1. Caractéristiques et spécificités de l’agriculture
D’après l’extrapolation des données communales du Recensement Agricole 2010.
Nombre d’exploitations et Surface Agricole Utile
Le bassin versant de la Seille comptait 774 exploitations en 2010 (555 en Moselle et 219 en Meurthe-et-Moselle) réparties sur 1288 km², soit une densité de 0,6 exploitation / km². Ces exploitations forment une SAU globale de 92 086 hectares.
Tableau II : Données générales de l’agriculture sur le bassin versant (Source RA 2010)
Statut des exploitations
La grande majorité des exploitations dispose du statut d’exploitation individuelle. La part de Groupements Agricoles d’Exploitation en Commun (GAEC) et d’Exploitations Agricoles à Responsabilité Limitée (EARL) est très réduite.
Figure N°14 : Statut des exploitations sur le bassin versant (source RA 2010)
Orientation technico-économique des exploitations
L’étude de l’Orientation Technico-Economique des Exploitations agricoles (OTEX) révèle deux filières prédominantes sur le bassin versant. Les exploitations de type « polyculture/polyélevage », suivies des exploitations « Céréales et oléoprotagineux » sont majoritaires selon les quatre critères retenus : nombre d’exploitations, SAU associée, UTA et PBS de la filière.
Tableau III : Orientations technico-économiques sur le bassin versant (Source RA 2010)
Figure N°15 : Prédominance des OTEX en fonction du nombre d’exploitations
Figure N°16 : Prédominance des OTEX en fonction de la SAU associée
Productions et assolement
Les trois recensements agricoles de 1988, 2000 et 2010 permettent de caractériser l’évolution de l’assolement sur le bassin versant ces vingt dernières années. Entre 1988 et 2010, on note une augmentation de l’ordre de 19% de la superficie des terres labourables contre une baisse de 57% des cultures permanentes et de 34% des superficies toujours en herbe.
Tableau IV : Evolution de l’occupation des sols sur le bassin versant (Source RA 2010)
Ces mêmes données permettent de hiérarchiser les productions végétales selon leur superficie. Les prairies fourragères temporaires, les cultures céréalières et les prairies permanentes constituent, à parts homogènes, les productions prédominantes. Le blé tendre apparait au second rang, suivi du cortège « colza », « oléagineux » et « orge ».
Figure N°17: Part des productions végétales sur le bassin versant (source RA 2010)
Deux grandes catégories de rotations ont été recensées par la Chambre d’Agriculture de Lorraine lors d’une enquête de 2005 : les rotations de cultures d’hiver, dominées par la succession « Colza, Blé, Orge d’hiver », et les rotations avec culture de printemps, pour lesquelles l’orge de printemps et le maïs sont principalement utilisés.
De manière plus synthétique, l’agriculture sur le bassin versant est dominée par l’élevage bovin et les cultures céréalières, la grande majorité des exploitants étant éleveurs. La prédominance des exploitants individuels sur les socitétés agricoles ne concorde pas spécialement avec la taille moyenne à grande des structures. Enfin, l’évolution de l’assolement, caractérisée par une augmentation des superficies de terres labourables et par une diminution des cultures permanentes et des surfaces toujours en herbe, correspond à la dynamique observable à l’échelle départementale. Il convient toutefois de noter que la perte des surfaces toujours en herbe a été en partie enrayée ces dix dernières années : d’une baisse de l’ordre de 24 % entre 1988 et 2000, à une perte de l’ordre de 13% entre 2000 et 2010.
2. Dispositifs agri-environnementaux territoriaux
Contrats de maitrise des pollutions agricoles
Il convient de rappeler, dans un premier temps, que l’ensemble du bassin versant est classé zone vulnérable selon la Directive Nitrate. Les pratiques agricoles y sont, par conséquent, déjà soumises à gestion raisonnée puisque les exploitants sont tenus de respecter certaines préconisations regroupées dans les quatre programmes d’actions du département : 1996-2000, 2000-2004, 2005-2009 et 2010-2014. Les premiers programmes préconisent l’enregistrement des apports de fertilisants azotés et des effluents d’élevage, le respect d’une dose maximale de 170 kg N/ha/an, l’élaboration d’un prévisionnel de fumure azotée par parcelle et l’objectif de 70% de couverture hivernale des sols. Le troisième programme prévoit en plus le maintien de la végétation sur cinq mètres de large de part et d’autre des rives de la majorité des cours d’eau. Le quatrième programme propose la couverture hivernale totale des sols dès 2011.
Les contrats agri-environnementaux reposant sur le volontariat des exploitants complètent les recommandations de la directive : la Prime à l’Herbe Agro-Environnementale, le PMPOA1 et le PMPLEE
Peu de données ont pu être obtenues sur l’ampleur réelle de la contractualisation à l’échelle du bassin versant de la Seille. Toutefois, le croisement de données issues de la Chambre d’Agriculture de Moselle, de l’Agence de l’Eau Rhin-Meuse à l’échelle du département et des zones vulnérables « nitrate » peut permettre de caractériser l’avancée de la contractualisation.
