Notre étude se réalise au sein du Pays Haut Val de Sèvre, situé au centre du département des Deux Sèvres, dans la Région de Poitou-Charentes. Le pays Haut Val de Sèvre, constitue aussi l’objet d’étude et l’application territoriale du projet CODIA. Le territoire a été créé en 1998, il est constitué de 22 communes étendues dans une superficie de 404 Km2 et fait partie des 26 pays que recense actuellement la région.
Carte : Pays de la Région Poitou-Charentes
Source : www.Insee.fr
A travers l’analyse des chiffres clés du schéma de cohérence territoriale(28), on peut constater que l’avenir pour une agriculture soutenable et la préservation des espaces ruraux, n’est pas encourageant. En effet, le Pays Haut Val de Sèvre est avant tout caractérisé comme un territoire rural, il compte à peu près 396 exploitations agricoles avec une surface moyenne par exploitation de 100 ha. Les activités d’élevage sont présentes dans 72 % des exploitations, et les grandes cultures ont atteint 52 % de la Surface agricole utile du territoire.
De nos jours et selon le schéma de cohérence territoriale, le pays doit faire face à de nombreuses menaces, surtout celles concernant la profession agricole. Par exemple, 50 % des exploitations n’ont pas de repreneur alors que plus d’un tiers des agriculteurs a plus de 50 ans et serait à la recherche d’un. De même les différentes évolutions économiques (évolutions des prix du marché) et les reformes de la politique agricole commune (PAC), mettent en danger la permanence de plusieurs agriculteurs et la pratique de systèmes de cultures diversifiés.
De même il existe aussi des menaces environnementales qui mettent en danger l’agriculture et les différentes attractivités du territoire. Effectivement le développement de l’activité agricole industrielle à travers l’extension des surfaces fourragères a provoqué des problèmes évidents au niveau de la qualité de l’eau, et aussi des impacts négatifs au niveau environnemental avec la perte de ressources spécifiques liées au patrimoine naturel et identitaire du territoire tels que paysages et biodiversité.
Malgré ces points négatifs, le territoire présente aussi des aspects attractifs qui nous laissent penser à une reconfiguration du territoire propice au développement des circuits courts. Depuis 1999 à partir d’une arrivée massive de nouveaux habitants(29), le pays Haut Val de Sèvre a connu jusqu’à présent, un rythme annuel de croissance démographique qui varie entre 1.3% et 1.6% et solde migratoire est positif. Aussi il est intéressant de signaler que près de ¼ de la population possède entre 15 et 30 ans, ce qui provoque un rajeunissement des communes et pourrait peut-être expliquer le taux positif de création d’entreprises existant dans le territoire, 17,4 % en 2011. Il existe également une évolution moyenne annuelle de l’emploi positive de 2,9 % entre 1999 et 2009, ce qui reste à peu près un point au-dessus de la moyenne départementale. Finalement il convient de signaler que la situation géographique constitue aussi un atout pour l’attractivité économique du pays qui se trouve entre la communauté d’agglomération niortaise à l’Ouest et la communauté d’agglomération de Poitiers à l’Est.
Parallèlement à ces points favorables et pour faire face aux difficultés et mutations du secteur agricole, le conseil de développement du Pays en partenariat avec la Chambre d’agriculture des Deux Sèvres mène actuellement plusieurs projets et programmes d’actions favorisant notamment la reprise des terres et l’installation des nouveaux actifs agricoles(30). En ce sens il existe des projets visant à développer la restauration hors domicile à travers des actions d’approvisionnement des cantines et autres établissements auprès des producteurs locaux. Même, des activités de sensibilisation et d’encouragement à la production, la transformation et la consommation locale sont lancées dans le cadre d’un partenariat, Pays et Région(31).
Dans le cadre de la mission du stage et du déroulement du projet CODIA, mais aussi pour aller au-delà des données démographiques et des informations générales existantes, on a mené de enquêtes afin de mieux caractériser le territoire et se munir d’informations concernant le développement des circuits courts. Les résultats recueillis vont constituer aussi la base pour agir à long terme dans la mise en marche d’autres projets en circuit courts sur le territoire. Les enquêtes ont été menées auprès des producteurs en circuits courts du Pays Haut val de Sèvre pour tenter de caractériser d’abord l’offre d’une façon générale, puis connaitre son poids et ses variations, pour finalement distinguer quelles peuvent être les opportunités pour le développement de certaines modalités de commercialisation en circuits courts.
