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§ 1. Un outil de domaine général.

94. Portée du barème médical unique.

– Le domaine du barème unique s’apprécie par l’étendue de son champ d’application. Une promulgation
officielle en ferait un outil opposable à l’ensemble des acteurs de l’indemnisation du dommage corporel.

95. Recherche d’une harmonisation totale.

– La création d’un barème médical unique présente le premier avantage d’avoir un domaine particulièrement étendu.

En effet, son rayonnement serait universel car il aurait vocation à s’appliquer à l’ensemble des
préjudices en faisant abstraction de la source du dommage. Au lieu d’utiliser une multitude de
barèmes, parfois contradictoires ou totalement obsolètes du point de vue des connaissances
scientifiques et médicales actuelles, le barème médical unique s’imposerait dans toute
évaluation de l’indemnisation, à moins qu’un barème spécifique soit compétent pour traiter un
dommage particulièrement spécifique.

Ainsi, cet outil serait de droit commun et comblerait les lacunes dont souffre
actuellement la barémisation de l’indemnisation du dommage corporel. La recherche d’un
droit uniforme est un mouvement à surveiller. Après une spécialisation à l’extrême, la
doctrine recherche à refonder des théories générales pour redonner une clarté et une lisibilité
aux mécanismes du droit.

96. Diagnostic équivalent d’évaluation.

– Le second avantage de l’édiction d’un barème médical unique est de faciliter d’utilisation
de cet outil par les acteurs de la chaîne de l’indemnisation.

Il a été dit qu’il s’appliquerait à l’ensemble des dommages corporels, sans
distinction de leur source. Le seul but, ici, est d’uniformiser le diagnostic de l’évaluation de la
gravité du dommage corporel et de son incidence monétaire.

Cet instrument permet de fixer la gravité du poste de préjudice préalablement
identifié dans la nomenclature officielle précédente. Il peut garantir la démarche intellectuelle
visant à l’appréciation du dommage corporel. Malheureusement, ce travail est soumis à la
subjectivité du professionnel en charge de l’évaluation. L’expertise médicale fixera des taux
différents d’atteinte dès qu’il ne sera pas fait application d’un barème unique d’appréciation.
Dans l’ensemble, il faut espérer qu’un barème médical unique permettra de fixer l’étendu du
dommage et sa gravité de façon équitable pour l’ensemble des victimes. Le handicap pourrait
être apprécié d’une façon équivalente sur tout le territoire.

97. Guide barème européen de 2003.

– Le Guide barème européen est un document qui quantifie, en pourcentage, les atteintes à
l’intégrité physique et/ou psychique.

Ce barème a été élaboré le 25 mai 2003 par le Confédération européenne d’experts en
évaluation et réparation du dommage corporel (CEREDOC). Les membres du groupe de
travail, présidé par le professeur LUCAS, étaient de nationalités internationales.

Ce projet est l’initiative de l’Union Européenne qui a créé en 2000 une directive dont le but est
l’harmonisation des règles applicables à l’indemnisation des dommages non économiques
résultant d’une atteinte à la personne, consécutive à un accident de la circulation routière,
dans les États membres. Chaque État devra adopter ce barème médical et son mode d’emploi
préalablement établi. Il s’applique actuellement aux fonctionnaires des Communautés
Européennes en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles. En France, cet
outil n’a pas de valeur contraignante : c’est « un guide parmi les autres, sans valeur
contraignante »(135). La nomenclature Dintilhac s’en est inspirée en empruntant la définition de
déficit fonctionnel permanent pour l’inclure dans sa liste de préjudices réparables.

98. Vision du corps humain.

– Il y a une discussion sur le critère à utiliser : selon l’approche faite du corps humain,
le barème médical peut être différent. Il fixera un taux d’AIPP. Deux théories s’opposent :
d’une part le corps purement mécanique et anatomique et d’autre part le corps envisagé dans
son fonctionnement, sa physiologie.

Envisagé dans sa fonction anatomique, le corps est une grande machine anatomique
dont les membres sont évalués en considération de leur importance. Certains organes sont
remplaçables par le biais d’une greffe par exemple. Cette acception a pour avantage d’être la
même pour tous. Chaque être humain est normalement constitué d’une façon similaire.

La fonction physiologique du corps humain va considérer l’utilité du membre meurtri
dans son environnement. L’expert évalue directement l’impact de la blessure dans le
quotidien de la victime : dans sa vie professionnelle et dans sa vie privée. Cette acception
emporte une plus grande distinction entre les personnes car elles n’ont pas toute la même
utilité de leur corps. Un cheville brisée pour une danseuse d’opéra professionnelle
l’empêchera de monter sur les planches pendant un certain temps, voire peut briser sa carrière,
la poussant à choisir une nouvelle profession après l’accident. Une personne travaillant dans
un cabinet dentaire par exemple ne sera pas obligé de changer de profession en souffrant de la
même blessure.

Le nouveau barème médical devra opter pour l’une de ces acceptions du corps
humain. L’expert médico-légal fixera le taux d’atteinte en faisant référence à l’AIPP. En
fonction du critère retenu, le handicap d’une personne ne sera pas indemnisé de l même façon.

99. Force obligatoire d’un prochain barème médical unique.

– La question de la force obligatoire d’un barème médical unique est à envisager. Le but premier
d’un barème médical unique est évidemment de le rendre opposable à l’ensemble des acteurs de
l’indemnisation du dommage corporel : les associations de victimes, les avocats, l’ensemble
de la magistrature, les assureurs, les tiers payeurs et enfin la solidarité nationale.
Quel est le contenu d’un barème médical unique ?

135 H. GROUTEL, Un Guide barème médical européen, RCA 2006, n° 10, repère 10.

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