Les oppositions que nous venons d‘évoquer pourraient faire penser que nous sommes en présence d‘un choix, toujours difficile à faire, entre les droits de l‘homme et la raison d‘État, l‘intervention et la non-intervention, le principe de non-ingérence et le droit d‘ingérence. La réalité, dans les esprits comme sur le terrain, n‘est pas aussi simple.
Le vocabulaire est une première source de confusion. Spécialiste de droit international, Mario Bettati relève un usage inflationniste, favorisé par les médias, du mot ingérence. Bernard Kouchner n‘écrit-il pas que l‘ingérence « c‘est d‘abord le regard » ? Le mot a pu recouvrir des réalités aussi différentes que le contrôle exercé par le F.M.I. sur certaines économies du Tiers Monde, les secours apportés aux populations d‘Éthiopie victimes de la famine, l‘aide aux Arméniens après le séisme de 1988, l‘intervention des casques bleus en Bosnie et en Somalie, ou encore l‘opération « Tempête du désert » contre l‘Irak de Saddam Hussein le 17 janvier 1991, coupable d’avoir annexé l’émirat du Koweït. Or, des six cas que nous venons d‘évoquer, deux seulement(les interventions en Bosnie et en Somalie) relèvent de l‘ingérence « coercitive » impliquant l‘emploi de la force.
Deux autres, l‘action du F.M.I. et le secours aux victimes de séismes, sont des exemples d‘ingérence « contractualisée », fondée sur l‘accord de l‘État concerné ; le cas éthiopien constitue une ingérence de fait imputable à des organisations humanitaires sans armes ni objectifs politiques ; quant à la guerre du Golfe, il s‘agit d‘un conflit classique entre puissances en réponse à une agression, l‘ingérence humanitaire n‘intervenant, avec la résolution 688 sur le Kurdistan irakien, qu‘après la fin des hostilités.
Page suivante : 1.1.9. Le droit d’ingérence et la légitimation d’actions humanitaires