Résultats des enquêtes de l’offre en circuits courts sur le Pays haut val de Sèvre :
Aujourd’hui, il existe à peu près entre 45 et 50 producteurs en circuits courts recensés sur le pays Haut val de Sèvre(32). Les enquêtes ont été proposées à 43 agriculteurs. Au final, 16 sont en activité, (Soit, 35 % de la population étudiée), et ont répondu de façon suffisamment complète aux questions. Les résultats de ces enquêtes permettent de dégager les tendances concernant les circuits courts sur le territoire du Haut Val de Sèvre.(33)
Les enquêtes réalisées ont porté sur :
– La description des exploitations
– Leurs produits commercialisés et les pratiques de commercialisation
– Evolution et développement des ventes en circuits courts
Caractérisation de l’offre :
Les résultats des enquêtes nous montrent d’abord que l’offre en circuits courts n’est pas récente sur le Pays Haut Val de Sèvre, 9 producteurs sur 15 ont une expérience en circuits courts au moins depuis 5 ans, pour le reste (6 Producteurs sur 15), cette modalité de commercialisation est pratiquée depuis moins de 5 ans. (Tableau 1)
Tableau No. 1 : Expérience en Circuits courts des producteurs du Pays Haut Val de Sèvre
Source : Enquêtes réalisées Stage/AFIPAR 2013
Type de produits commercialisés en Circuits courts
Les produits vendus caractérisent les circuits courts sur le territoire du Pays Haut Val de Sèvre. La diversité de produits est bien présente sur le territoire, les principales filières sont concernées par les circuits courts. Cependant, il existe des variations du nombre de producteurs par rapport à chaque type de produit commercialisé. En effet, on peut observer grâce au graphique numéro 3, que les légumes et la viande bovine constituent les catégories de produits ou il existe le plus de producteurs en circuits courts sur le territoire, (9 / 16 producteurs). Alors que les catégories d’oeufs et volailles et autres produits comme par exemple les canards ou le miel, sont concernées en moindre proportion.
Graphique No. 3
Source : Enquêtes réalisées Stage/AFIPAR 2013
Taille des ateliers en circuits courts :
Pour caractériser d’une façon générale les exploitations en circuits courts du haut val de Sèvre, on a évalué pour chaque type de production, la taille d’atelier en circuits courts. (Critères pris en compte : Taille de l’exploitation, volume de la production, équivalent temps plein consacré à l’atelier en circuits courts). D’après les résultats, on voit que les producteurs en circuits courts du Haut val de sèvre, possèdent différentes tailles d’atelier. On peut noter que ceux qualifiés de petite taille et taille moyenne sont majoritaires par rapports aux grands (graphique 1)
Graphique No. 1
Source : Enquêtes réalisées Stage/AFIPAR 2013
Modes de commercialisation en circuits courts :
En vente directe, plusieurs modalités anciennes sont présentes sur le territoire, telle que la vente sur le marché, en tournée, ou la vente à la ferme, mais aussi des formes innovantes qui favorisent davantage l’installation de nouveaux producteurs, comme les AMAP, la vente par commande internet, ou les points de vente collectif. La commercialisation indirecte se caractérise par la vente à un intermédiaire comme par exemple, la restauration ou les magasins primeurs
En moyenne, un producteur en circuits courts du Haut val de Sèvre, possède entre 1 et 2 modes de commercialisation, il est plus rare qu’un producteur en utilise 3 ou 4. D’après nos résultats, il est plus fréquent que les producteurs choisissent certains modes traditionnels de commercialisation en circuits courts, tels que la vente à la ferme ou la vente sur les marches de plein air. Par contre les modes de commercialisation plus innovateurs tels que la vente par commande internet, ou en point de vente collectif, sont peu présents et donc peu pratiqués. Effectivement le graphique numéro 2 montre que 8 sur 16 producteurs commercialisent leurs produits à la ferme ou au marché, alors que la vente dans un Point de vente collectif concerne 2 producteurs sur 16.
Graphique No.2 Nombre de producteurs en circuits courts par mode de commercialisation
Source : Enquêtes réalisées Stage/AFIPAR 2013
Il apparait que la participation dans certains modes de commercialisation de la part des agriculteurs dépend de la taille de leur atelier en circuits courts. Par exemple, s’investir dans un projet ou un contrat avec une AMAP pour la livraison de paniers, ne représente pas le même type d’investissement que le montage d’un magasin associatif qui nécessite, non seulement l’accès au capital économique, mais aussi une transformation organisationnelle dans chaque exploitation.
Il est intéressant d’observer dans le tableau numéro 2 que, les quatre producteurs qui participent à la vente en Paniers (Type AMAP), ont des petits ateliers en circuits courts. Aux grands ateliers en circuits courts s’associent d’autres modalités de ventes plus rentables telles que les points de vente collectifs ou 2 agriculteurs sur 2 possèdent un grand atelier en circuits courts.
