L’identification des auteurs du trouble tend à être assez large (A). Cependant, il existe une responsabilité du fait d’autrui en matière de troubles de voisinage par le propriétaire des lieux originaire du trouble (B). Enfin la loi est intervenue et désigne elle-même des responsables de plein droit de troubles de voisinage (C).
A Les auteurs du trouble
Les solutions jurisprudentielles ne permettent pas de poser un principe unitaire de désignation du voisin responsable. Ainsi, il n’est pas toujours évident pour la victime de savoir à qui incombe l’obligation de voisinage. Il serait, en revanche, avantageux que celui qui prétend subir des inconvénients excessifs de voisinage puisse en demander réparation à l’auteur de la nuisance quelle que soit sa situation au regard du lieu dans lequel le trouble prend sa source.
Pour en faire une énumération sommaire, l’auteur du trouble peut être « le propriétaire, le copropriétaire, le locataire, les occupants de l’immeuble ou encore les constructeurs en charge des travaux. Par constructeur il faut entendre indifféremment l’entrepreneur, le sous-traitant, le gestionnaire de projet, le constructeur de maison individuelle et l’architecte » . Egalement dans le domaine du droit public, on retrouve les communes qui peuvent être auteurs de trouble ou encore les maîtres d’ouvrage en tant que personnes publiques.
Un arrêt du 11 mai 2000 soulève une difficulté. Celui-ci retient que ce n’est pas le maître d’ouvrage qui est déclaré responsable des troubles de voisinage, mais le propriétaire actuel de l’immeuble à l’origine des troubles. En d’autres termes, « ce n’est pas celui qui a pris l’initiative de la construction qui doit répondre des troubles qu’elle génère, mais un propriétaire étranger tant à la décision de construire qu’à la cause des désordres ». Ce lien confère à l’obligation de réparation un caractère réel qui explique la transmission de la dette de responsabilité aux propriétaires successifs du fonds à l’origine des dommages et donne naissance à ce qui pourrait être appelé « une responsabilité propter rem » .
B Le propriétaire, responsable du fait d’autrui
L’une des originalités de l’élaboration prétorienne de la théorie des troubles de voisinage est d’avoir créé une responsabilité du fait d’autrui à la charge du propriétaire. Il en est ainsi de la responsabilité du bailleur du fait de son locataire (1) et de celle du maître de l’ouvrage du fait des intervenants à une opération de construction (2). Evidemment, on est tenté de faire un rapprochement avec la responsabilité du commettant du fait de ses préposés instaurée par l’article 1384, alinéa 5, du Code Civil.
1. La responsabilité du propriétaire bailleur du fait de son locataire
Cette responsabilité consiste en le fait que la victime d’un trouble de voisinage trouvant son origine dans l’immeuble donné en location puisse en demander réparation au propriétaire bailleur. Ceci mérite d’être souligné car cette responsabilité pour autrui est de nature délictuelle et elle ne trouve aucun support dans les alinéas 4 et suivants de l’article 1384 du Code Civil. Or elle est apparue bien avant l’arrêt Blieck du 29 mars 1991. Elle peut donc être rangée parmi les signes avant coureurs qui annonçaient un élargissement des cas de responsabilité pour autrui .
La responsabilité du bailleur du fait de son locataire est aujourd’hui chose admise.
Rappelons le, la deuxième chambre civile de la cour de Cassation a, en effet, décidé en 1987 que si le trouble de voisinage émane d’un immeuble loué, la victime de ce trouble peut valablement s’adresser au propriétaire. La Haute juridiction tient au respect de sa jurisprudence et la réaffirme assez souvent. Le bailleur est donc désigné, de droit, responsable de premier rang. Cependant celui-ci dispose d’un recours contre son locataire fauteur de troubles. Recours qui ne peut prospérer que si « les nuisances résultent d’un abus de jouissance ou d’un manquement aux obligations nées du bail ». Enfin, on peut souligner que le locataire perturbateur s’expose à la résiliation de son bail .
2. La responsabilité du maître d’ouvrage du fait des intervenants à une opération de construction
La responsabilité du maître d’ouvrage, fondée sur la théorie des inconvénients excessifs de voisinage, a été retenue par deux arrêts de principe de la troisième chambre civile en date du 4 février 1971 qui ont posé les prémisses de la responsabilité de plein droit, en censurant des décisions ayant subordonné la réparation du dommage à la preuve d’une faute. Depuis lors, la jurisprudence ne s’est pas départie de cette règle, la Cour de cassation estimant, par exemple, qu’est justifiée la condamnation du maître d’ouvrage à réparer les dommages causés au fonds voisin alors que les travaux ont été effectués par un tiers , ou que la faute imputée à l’entrepreneur ne saurait exonérer le propriétaire de la responsabilité lui incombant en cette qualité . Il est donc établi que le maître d’ouvrage doit, en cette seule qualité, assumer la charge des réparations des désordres causés affectant les immeubles voisins.
C Les responsables légalement désignés
Dans certains cas, le législateur lui-même canalise les actions en réparation des inconvénients excessifs de voisinage, en désignant les personnes responsables . D’après une interprétation extensive de l’article L142-2 du code de l’aviation civile, les compagnies aériennes sont condamnées à indemniser les nuisances causées aux riverains des aéroports . L’exonération totale ou partielle dont peuvent se prévaloir les compagnies aériennes est constituée par la « faute de la victime », faute consistant généralement dans le fait de s’être installé en connaissance de cause aux alentours d’établissements aéroportuaires. Cette responsabilisation parait contestable puisque les compagnies aériennes ne sont, par exemple, pas impliquées dans le choix des sites, non plus dans l’organisation du trafic aérien .
Dans le même ordre d’idées, on relèvera une loi n° 99-245 du 30 mars 1999 relative à la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l’exploitation minière et à la prévention des risques miniers après la fin de l’exploitation. Aux termes du nouvel article 75-1 du code minier « l’explorateur, ou à défaut le titulaire du titre minier, est responsable des dommages causés par son activité ». Ainsi, c’est sur le fondement des troubles de voisinage qu’un exploitant de mines, ayant crée un affaissement de terrain à l’origine d’inondations provoquant des pertes de récoltes, a été tenu d’indemniser l’agriculteur .