1.1. Prospection des limites de l’écroulement
La prospection de terrain a été effectuée en parcourant une grande partie de la zone recouverte par l’éboulement de 1248 dans les limites proposées par Nicoud. Les limites ayant sans cesse été revues à la hausse (voir la partie 2 Historiographie), on est en droit de se demander sur quels critères. Ainsi les limites sont-elles franches et visibles à l’oeil nu ? Dans l’ensemble, il a toujours été possible d’observer la composition du sol en surface, en raison entre autre de la présence importante de parcelles de vignes sur l’ensemble du territoire (le sol nu des inter-rangs de vignes le permet). Les traces de l’éboulement s’observent dans les zones définies par Nicoud, mais les limites ne sont pas évidentes à situer. Par exemple au sommet de la moraine de Myans, on trouve en surface deux zones espacées de quelques mètres : l’une avec une terre argileuse qui ne renferme que des matériaux calcaires provenant de l’éboulement, et une autre composée exclusivement de petits galets arrondis caractéristiques des moraines (voir figure 24).
Pourtant, d’après Nicoud, la moraine de Myans a été entièrement recouverte par l’éboulement. Au sud du château des Marches, l’ancien lieu-dit du marais du château qui est une grande zone plane, ne se trouve théoriquement pas dans la zone d’éboulis, on y voit pourtant des rochers calcaires de taille moyenne. Ainsi des interrogations ponctuelles demeurent sur le terrain. Cartographier ces renseignements serait tout à fait possible, sans entreprendre de sondages géologiques importants (voir figure 23).
Figure 24 : Prospection des limites de l’écroulement : sur la moraine de Myans on observe à quelques mètres d’intervalle des galets roulés (en haut) et des fragments de calcaire (en bas). (photos F. Biasini)
1.2. Archéologie
1.2.1. Découvertes récentes
Un sondage archéologique pratiqué en 2008, au sud-est de la commune des Marches au lieu-dit Champlong (voir figure 25), a amené à des fouilles plus importantes l’été 2010. Celles-ci ont mis au jour des vestiges d’un habitat gallo-romain. Le rapport de fouilles n’étant pas encore publié nous nous sommes entretenus avec l’archéologue en charge de l’opération (Mme Slavova). Les fouilles ont montré, tant par les objets que les structures découverts, un habitat gallo-romain avec plusieurs phases d’occupation du site. L’originalité de ce site réside dans le fait que les premiers niveaux archéologiques ne sont pas recouvertes par la couche habituelle formée par l’éboulement du mont Granier.
Pourtant le site de Champlong se trouve théoriquement dans cette zone d’après Nicoud & al, 1998. Au contraire ce sont les assises mêmes des murs gallo-romains qui reposent sur une couche marneuse dont la mise en place n’est pas clairement définie. Il s’agirait donc d’une découverte qui, si elle ne remet pas en cause les dernières découvertes sur l’éboulement du Granier, pose des questions sur la cartographie de ces marges, ou tout du moins la façon dont la coulée de boue gigantesque a recouvert les terres en aval. La coulée de boue s’est-elle arrêtée avant ce site, ou bien l’a-t-elle contourné ?
En 2009 un sondage géologique pratiqué à quelques mètres du site de Champlong(46) a révélé, sous deux mètres d’une couche de matériaux calcaires emballés dans une gangue argileuse orangée et compacte, une couche d’environ vingt centimètres de boues noirâtres qui contenait des restes végétaux. Après examen il s’est avéré qu’il s’agissait de restes xylologiques dans un très bon état de conservation. Une datation C14 aurait été pratiquée sur ces restes, les datant du XIIIe s.(47). Cette question de restes végétaux ayant éveillée notre curiosité, nous avons appris que ce type de découverte n’était pas exceptionnel. Les habitants des Marches trouvent en creusant dans leur jardin, et ce depuis plusieurs générations, des morceaux de bois, voire des troncs d’arbres entiers prisonniers des boues (voir figure 26). Mais ni leur nature exacte ni leur position de découverte dans l’éboulement n’ont fait l’objet d’études.
Figure 25 : Cartographie de la prospection des limites de l’éboulement
Figure 26 : Les restes végétaux
1.2.2. Prospection : des abris sous roche(48) ?
Au-dessus du village de Saint-André, dans la zone des éboulis, à la limite des communes de Chapareillan et des Marches, se trouvent des habitats tout à fait particuliers. A mi-chemin entre la cabane de pierre sèche et l’abri troglodyte, les hommes ont utilisé les rochers issus de l’éboulement. Lorsque ceux-ci, en raison de leur forme ou de leur angle avec le sol ont formé une cavité naturelle, celle-ci a été aménagée.
Le premier est un abri de très grande taille, qui une fois repéré, est d’ailleurs visible par photographie aérienne (sa taille est d’approximativement huit mètres sur huit). Il a fait l’objet d’une restauration par l’association patrimoniale de Chapareillan (voir figure 27).
Le second de taille plus modeste se trouve sur une parcelle boisée, ce qui a sans doute contribué à sa conservation (voir figure 28). Ce second abri, dont le dernier occupant a laissé en place une installation moderne que l’on imagine destinée à cuisiner, fait partie d’une installation plus complexe. En effet, nous avons observé des restes de murs en élévation et d’autres structures. Ils nous autorisent à supposer un site plus complexe (voir les relevés pages suivantes). Les datations, tout comme les destinations de ces structures restent inconnues. Il pourrait s’agir d’abris ponctuels pour les hommes ou pour les troupeaux, ou de lieux de stockage d’outils ou du vin.
Figure 27 : Abris sous roche (1), (photographie F. BIasini)
Figure 28 : Abris sous roche (2) (photographie F. BIasini)
Figure 29 : Abris sous roche et structures de pierres ( photographies et DAO F. Biasini)
46 Toujours pratiqué par l’AMPM.
47 Source G. Garlatti.
48 Une nouvelle fois nous remercions M. Garlatti qui a eu la gentillesse de nous signaler ce qu’il appelle des « sartos sous roche ».