Si l‘on analyse de manière cohérente et synthétique les contradictions inhérentes de l‘humanitaire, on trouverait que les débats sur son champ d‘action continuent de faire rage, surtout que l‘opposition entre la souveraineté des États et le principe d‘ingérence est toujours d‘actualité. De plus, les problèmes humanitaires n‘ont pas toujours de solution humanitaire. L‘intervention militaire qui avait commencé au XIXe siècle, où des soldats étaient coiffés de mandats humanitaires, ne renforce pas toujours le rôle des organisations humanitaires. Les États dédouanent ces dernières de leurs responsabilités politiques. Entre temps, les États utilisent la rhétorique de l‘humanitaire pour échapper à leurs responsabilités internationales.
Avec la fragilité des nouveaux États indépendants qui s‘effondrent en guerres civiles, les tragédies humanitaires se dessinent devant l‘incapacité des mécanismes de régulation internationale. La guerre devient ainsi lucrative pour les guerriers avec l‘intervention internationale qui est, elle, source de profits. Les organisations internationales qui déversent leur aide sur la population contribuent à soutenir l‘effort de guerre qui sévit dans un espace apolitique.
D‘un regard sévère sur les pays occidentaux qui refusent d‘assumer leurs responsabilités d‘une part et de l‘analyse des causes profondes de ces crises d‘autre part, il ressort que le droit d‘ingérence par exemple présente des absurdités puisqu‘il exige une intervention sans s‘inquiéter des causes et conditions des tragédies humanitaires. Les médias, eux aussi, contribuent à cette construction dénaturée des crises humanitaires en focalisant leur attention sur la situation pendant la crise. La plupart des crises sont d‘ordre politique et non pas foncièrement ethnique comme elles sont souvent représentées par les medias. Les factions dirigeantes manipulent souvent le fond ethnique, stratégie cohérente des partis gouvernementaux au Rwanda avant et après le génocide de 1994, en Yougoslavie, etc.
La mondialisation entraîne d‘autres complexités et contradictions autour de l‘humanitaire. Les multiples interdépendances entre les États et les organisations multinationales ont augmenté après la Seconde Guerre mondiale. Le rôle des ONG s‘intensifie dès lors qu‘elles profitent des nouveaux réseaux de communication. Certains ONG sont souvent ambiguës quant à leurs buts, soit évangéliques ou complices de régimes corrompus. Le rôle croissant des ONG reflète aussi le désengagement de l‘État dans les années 80 avec l‘idéologie de l‘économie de marché qui entraîne la remise en cause des pratiques dominantes en matière de développement.
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