La PHAE ne semble pas avoir connu le succès escompté sur le bassin versant compte tenu de ses critères d’attribution contraignants (conserver plus de 75% de parcelles en herbe), du coût peu intéressant de la subvention associée (75 €/ha en moyenne sur le département) et de son incompatibilité avec les MAET. Seules quelques dizaines d’hectares sont couvertes par la PHAE à ce jour.
Le PMPOA1 et le PMPLEE ont connu un succès plus significatif, notamment parmi les parcelles hors périmètre Natura 2000. On observe également une rupture de la dynamique d’adhésion dans tous les départements Lorrains suite à l’abandon du PMPOA au profit du PMPLEE en 2002.
Une étude commandée en 2006 par le PNRL et le CSL portant sur l’évaluation du PMPLEE en région Lorraine indique que 20% des exploitations Mosellanes ont déposé une Déclaration d’Intention d’Engagement (DIE) avant 2002. Cette même étude met en avant le fort taux d’engagement Mosellan puisque 39 % des exploitants ont effectivement engagé des travaux de mise aux normes.
Les données concernant l’activité agricole du bassin versant de la Seille rassemblées jusqu’ ici nous permettent de penser que les parcelles du bassin versant hors zonage Natura 2000 sont représentatives des caractéristiques de l’agriculture à l’échelle départementale. En ce sens, il est possible d’extrapoler, avec prudence, que sur les 700 exploitations de la Seille hors zonage Natura 2000, 20 % d’entre elles (soit 140 exploitations) aient pu déposer une DIE et qu’environ 30% (soit entre 40 et 50) de ces exploitations aient effectivement engagé des travaux de mise aux normes au titre du PMPLEE.
Les impacts des deux programmes successifs ont pu être évalués par enquête auprès des exploitants :
– La mise aux normes ne semble pas avoir modifié profondément les structures d’exploitation
– La traçabilité et la gestion administrative de la fertilisation azotée ont fortement progressé, notamment par un recours plus systématique aux cahiers d’épandage et aux plans de fumure prévisionnels. Une meilleure maitrise des épandages d’effluents organiques est observable.
– Les résultats en termes de fertilisation azotée minérale ne sont pas probants
– La problématique liée aux CIPAN et aux sols sans couvert hivernal reste de mise et n’affiche aucun progrès.
En dépit de résultats relativement satisfaisants, l’opinion des exploitants sur la succession des deux programmes reste négative. 40 % ont effectivement l’impression « d’oeuvrer pour le respect de l’environnement et de la ressource en eau » en contractualisant. Toutefois, pour respectivement 29 et 16% d’entre eux, la contractualisation dans le cadre d’un PMPOA ou d’un PMPLEE constitue avant tout « une aide économique importante » et une possibilité « d’économiser les fertilisants par la prise en compte de la valeur fertilisante des effluents d’élevage ». La majorité des enquêtés déplore l’insuffisance du montant de la subvention, la lourdeur administrative du dispositif et les incohérences entre les objectifs, les moyens et les contraintes. (PNRL-CSL, 2006)
Mesures agri-environnementales territorialisées
Outre les mesures de conservation spécifiques aux zonages Natura 2000, la gestion agri-environnementale actuelle du bassin versant de la Seille repose essentiellement sur les MAET mises en place en 2008, puis en 2012. La contractualisation CTE a connu un certain succès et une certaine efficacité dans les territoires homogènes qui ont engagé une action collective autour du dispositif. L’arrêt des CTE au profit des CAD instaurés, entre autres, pour une meilleure prise en compte des enjeux territoriaux, a entrainé une rupture de la dynamique de contractualisation. Des années 2004 à 2006, on peut estimer que seules une trentaine d’exploitations ont contractualisé en CAD, contrats qui arrivent à échéance entre 2009 et 2011 et sont non-renouvelables.
Les MAET ont été initiées tardivement en raison de la priorité accordée à la contractualisation sur les sites Natura 2000. Des cahiers des charges MAET basés sur ceux appliqués dans les périmètres Natura 2000 ont été proposés aux agriculteurs cette même année : 10 d’entre eux ont choisi de contractualiser pour une surface concernée de 66 hectares. Quatre Espaces Naturels Sensibles (ENS) de la vallée de la Seille ont fait l’objet d’une attention particulière pour leur flore et leurs espèces faunistiques remarquables : « les prairies et marais de Chambrey », « les prairies de la Seille », « la Seille de Manhoué à Arraye et Han » et « la Seille en amont d’Haboncourt ».
Tous ces milieux sont essentiellement constitués de prairies de fauche en partie inondables. A ce jour, les 41 contractualisations mises en place permettent une gestion plutôt satisfaisante de la pollution azotée sur le bassin versant hors périmètre Natura 2000 : 23% des prairies y sont non fertilisées, 24 % reçoivent une fertilisation inférieure à 30 kgN/ha/an, 19% reçoivent une fertilisation entre 30 et 60 kgN/ha/an et 34% reçoivent plus de 60 kgN/ha/an.