Tableau No. 2 Mode de commercialisation par rapport à la Taille de l’atelier en circuits courts
Source : Enquêtes réalisées Stage/AFIPAR 2013
Opportunités pour le développement des circuits courts :
Même si la commercialisation en circuits courts est peu présente sur notre zone d’étude, cette alternative aux filières longues possède plusieurs opportunités pour se développer. Dans les résultats de nos enquêtes plusieurs données nous confirment cette tendance et nous permettent d’envisager le Haut Val de Sèvre comme un territoire favorable aux projets de circuits courts. Dans l’évolution des ventes dans les trois dernières années, aucun des producteurs n’a signalé une diminution de celles-ci. D’ailleurs 8 producteurs sur 15 indiquent une augmentation. Pour 7 producteurs sur 15, elles sont plutôt stables. (Tableau No.3)
Tableau No. 3
En suivant cette tendance, il est aussi intéressant d’observer les différences de perception sur les évolutions des ventes en circuits courts par rapport au mode de commercialisation. Les ventes à la ferme sont stables pour 3 producteurs sur 5 utilisant ce mode de commercialisation, en développement pour les autres. Les ventes sur les marchés sont plus importantes pour 3 producteurs sur 5 les pratiquant. Enfin, on peut voir que les producteurs qui pratiquent la vente en point de vente collectif, n’ont pas repéré des évolutions ni négatives ni stables au cours des trois dernières années, ce qui rassure la mise en marche de projets d’ouverture des magasins de producteurs. (Graphique No.4)
Graphique No. 4
Ces évolutions plutôt positives ressenties chez les producteurs en circuits courts, font qu’ils sont plus ouverts aux possibilités d’installation d’autres producteurs en circuits courts. Sur le graphique No.5, notons que 11 producteurs sur 15 pensent qu’il y a une place disponible pour d’autres producteurs en circuits courts sur le territoire, contre 4 seulement qui pensent que leur production et commercialisation sont déjà saturées. Cette vision négative face à la concurrence provient surtout d’un type de producteur spécifique qu’on a pu bien identifier dans nos résultats(34).
En effet 3 sur 4 producteurs qui pensent que le marché est saturé et qu’il n’y aurait plus de place pour un autre producteurs, possèdent un grand atelier en circuits courts. Aussi ces 4 producteurs commercialisent surtout au niveau de points de vente collectifs et sur leur propre ferme. Les filières concernées sont surtout les légumes, les produits laitiers et autres produits comme ceux issus du canard.
Graphique No. 5
Source : Enquêtes réalisées Stage/AFIPAR 2013
Pourtant, vu les évolutions des ventes plutôt positives, surtout dans certains modes de commercialisation spécifiques, 9 producteurs sur 16 souhaitent quand même développer un deuxième mode de commercialisation en circuits courts. Et sans aucun doute le mode de commercialisation le plus attractif, serait le Point de vente collectif (PVC), comme le démontrent les résultats de nos enquêtes (graphique numéro 6).
Graphique No. 6
Source : Enquêtes réalisées Stage/AFIPAR 2013
En effet, ce mode de commercialisation attire les producteurs en circuits courts puisqu’il serait en capacité d’offrir plusieurs avantages au niveau de la valorisation de leurs produits, de l’organisation du travail et du soutien réciproque et collaboration entre membres du réseau de producteurs. Selon une définition proposée par AVEC(35), le PVC possède 4 principes : la gestion collective par les agriculteurs, la présence d’au moins un agriculteur à la vente, la non concurrence entre produits du magasin, « un produit, un producteur », et finalement la vente unique de produits des agriculteurs, en éliminant l’achat revente (Herault C, et al, 2009).
On vient de voir, comment dans un contexte ou la coordination politique n’a pas encore réussie à mettre en marche un vrai soutien aux circuits courts, les acteurs locaux continuent à se mobiliser et à développer des projets de soutien et de commercialisation en circuits courts. Avec le cas du Pays Haut val de Sèvre, et a partir des tendances issues du schéma de cohérence territoriale et de l’exploitation des données des enquêtes, on a expliqué pourquoi ce territoire peut être considéré comme attractif au développement de projets en circuits courts, et plus précisément au développement d’un Point de vente collectif. Mais quels sont les besoins intra organisationnels pour la mise en marche d’un projet de PVC et la construction d’une stratégie collective à long terme ? Et comment ces besoins peuvent-être diagnostiqués? C’est ce dont on va répondre dans la partie suivante.
28 Schéma de cohérence territorial: Synthèse du diagnostic du pays haut val de sèvre: www.pays-hautvaldesevre.fr
29 3600 habitants depuis 1999, source: Schéma de cohérence territorial: Synthèse du diagnostic du pays haut val de sèvre: www.pays-hautvaldesevre.fr
30 Projet agricole GAIA, http://www.pays-hautvaldesevre.fr/Agriculture/Projet-agricole-Gaia/gaia.html
31 Débats citoyen menés par le Pays Haut Val de Sèvre avec le financement de la région Poitou Charentes http://www.pays-hautvaldesevre.fr/Le-Conseil-de-Developpement/Debat-citoyens/debat-sur-lagriculture-de-proximite.html
32 Base de données AFIPAR 2013.
33 6 des 43 producteurs, soit 14 % contactés ont arrêté leur activité en circuits courts par diverses motifs.
34 Les résultats de nos enquêtes n’ont pas été favorables a la construction d’une typologie de producteurs, cependant une claire tendance est repérée.
35 Association basée en Rhône Alpes, crée en 1990 qui promouvoit et défend le concept de Point de Vente collectif. Elle fédère 27 PVC sur les 61