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§ 1. Procédures amiable ou judiciaire ?

26. Le droit au service de la victime.

– Tout dommage corporel appelle à une indemnisation. Pour ce faire, la victime peut actuellement opter
entre la voie transactionnelle, par le biais de son assureur, ou le recours à la justice devant un tribunal (A).
Dans une logique d’évolution, le recours de la victime doit rester optimal (B). La procédure qu’elle choisira doit
toujours lui rester favorable.

A / Pour la conservation des bénéfices acquis du droit actuel.

27. Déjudiciarisation de l’indemnisation.

– C’est grâce aux apports de la loi BADINTER de 1985 que l’indemnisation des victimes d’accident
de la circulation routière, dans lesquels est impliqué un véhicule terrestre à moteur, a pu bénéficier
d’une procédure transactionnelle. L’esprit de cette loi est l’institution d’un véritable droit à
indemnisation au profit de ces personnes car elles ne peuvent se voir opposer leur faute, sauf si
celle-ci a un caractère inexcusable(55). Il a été dit de ce système qu’il créait un nouveau régime autonome(56)
alors qu’il ne s’émancipe pas des principes généraux du droit de la responsabilité civile.
Par la procédure amiable prévue aux articles L. 211-9 à L. 211-25 du code des
assurances(57), l’assureur doit établir une offre préalable d’indemnisation à la victime. L’article
L. 211-9 prévoit de respecter les délais suivants en fonction de l’espèce :

« Quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n’est
pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l’assureur qui garantit la
responsabilité civile du fait d’un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à
la victime une offre d’indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la
demande d’indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée
ou n’est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n’a pas été entièrement
quantifié, l’assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux
éléments invoqués dans la demande.

« Une offre d’indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa
personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l’accident. En cas de
décès de la victime, l’offre est faite à ses héritiers et, s’il y a lieu, à son conjoint.
L’offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les
éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu’ils n’ont pas fait l’objet d’un
règlement préalable.

« Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas,
dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la
victime. L’offre définitive d’indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq
mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation.
« En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s’applique.
« En cas de pluralité de véhicules, et s’il y a plusieurs assureurs, l’offre est
faite par l’assureur mandaté par les autres. »

Quant à l’article L. 211-16, il prévoit que « La victime peut, par lettre recommandée
avec demande d’avis de réception, dénoncer la transaction dans les quinze jours de sa
conclusion ». Enfin, « Le paiement des sommes convenues doit intervenir dans un délai d’un
mois après l’expiration du délai de dénonciation fixé à l’article L. 211-16. Dans le cas
contraire, les sommes non versées produisent de plein droit intérêt au taux légal majoré de
moitié durant deux mois, puis, à l’expiration de ces deux mois, au double du taux légal » selon
l’article L. 211-17.

La rapidité de la procédure amiable est conséquente face à la procédure judiciaire. La
possibilité d’actionner le juge reste entière pour la victime si elle n’arrive pas à trouver un
accord avec son assureur.

À noter que la procédure spécifique dans le cas des infections nosocomiales et
infections iatrogènes devant les CRCI pour une prise en charge par l’ONIAM ou par
l’assurance des dommages soufferts par la victime est un schéma intéressant. Il faudrait
néanmoins attribuer un budget plus important à l’ONIAM pour augmenter son rendement.

28. Maintien des actions récursoires.

– La multiplication des schémas complexes d’indemnisation du dommage corporel par l’instauration de régimes
divers ne doit pas faire obstacle aux actions récursoires engagées entre coauteurs du dommage.

29. Critiques.

– Il existe une trop grande disparité entre les indemnisations
judiciaires et transactionnelles. Il suffit de comparer les référentiels indicatifs pour se faire
une idée sur la question(58). La barémisation se justifie par le seul fait qu’elle est essentielle
pour garantir l’égalité des victimes.

B/ Pistes d’optimisation du recours de la victime.

30. Privilégier la transaction.

– Le constat des procédures préalablement exposées ont démontré l’intérêt de la transaction par rapport à
la voie judiciaire. La transaction permet une offre d’indemnisation plus rapide par l’assureur à
la victime de dommage corporel. Cela a eu pour effet de désengorger les affaires devant les tribunaux.
Ainsi, la personne peut récupérer plus facilement de l’évènement dont elle a souffert. Il y a
clairement une volonté de garder une déjudiciarisation en matière de dommage corporel. Le
passage devant le tribunal ne devrait être envisagé que lorsque la victime n’accepte pas l’offre
d’indemnisation de son assureur. Dans un cadre commun d’évaluation de l’indemnisation du
dommage corporel, peut-être faudrait-il introduire un recours plus fréquent à la voie amiable.

