Selon Keynes le mimétisme est rationnel. Il fait l’hypothèse que les agents
économiques sont ignorants, qu’ils sont incapables d’interpréter les informations qu’ils
reçoivent, qu’ils ne peuvent pas donc anticiper le futur. Ainsi, il aura tout avantage à
imiter les autres qui, eux, doivent savoir. Il est pourtant impossible de savoir s’ils savent
vraiment.
Les principales motivations à l’origine du comportement grégaire rationnel(24) sont:
l’information imparfaite, le souci de la réputation et les structures de rémunération.
1.2.1. Modèles fondés sur l’information : Les cascades « Information-Based-Herding »
Les modèles de base de Banerjee (1992), Bikhchandani, Hirshleifer et Welch (1992) et
Welch (1992) supposent que l’opportunité d’investissement est disponible à tous les
individus, au même prix, ce qui induit que l’offre est parfaitement élastique. Cette
hypothèse est cohérente avec le fonctionnement des investissements directs étrangers dans
des pays pratiquant des taux de change fixes. Cependant, ces modèles ne sont pas adaptés
aux marchés de capitaux où les décisions d’investissement des individus seront reflétées
dans le prix ultérieur de l’investissement.
Dans les modèles fondés sur l’information, les investisseurs peuvent observer les
actions de leurs pairs, mais n’ont pas accès à leurs informations privées ou aux signaux
qu’ils reçoivent. L’idée est qu’ils tirent les informations utiles de l’observation des
décisions prises par les investisseurs en amont, au point d’ignorer, de façon rationnelle,
leurs propres informations privées. Ainsi, une fois qu’une cascade est déclenchée, les
décisions des investisseurs ne donnent plus aucune information sur leurs signaux aux
investisseurs en aval. Or, l’optimum économique exigerait que chaque investisseur suive
le signal qu’il a reçu à titre privé, car ce signal viendrait enrichir la somme des
connaissances au profit de ses pairs. Le mimétisme crée ainsi une externalité négative
dans la mesure où, dès que la cascade se déclenche, l’information publique cesse de
s’accumuler.
Selon Bikhchandani et al. (1992), les personnes ayant accès à l’information qui est
moins précise ont tendance à suivre l’exemple des personnes qui ont accès à l’information
qui est plus précise que leur tienne. Ignorant leurs propres informations, ces personnes ont
tendance à former des troupeaux, et les individus les mieux informés sont en mesure de
prendre leurs décisions en premier lieu : Ces décideurs sont connus sous le nom de ”
leaders de la mode” et ce phénomène est connu par ” les cascades informationnelles” qui
constituent, dés lors, l’explication privilégiée des comportements grégaires (Bikhchandani
et al. (1998)).
Certes que les modèles des cascades informationnelles éclairent les prescriptions
d’analystes financiers, que ce soit dans l’achat des titres particuliers ou dans le choix du
style d’investissement, ils représentent certaines limites dont la plus importante est leur
fragilité en raison des chocs exogènes (émission de nouveaux signaux, arrivée des agents
mieux informés…..).
1.2.2. Modèles fondés sur la réputation « Reputation-Based-Herding »
Le comportement grégaire rationnel peut s’expliquer également par des
considérations tenant aux relations principal-agent. En effet, Scharfstein et Stein (1990) et
Trueman (1994) proposent une autre théorie du comportement grégaire rationnel sur la
base de la réputation des gestionnaires dont la performance est souvent mesurée d’une
manière relative. Chacun d’entre eux reçoit un signal d’information sur la rentabilité d’un
investissement donné, le signal sera informatif si le gestionnaire est compétent et il serait
un simple bruit si le gestionnaire est peu compétent.
L’idée de base de Scharfstein et Stein stipule que si le gestionnaire ainsi que son
employeur sont incertains quant à la compétence du gestionnaire à sélectionner les
meilleurs titres, alors le fait de suivre les autres professionnels de l’investissement
entretient l’incertitude concernant la capacité du gestionnaire à gérer efficacement le
portefeuille.
1.2.3. Modèles fondés sur la rémunération « Compensation-Based-Herding »
Le fait de rémunérer un gestionnaire sur la base d’une comparaison entre sa propre
performance et celle de ces pairs fausse ses incitations et il se finisse par un portefeuille
inefficient (Roll (1992) et Brenan (1993)), Ce ci peut causer la création d’un comportement
grégaire.
Maug et Naik (1996) considèrent le cas d’un investisseur averse au risque (agent)
dont la compensation augmente avec sa propre performance et diminue avec la
performance d’un investisseur de référence, ces deux investisseurs sont supposés avoir
une information imparfaite sur les rendements des titres. En premier lieu c’est
l’investisseur de référence qui prend ses décisions d’investissements, ensuite l’agent
choisit son portefeuille après avoir observé les actions de l’investisseur de référence.
Le mode de rémunération constitue ainsi une autre raison pour adopter la stratégie
d’imitation. En effet, la rémunération de l’agent diminue s’il réalise une performance
inférieure à celle de l’investisseur de référence. Ce mode de rémunération est optimal pour
l’employeur en cas de problème d’aléa moral (AM) ou de sélection adverse (SA) dans la
relation principal-agent.
Admiti et Pfeiderer (1997) analysent un modèle basé sur plusieurs actifs risqués, en
matière de gestion de portefeuille déléguée, dans lequel l’agent dispose d’une information
privée sur le rendement des titres. Ils ont trouvé que les contrats de rémunération des
agents basés sur une référence sont inefficients, incompatibles avec le partage optimal des
risques, et inefficaces pour surmonter les problèmes d’aléa moral et de sélection adverse.