Pourquoi un tel revirement de jurisprudence ? Parce que l’obligation d’information du médecin a seul pour objet d’obtenir le consentement éclairé du patient ?
Si on s’en tient à ce raisonnement, il semblerait que la Cour de cassation ait voulu faire une application stricte de cette obligation d’information dont le non-respect se traduit uniquement par l’absence d’un consentement éclairé. A cette occasion, pour la Cour de cassation, ce défaut d’information ne serait qu’une perte de chance d’échapper au risque qui s’est finalement réalisé. Dès lors, alors même qu’il soit possible que d’autres préjudices aient été causés par cette violation, ici un préjudice moral, la seule indemnisation acceptable est le seul préjudice causé par la violation de l’obligation d’information, à savoir, le défaut de consentement du patient victime.
Il semble que la Cour de cassation se soit basée sur le principe de la relativité aquilienne qui veut qu’en cas de violation d’une norme, seuls soient réparables les types de préjudices que la norme avait juste pour but de prévenir . Pourtant, la Cour de cassation a décidé dernièrement que tout manquement contractuel peut être source de responsabilité délictuelle à l’égard des tiers pour l’auteur du manquement . Dès lors, ici, la violation de l’obligation contractuelle se trouve « dé-relativisée », sa violation peut être invoquée par toute personne aux intérêts de qui elle a portée atteinte, même si cette obligation n’avait pas pour but de protéger ou garantir ces intérêts.
Finalement, selon Monsieur STOFFEL-MUNCK, « on parvient ainsi à une situation très paradoxale : à l’heure même où la Cour de cassation supprime la relativité des obligations contractuelles, au rebours des principes les plus fondamentaux de notre droit, elle proclame le caractère extracontractuel de l’obligation d’information du médecin (visa de l’article 1382 du Code civil) et affirme du même coup, là encore à l’encontre des règles traditionnelles du droit français, la relativité de cette obligation, dont la violation ne peut être invoquée que pour autant qu’elle a porté atteinte à l’intérêt que l’obligation visait à protéger. La relativité, chassée par la porte du champ contractuel, reviendrait donc par la fenêtre dans le domaine extracontractuel ».
Cette notion de « relativité des devoirs » dans le droit de la responsabilité extracontractuelle emporte l’approbation de certains auteurs, qui considèrent alors que tout préjudice n’est pas nécessairement réparable. Selon eux, il serait plus favorable aux victimes d’admettre un droit de la responsabilité dont la générosité à l’égard des victimes se manifeste un peu moins sur le plan des principes et un peu plus dans le montant des indemnités allouées.
Pour autant, cette conception semble critiquable. Une victime est-elle en mesure d’accepter de renoncer à son droit à réparation pour le préjudice qu’elle a subi ? Nul ne doute que non, surtout que le patient victime, en situation de faiblesse, a toujours été protégé.
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