1.A. L’âge
Paradoxalement, alors que l’association Trivial Compost comprend des bénévoles qui ont
pour la plupart entre 20 et 30 ans, la population des guides composteurs semble être majoritairement
retraitée.
Émeline : « Après, moi, à chaque fois que j’ai vu des autres guides composteurs, ce qui m’a toujours étonnée c’est
que c’étaient le plus souvent des personnes âgées, des retraités et tout. Mais des jeunes comme nous on n’en a pas
beaucoup vu. A chaque fois ça m’a un peu étonnée. » (Entretien avec Vincent et Émeline, guides composteurs, le
6 mars 2012.)
Cette sur-représentation des personnes âgées dans la population des guides composteurs s’explique
en partie par le fait que ceux-ci disposent d’une plus grande disponibilité pour s’investir dans le
compostage collectif.
Au delà de ce facteur disponibilité, nous pouvons émettre l’hypothèse suivante : le rapport
social à la matière varie selon l’âge. En effet, comme nous l’a démontré notre partie 1, le contexte
socio-historique dans lequel a évolué et évolue l’individu a une grande influence sur son rapport au
déchet, comme le suggère Christian qui fustige le rapport à la matière inculqué aux plus jeunes.
Christian : « Mais les jeunes, il faut leur réapprendre le réflexe parce qu’ils vivent dans un monde où on leur a
appris qu’une chose c’est acheter, jeter, mettre dans la poubelle. Donc on peut pas leur demander de faire des
choses pour lesquelles ils n’ont jamais eu aucune sensibilité. Au contraire, on a tué leur sensibilité en disant ”ben
non, fous le dans la poubelle !” ». (Entretien avec Christian, guide composteur, le 8 mars 2012.)
Nous pouvons aussi ajouter que l’évolution du contexte socio-historique est marquée par le
processus d’urbanisation qui a radicalement transformé les moeurs en matière de récupération et de
réutilisation des matières déchues, ce qui met en relief un deuxième facteur : la proximité de
l’individu vis-à-vis du monde rural(15).
1.B. Un lien avec le monde rural
Ainsi, la condamnation par Christian de la profusion dans laquelle ont grandi les jeunes
générations s’adjoint d’une idéalisation de sa jeunesse en milieu rural.
Christian : « A chaque fois qu’on me parle de la jeunesse je dis ”ben moi ma jeunesse je la re-signe des deux
mains parce qu’on était dans une période faste”. Étonnamment faste parce qu’on n’avait rien qui nous polluait
l’esprit. […] Avec rien on était heureux. » (Entretien avec Christian, guide composteur, le 8 mars 2012.)
Jadis, et encore aujourd’hui dans une certaine mesure, les résidus organiques produits dans les
campagnes étaient systématiquement réintégrés dans le cycle des matières afin de nourrir les terres
(fumier) ou les bêtes. Il s’agissait donc de valoriser la matière, ce qui contraste avec l’objectif actuel
du compostage urbain qui vise en priorité l’élimination : le compost n’est pas produit pour fertiliser
la terre mais pour écarter une part du gisement d’ordures de l’incinération. Cependant, certains
copropriétaires qui ont conservé un lien fort avec la campagne renouent avec l’objectif de
valorisation, comme en témoigne l’utilisation qui sera faite du futur terreau produit sur le site de
compostage de Vincent et Émeline.
Vincent : « Il y a Mr Jacquet qui a demandé si il pouvait en prendre pour son champ de patates. Parce qu’il y a
pas mal de copropriétaires qui ont des maisons à la campagne ou des jardins ailleurs. Donc ça les intéresse ceux
qui ont un jardin. Donc de tout façon voilà, pour l’élimination – ”l’élimination”… la valorisation on va dire plutôt
– il y a pas de problèmes quoi. » (Entretien avec Vincent et Émeline, guides composteurs, le 6 mars 2012.)
1.C. Le mode d’habitat
A défaut d’avoir vécu à la campagne, le mode d’habitat peut également être un facteur
déterminant dans la pratique du compostage collectif. Ainsi, pour Gérard, l’habitude de composter
s’est imposée d’elle-même avec l’occupation d’un habitat pavillonnaire durant sa vie active : dans
son cas, ce sont les déchets de jardin qui l’ont poussé à pratiquer le compostage, et non les déchets
de cuisine. Cette habitude s’est maintenue dans le temps, même après son déménagement au sein
d’une résidence collective.
Gérard : « Ben, comme j’avais le jardin, j’avais des tontes de gazon, j’avais des coupes de fleurs, des machins…
Donc tout ça je le mettais dans le composteur. Et puis en même temps on mettait les déchets ménagers. C’est
venu comme ça. » (Entretien avec Gérard, guide composteur, le 6 mars 2012.)
15 Remarquons que cette notion de proximité avec la monde rural reste floue et qu’elle mériterait d’être éclaircie par
des recherches complémentaires.