Aujourd’hui la plupart des travaux de recherche sur les circuits courts parlent d’un contexte porteur ou favorable pour ce mode de commercialisation.(16) Effectivement du côté de l’offre, on peut noter qu’en 2010, 21 % des exploitations commercialisaient en circuits courts (soit 107 000 exploitations agricoles), contre 16,3 % en 2005. Il existe, bien sûr, évidemment des différences selon les types de produits. Par exemple, dans la commercialisation de légumes, 50 % des exploitations sont concernées contre 10% pour les produits animaux. De son côté, dans une position intermédiaire, 25 % des exploitations de fruits et vins sont concernées dans la commercialisation en circuits courts(17). Cela signifie que, un producteur sur cinq en France, commercialise en circuits courts actuellement.
Du côté de la consommation, selon le Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Foret, la demande de produits en circuits courts évolue aussi de manière croissante. Elle constitue la réponse à une « exigence grandissante de produits de terroir de tradition, d’authenticité restaurant le lien social entre consommateur et producteur, valorisant les qualités de fraîcheur, d’innovation et de qualité nutritionnelle des productions en question ainsi que la connaissance des produits et de leurs modes de production. » (Plan Barnier, 2009)(18). Une tendance des ménages français est l’approvisionnement local malgré le passage à la « modernité ». Les variations régionales de consommation alimentaire sont importantes ce qui suggère que la région détermine encore l’alimentation des français. (Régnier, L’huissier et Gojard, 2006). Selon d’autres analyses (Delhommeau, 2009), il s’agit aussi d’un contexte de crise de confiance sur les produits industriels, qui a provoqué la transformation des besoins et des attentes des consommateurs pendant ces dernières décennies.
En effet, la consommation locale est devenue à l’heure actuelle, une opportunité pour les ménages afin de satisfaire leurs besoins en termes de sécurité alimentaire, de traçabilité, et de qualité. (Merle A et al, 2011). En ce sens, si bien entre 6 à 7 % des achats alimentaires en France sont réalisés dans un circuit court(19), ce qui reste un peu marginale, d’autres études montrent que par exemple actuellement, 25 % des français citent le producteur comme source de confiance. Aussi 67 % des français, considèrent que la proximité géographique compte beaucoup, et près de 20 % des français privilégient la consommation locale. (Merle A et al, 2011). Ceci pourrait constituer sans doute, un bon scénario pour l’émergence de nouveaux programmes visant à développer les circuits courts.
Cette évolution positive, tant pour l’offre que pour la demande, contribue de manière favorable au développement territoriale avec l’apparition de nouvelles dynamiques endogènes. Les différents impacts positifs concernant plusieurs aspects, environnementaux, économiques, sociaux et identitaires ont également déjà été analysés en profondeur par plusieurs travaux académiques, (Dufour et Lanciano, 2012 ; Chiffoleau, 2008 ; Chiffoleau, 2010 ; Traversac et al, 2010 ; Herault – Fournier C, 2010 ; Olivier et Couquart, 2010) qui montrent aussi quelles voies sont capables de maintenir et développer à long terme ces dynamiques endogènes.
Le ré-ancrage de l’agriculture dans l’espace et la sphère sociale constitue d’une part, un des premiers facteurs de dynamisation d’un territoire par les circuits courts. En effet ce processus favorable a la réappropriation de la fonction agriculture par les acteurs du territoire (Traversac, 2010 : 13), permet de lutter contre l’exclusion en agriculture. Selon Paugam (2008), l’exclusion passe entre autres choses par une perte des liens sociaux des agriculteurs, ce qui leur rend par la suite fragiles. De son cote Chiffoleau (2012), garde l’idée que ce n’est pas le marché qui intégre les agriculteurs mais les dynamiques et interactions propres aux circuits courts.
Les circuits courts favorisent le développement et le renforcement des liens entre producteurs, permettent la création de réseaux informels capables d’encourager la transmission d’information et créer des opportunités d’innovation, (Traversac et Keibir, 2010 : 50). Egalement, ils encouragent l’émergence de « nouvelles formes de socialisation » avec les consommateurs (Dufour et Lanciano, 2012). Ceci non seulement contribue à une meilleure reconnaissance des agriculteurs mais a une meilleure intégration professionnelle à travers le renforcement des niveaux de capital social(20), nécessaires pour l’accès à d’autres ressources économiques, ou pas, et au maintien à long terme du projet en circuits courts. Le soutien des consommateurs est alors plus qu’économique, elle permet la reconnaissance sociale et du métier. (Chiffoleau, 2012 :94).
Les impacts économiques sont aussi présents. En effet la réactivation de l’économie régionale à travers les circuits courts est possible, non seulement par la création d’emplois locales au niveau de la production et commercialisation, mais aussi par le maintien des petites exploitations agricoles grâce à la diversification d’activité et a une rémunération plus juste des producteurs. (Herault – Fournier C, 2010 : 7). Ce système « sécurité matérielle », contribue d’autant plus à une meilleure intégration professionnelle du producteur. (Dufour, Herault, Lanciano, Pennec, 2010 : 73).
De plus, les circuits courts représentent une contribution positive au niveau de l’environnement. Selon l’ADEME(21), les circuits courts constituent un « potentiel » en matière de consommation durable. Par exemple, la réduction des transports entre lieu de production et lieu de consommation provoque non seulement une diminution de pollution et de consommation d’énergie, mais aussi une réduction des emballages des produits. Selon Chiffoleau (2010), les produits en circuits courts sont d’abord vendus avec moins d’emballage et moins d’intrants. Puis ils favorisent des bonnes pratiques écologiques dans les exploitations, et ils mettent en valeur biodiversité des espaces.(22)
16 Les conclusions s’appuient effectivement sur les données du recensement agricole de 2010, ou sur les résultats d’enquêtes menées dans divers programmes et projets tels que LIPROCO, COXINEL, CROC…etc
17 Chiffres clés selon l’ADEME, Avril 2012.
18 http://agriculture.gouv.fr/developper-les-circuits-courts
19 Chiffres clés selon l’ADEME, Avril 2012.
20 Selon Bourdieu (1980), le capital Social est « l’ensemble de ressources […] liées à la possession durable de relations […] d’interconnaissance et d’inter-reconnaissance. » Ce type de capital selon l’auteur est interdépendant des autres espèces de capital, tel que le capital économique ou culturel
21 Les avis de l’ADEME, avril 2012.
22 Ce dernier point est discuté et même invalide, dans des études récentes menés par le Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’énergie. http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/LPS158.pdf)
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