Si le terme de « fragilité » n’est pas récent en gériatrie, sa signification a, quant à elle, bien évolué. Dans les années soixante ce terme est déjà utilisé pour définir des patients âgés, désorientés, agités et incontinents (Frotin et al., 2009). En 1988, Woodhouse et al. définissent les personnes âgées fragiles comme celles de plus de 65 ans qui dépendent des autres pour la réalisation des activités de la vie quotidienne et qui sont souvent dans des institutions de soins.
Le terme apparaît finalement dans le répertoire du Medical Subject Headings en 1991 et est définit comme suit :
« Older adults or aged individuals who are lacking in general strength and are unusually susceptible to disease or to other infirmity. » (Bergman et al.2007, p 731)
A ce jour la définition du concept ne fait toujours pas l’unanimité. Deux éléments semblent toutefois faire consensus. D’une part, l’étiologie de fragilité est multifactorielle et d’autre part la fragilité est un état de vulnérabilité accrue. (Rockwood, 2005). Nous pouvons aborder la fragilité sous plusieurs angles et tenter ainsi de mieux saisir sa singularité.
– Biomédical
La société américaine de gériatrie définit la fragilité comme suit :
« Un syndrome physiologique caractérisé par une diminution des réserves ainsi qu’une diminution de la résistance à un évènement stressant, résultant du déclin des différents systèmes physiologiques cumulés, et causant la vulnérabilité aux conséquences délétères. »
(Rockwood, 2005)
Cette définition reste très large et nécessite d’éclaircir trois éléments concernant la fragilité. Tout d’abord, les réserves mentionnées sont d’ordre énergétiques, physiques fonctionnelles, cognitive et en santé (Closon et al., 2008). Ensuite, le risque de subir les conséquences délétères est déclenché par un évènement stressant. Une pathologie aiguë (même relativement anodine), l’effet indésirable d’un médicament ou un stress socio-affectif peut dès lors engendrer des évènements délétères (Gobert & Degrave, 2007). Enfin, les conséquences délétères dont il est question peuvent être de plusieurs ordres : décès, hospitalisation, développement d’incapacités, chute ou encore institutionnalisation (Fried et al., 2001).
– Opérationnel
Fried (2001) a tenté de déterminer des critères permettant de déterminer si une personne âgée est fragile :
– Perte de poids involontaire (10 pounds soit 4,536 kg ou plus dans l’année écoulée) ;
– La personne se déclare elle-même fatiguée, épuisée ;
– Faiblesse (force de préhension insuffisante) ;
– Marche ralentie ;
– Activité physique diminuée, (dépense en kcals faible)
Selon Fried, une personne âgée fragile présente au minimum 3 des 5 critères précités. Il existe également un état pré-fragile qui augmente le risque de fragilité dans les 3 à 4 ans. Cet état « pré-fragile » est caractérisé par la présence de 1 ou 2 des critères.
– Dynamique
D’après Rockwood (1994) la fragilité est un concept dynamique. Ce qui signifie que le degré de fragilité peut changer au fil du temps (Bergman, 2007).
Figure 3 Modèle dynamique de la fragilité
Tiré de Rockwood 1994, p 490
Brocklerhust (cité par Rockwood, 1994) représente la fragilité par une balance. D’un côté se trouvent les facteurs favorables qui permettent à la personne de maintenir son indépendance (santé, attitudes à l’égard de la santé, ressources et aidants). L’autre côté reprend les éléments qui menacent l’indépendance de la personne (maladie, incapacité, dépendance et épuisement des aidants).
Si les facteurs favorables sont plus importants que les défavorables, la personne âgée n’est pas considérée comme une personne fragile. Dans le cas contraire, la personne âgée ne sait plus vivre de façon indépendante au sein de sa communauté. Si par contre, les facteurs favorables sont en équilibre avec les facteurs défavorables, la personne est considérée comme fragile. En effet, l’équilibre peut à tout moment être rompu par un évènement (même insignifiant) et faire basculer la personne dans la dépendance.