’on veut résoudre cette équation, est d’organiser le temps scolaire ; donc, d’intégrer l’utilisation de l’outil informatique dans le cadre du cours. Un tel fonctionnement ne bouleverse en rien le temps scolaire des élèves, ni celui de l’enseignant : il modifie simplement la manière de faire et non la finalité. Néanmoins, se pose la question des espaces dans lesquels faires cours avec ces outils informatiques. De fait, nous sommes là au coeur du problème et les solutions techniques proposées sont de plusieurs ordres, mais toutes ont pour limites des considérations financières liées aux établissements eux-mêmes. D’abord, il existe la solution des Tableaux Numériques Interactifs (T.N.I.). Ces tableaux permettent à l’enseignant de projeter un cours directement sur ce tableau et permettre aux élèves de répondre directement sur ce même tableau à l’aide d’un stylet. Un Chef d’Etablissement rencontré dans le cadre de ce mémoire évoquait ce point :

« J’ai commandé deux classes mobiles (ordinateurs et tableau interactif déplaçables entre les salles) qui seront installées aux vacances de Pâques. Je ne tiens pas, pour l’instant à équiper tout l’établissement car je souhaite d’abord voir l’utilisation qui en sera faite. »

En disant ceci, ce Chef d’Etablissement met l’accent sur un point qui me semble central : c’est la notion d’obligation qui pourrait découler de l’installation généralisée de ces tableaux. Les enseignants pourraient avoir le sentiment que ce nouveau mode de fonctionnement leur est imposé sans la moindre concertation. Il poursuit en disant ceci :

« Le but n’est pas d’imposer quoi que se soit mais de mettre à disposition un outil qui viendrait en complément. »

Sur ce point, il rejoint un responsable de l’Enseignement Catholique :

« Si c’est juste un nouvel outil qui arrive, ça ne sert à rien. Et c’est encore pire si cela vient de la direction. »

Revenons un instant sur la première citation du Chef d’Etablissement. Ce qui est important également, c’est la notion de mobilité dont il parle. Plus la dimension de mobilité physique sera valorisée, plus la mobilité intellectuelle sera améliorée. Je m’explique. Il ne s’agit pas là de prôner ce que d’aucuns ont appelé les classes sans murs, mais simplement de mettre en concordance les apports des enseignants avec le fait que nos élèves sont de plus en plus sollicités par de nombreuses sources d’informations. Je rejoins sur ce point le pédagogue Célestin Freinet(22), lorsqu’il évoque en une formule son voeux de « ne pas couper l’Ecole de la vie », ou encore, lorsqu’il énonce que :

« Le manuel scolaire a cette autre tare supplémentaire qu’il fixe noir sur blanc, et pour toutes les régions, ce que les enfants doivent apprendre ou faire ».

En disant ceci, Freinet, n’évoque pas autre chose que la nécessité absolue de s’ouvrir aux extérieurs, aux apports incontestables que proposent les évolutions de la société. Ces propos trouvent une résonnance toute particulière actuellement dans la mesure où nous vivons une révolution numérique qui est nécessairement présente dans nos établissements. À ce sujet, un premier élément de réponse a été donné par un éditeur de livre scolaire. Les éditeurs publient des manuels qui s’accompagnent de Cd-rom : un à destination de l’enseignant (pour qu’il se familiarise avec les activités) et un second à installer en salle informatique. Dont acte. Quel est le contenu du CD ? La stricte copie du contenu du livre ! Quel est l’intérêt ?

« S’il n’apporte pas quelque chose de plus, à quoi ça sert ? C’est en effet, et là, pour le coup, les collègues ont raison, c’est un truc, en plus. Donc, il y a un rejet de la part des enseignants.»

Le responsable de l’Enseignement Catholique qui exprime ceci veut dire que si ce support CD est là, il doit être là pour soutenir (pour apporter une plus-value) à ce qui existe déjà dans le livre, et conforter ce que dit l’enseignant. Mais, selon l’enquête, l’outil qui devient extrêmement présent est ce que l’on appelle la plateforme collaborative. De quoi s’agit-il ? Ces plateformes sont en fait des espaces dédiés à un cours, à une classe, à un niveau. Les personnes inscrites à ce cours, ou dans cette classe, ou à ce niveau accèdent à cet espace et bénéficient de tout ce qui se trouve sur cet environnement. Concrètement, les personnes peuvent interagir entre elles, peuvent dialoguer avec l’enseignant, peuvent échanger. Je cède la parole au responsable de l’Enseignement Catholique sur ce point :

« C’est système qui permet des notions et vous avez la possibilité d’envoyer directement un QCM et les étudiants répondent directement à ce QCM via leur Smartphone, leur tablette… Comme ça, vous avez un retour immédiat. Par exemple, vous vous lancez dans une nouvelle notion, vous avez prévu à l’avance 5 questions. 5 questions que vous mettez dans le quizz sur la plateforme. Vous demandez à vos élèves de se connecter [sic.] à la fin de cette notion et puis vous leur posez les questions, et ils répondent en direct : question A, c’est réponse B, etc.… »

Cet exemple nous positionne au coeur d’un double problème. À partir du moment où le corps professoral dispose d’outils tels que ceux-ci (nouveaux manuels, informatiques, logiciels), peut-il passer à côté et feindre de les ignorer ? Cela reviendrait à nier l’évident apport de ces nouveaux outils qui deviennent de plus en plus indispensables au quotidien de nos élèves. Les enseignants se trouvent donc à un carrefour : soit ils prennent le virage des nouvelles technologies, soit ils restent fidèle à leur manière d’enseigner au risque de se couper des réalités et des évolutions inhérentes à ces nouveautés. Il ne s’agit pas de sacrifier leur méthode pédagogique sur l’autel des nouvelles technologies mais de modifier quelque peu leur manière d’aborder leur matière. Par ailleurs, ces plateformes évoquées plus haut posent également la question de l’intégration complète de ces technologies dans le déroulement du cours : le téléphone port able (ou la tablette, l’ordinateur) devient alors un outil indispensable au cours au même titre qu’un livre ou qu’un cahier. Sur un plan purement « légal », cela nécessite une adaptation de nos règlements intérieurs et la levée de l’interdiction de l’utilisation du téléphone portable dans le cadre du cours. Par conséquent, la rencontre entre les nouvelles technologies et le scolaire ne va faire que croître.

22 In Les techniques Freinet de l’Ecole Moderne, Paris, Collection Bourrelier – Armand Collin 1964, pages 42-43.

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