Cela nécessiterait une réforme législative des procédures spéciales d’indemnisation des
victimes.

La proposition de loi LEFRAND propose l’insertion d’un délai de rétractation en
matière de transaction avec l’assureur de 30 jours à la place de 15 actuellement. Cela aurait
pour effet de laisser à la victime un temps de réflexion plus long sur son état physique et sur la
consistance de l’indemnisation proposée. Sa détresse peut influencer l’assureur à offrir une
somme moindre que celle proposée par un tribunal par exemple. Un délai de 30 jours
permettra à la victime de faire des recherches sur la somme à laquelle elle peut prétendre,
notamment par le biais de la consultation du Fichier des Victimes Indemnisées notamment(59).

31. Refonte des instruments juridiques.

– La barémisation de l’indemnisation du dommage corporel n’a de sens que si elle s’applique dans
un cadre commun de réparation des préjudices. Le choix d’une procédure amiable ou judiciaire ne doit
pas affecter les éléments d’évaluation des dommages subis. C’est pourquoi la refonte de la totalité
des instruments utilisés par les deux voies est nécessaire. Les assureurs ont leurs propres barèmes
et chaque Cour d’appel a ses référentiels. Selon le lieu géographique de la juridiction saisie, les
indemnités allouées seront très variables. L’instauration d’outils uniques et barémisés en
fonction des préjudices de la victime utilisable par l’ensemble des acteurs de l’indemnisation
est primordial. L’État français se doit de garantir un accès égal au droit, la réparation des
préjudices des victimes doit donc être équitable et proportionnelle.

32. Amélioration des conditions de la victime.

– L’article 7 de la proposition de loi LEFRAND vise à améliorer la condition des victimes.
Il serait proposé « d’établir une obligation pour l’assureur de verser une provision à la victime
d’un accident de la circulation dans le mois de sa demande si des besoins spécifiques le justifient »(60).
On permet à la victime de faire face plus facilement aux nouveaux frais dont elle peut avoir à débourser pour
l’organisation de son mode de vie.

Finalement, le choix de la voie amiable ou judiciaire ne doit pas influencer
l’évaluation du dommage corporel. Il faut que la victime soit rapidement indemnisée et ainsi
privilégié le mode de règlement le plus rapide. Des tiers payeurs peuvent intervenir dans cette
indemnisation en avançant certains frais à la victime.

41 Le Littré en ligne, http://littre.reverso.net/dictionnaire-francais/definition/dommage
42 Le Littré en ligne, http://littre.reverso.net/dictionnaire-francais/definition/préjudice
43 Pour aller plus loin, V. F. LEDUC, Faut-il distinguer le dommage et le préjudice ? : point de vue
privatiste, RCA 2010, n° 3, dossier 3.
44 Notamment L. CADIET, R. RODIÈRE, N. DEJEAN DE LA BÂTIE et Ph. LE TOURNEAU.
45 J.-S. BORGHETTI, Les intérêts protégés et l’étendue des préjudices réparables en droit de la
responsabilité civile extra-contractuelle,Mélange VINEY, LGDJ, 2008, p. 145 et s.
46 Ph BRUN, op. cit., n°174.
47 J.-S. BORGHETTI, art. préc.
48 Bien que l’auteur ait distingué les deux notions, ces deux mots seront employés comme synonymes.
49 Ph BRUN, op. cit., n°177.
50 Pour la distinction entre victime principale et victime par ricochet, V. infra n° 77.
51 Pour de plus amples développement sur la notion de licéité du préjudice, V. Ph BRUN, op. cit., n°187
et s.
52 Notamment M. PUECH.
53 Pour de plus amples développement sur ce point, V. infra n° 72 et s et Annexe 1 liste des postes de
préjudices accompagnés de leur définition de la nomenclature dite DINTILHAC.
55 T. TERRÉ, Ph SIMLER et Y. LEQUETTE, op. cit., n° 935.
56 T. TERRÉ, Ph SIMLER et Y. LEQUETTE, op. cit., n°936.
57 Issus des articles 12 à 27 et 33 de la loi BADINTER de 1985.
58 V. infra, n° 117 et s. sur les référentiels.
59 V. infra n° 120 et s. Site internet du FVI : http://www.victimesindemnisees-fvi.fr/
60 Rapport LEFRAND à l’Assemblée Nationale n°2297, p. 31.

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