Un certaine nombre de législations permettent à la victime de contrefaçons de se faire
attribuer les bénéfices réalisés par le contrefacteur(118).
Aux Etats Unis, la loi de 1909 énonçait que toute personne reconnue responsable d’une
infraction à un copyright devrait rembourser à son propriétaire les dommages que celui-ci
pouvait avoir subi du fait de cette atteinte, ainsi que les bénéfices retirés de cette exploitation
illicite. La loi semblait donc permettre un cumul de ces modes d’indemnisation alors que
l’intention du Congrès était d’accorder alternativement l’un ou l’autre type de dommages et
intérêts. La jurisprudence fut contradictoire sur ce point jusqu’ à la loi de 1976.
Ce texte vint préciser que « l’allocation des bénéfices du contrefacteur à la victime s’ajoute au
remboursement du préjudice subi par celle-ci, si ces profits ne sont pas pris en compte dans le
calcul du préjudice »(119). De plus, cette loi a précisé que le titulaire du copyright était tenu de
présenter des preuves relatives uniquement au revenu brut du contrevenant, et que ce dernier
devait apporter la preuve de ses frais déductibles et des éléments de bénéfices imputables à
des facteurs autres que l’oeuvre protégée.
Un système similaire s’applique en droit des marques. Le demandeur pourra démontrer quel a
été le chiffre d’affaires réalisé par le contrefacteur, notamment grâce à la mesure de la
discovery qui lui permet d’obliger le contrefacteur à lui soumettre certains documents. Ce
dernier aura alors la charge de démontrer l’étendue des frais qu’il a engagé. Les juges
pourront ainsi apprécier dans une certaine mesure les bénéfices effectivement réalisé par le
contrefacteur et en attribuer le montant au demandeur.
En revanche, le droit des brevets américains n’indemnise pas la victime de la contrefaçon par
la remise des bénéfices du contrefacteur mais connaît une possibilité pour le juge d’augmenter
les dommages et intérêts jusqu’ à trois fois leur montant(120).
En Allemagne le titulaire de droit de propriété intellectuelle victime de contrefaçons, au lieu
de tenter de démontrer son gain manqué, pourra demander une redevance raisonnable ou bien
l’attribution des profits réalisés par le contrefacteur. Cette possibilité est expressément prévue
dans les lois sur le droit d’auteur et sur les dessins et modèles. En revanche, en droit des
brevets, cette solution est jurisprudentielle depuis une décision de la Cour d’appel
commerciale impériale allemande de 1874, régulièrement reprise par les juridictions depuis.
Un auteur explique à ce propos que « le contrefacteur est assimilé à une personne qui aurait
agi pour le compte du breveté »(121). Opter pour la remise des bénéfices réalisés par le
contrefacteur n’était pas nécessairement la solution la plus intéressante pour le titulaire de
droits. En effet, d’une part la loi allemande ne connaissait pas de mesure pour obliger le
contrefacteur à remettre certains documents au demandeur et d’autre part les tribunaux
permettaient au contrefacteur de déduire une large part de ses frais : coûts fixes et coûts
variables, réduisant souvent les bénéfices à un chiffre dérisoire. Mais depuis une décision du
Bundesgerichtshof de 2001(122) interdisant au contrefacteur la déduction de ses coûts fixes,
l’attribution des bénéfices est devenue une option financièrement intéressante pour la victime
de la contrefaçon.
118 Selon M. Véron, la France a également connu un tel système en matière de brevets d’invention, jusqu’à un
revirement de jurisprudence de la Cour de cassation intervenu en 1963. M. Béhar-Touchais, « Comment
indemniser la victime de la contrefaçon de façon satisfaisante » ?, préc.
119 A-J. Kevorkian, préc. p. 83.
120 Paragraphe 2 de la section 284 du Titre 35 du USC.
121 P. Meier-Beck, préc. p. 13.
122 Décision publiée sous le titre « Attribution des coûts fixes » (Gemeinkostenanteil), 145 BGHZ 366, 2001
GRUR 329, 33IIC 900 (2002).
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