Tableau V : Types de Mesures Agri-environnementales Territorialisées hors périmètre Natura 2000
L’opération Agri-Mieux « AQUAE SEILLE » : contenus du dispositif
Initiées en 1991 par le Ministère de l’Agriculture et confiées à l’ANDA, les opérations Ferti-mieux ont rencontré un certain succès, rendu possible par la mobilisation des exploitants en faveur de la qualité de l’eau. Suite à la dissolution de l’ANDA en 2003 et à la disparition du dispositif en dépit de la dynamique qui avait été créée parmi les agriculteurs, la CRAL proposa la mise en place d’une instance interrégionale dans le but de conserver l’intérêt environnemental des mesures initiées au sein d’un dispositif renommé Agri-Mieux. Les 17 opérations Ferti-Mieux du bassin Rhin-Meuse sont converties avec succès en programmes Agri-Mieux, pilotés et financés par les Chambres d’Agriculture Départementales.
En juillet 2005, l’opération Agri-Mieux « Aquae Seille » est lancée suite à la récurrence et l’augmentation des problèmes de qualité de l’eau observés sur le bassin versant. Concernant 600 exploitants sur les 90 000 hectares de la SAU du bassin, les pratiques agricoles promues par le groupe agro-environnement de la Chambre d’Agriculture de Moselle correspondent à quatre grands axes prédéfinis par concertation :
– Une gestion raisonnée de l’azote, adaptée aux cultures en place sur le bassin versant.
– Une gestion améliorée des effluents d’élevage, plus particulièrement dans le secteur amont du bassin versant.
– Une gestion des risques de pollution par les substances phytosanitaires
– Une généralisation de la couverture hivernale des sols, renforcée dans les secteurs d’élevage sur le secteur médian du bassin versant
Techniquement, le conseil aux agriculteurs prend des formes diverses mais repose toujours sur l’engagement volontaire des exploitants, la concertation et des démarches de type « bottom-up » où les agriculteurs font remonter des solutions techniques locales à « l’échelon supérieur ». Le dispositif affiche l’ambition de créer une dynamique locale, agricole et non-agricole, pour que l’agriculture soit vue et connue comme partenaire de l’eau. Des notes techniques, comprenant notamment des conseils pratiques relatifs à la gestion de la fertilisation, sont envoyées plusieurs fois par an aux exploitants. Des animations sont réalisées en salle et sur le terrain. Des visites d’exploitation et de plateformes d’essai sont organisées pour la mutualisation des bonnes pratiques. Un blog internet, nommé Graines de Seille, est animé plusieurs fois par mois par la Chambre d’Agriculture 57 (http://amseille.blogspot.fr/). Le compte rendu des visites d’exploitations et des études en cours y est exposé.
L’opération Agri-Mieux « AQUAE SEILLE » : premiers résultats
L’évaluation de l’efficacité du dispositif est réalisée par la Chambre d’Agriculture tous les quatre ans depuis sa mise en place en 2005. A ce titre, une enquête initiale a été réalisée sur les exploitations Meurthe-et-Mosellanes du bassin. Un « état initial 2005» des pratiques de fertilisation azotée du bassin versant a ainsi pu être extrapolé :
– 86% des exploitants pratiquent une fertilisation raisonnée en azote minéral en tenant compte du précédent cultural pour 93% d’entre eux, de la fumure organique pour 81% d’entre eux, du type de sol pour 56% d’entre eux et de l’exportation pour 41% d’entre eux.
– Les deux critères majoritaires de déclenchement de la fertilisation sont le stade de la culture et les conditions climatiques.
– Pour le blé : l’apport d’azote moyen est de 169,5 kgN/ha/an. 9% des exploitants apportent moins de 140 kgN/ha/an, 57% entre 140 et 180 kgN/ha/an et 23% entre 180 et 200 kgN/ha/an. 97 % des agriculteurs réalisent des apports fractionnés en azote : en deux fois pour 54% et en trois fois pour 43%.
– Pour le colza : l’apport d’azote moyen est de 183,8 kgN/ha/an. 10% des exploitants apportent moins de 140 N/ha/an, 27% entre 140 et 180 kgN/ha/an et 60% entre 180 et 220 kgN/ha/an. 100 % des agriculteurs réalisent des apports fractionnés en azote : en deux fois pour 90% et en trois fois pour 10%.
– Pour le maïs : L’apport d’azote moyen lors du premier apport est de 108 kgN/ha/an. 50% des exploitants dépassent 120 kgN/ha/an dès le premier apport, 27% apportent entre 100 et 120kg N/ha/an et 23% d’entre eux apportent moins de 100 kgN/ha/an. 18 % des agriculteurs réalisent deux apports en azote alors que 82% n’en réalisent qu’un seul.
– 17% des terres labourables restent sans couverture végétale hivernale. Les CIPAN ne sont mises en oeuvre que sur 10% de la SAU à même d’en accueillir.
– 20 % du Blé, 20 % du colza, 55 % du maïs et 25% des prairies permanentes reçoivent de la matière organique. Les épandages respectent en grande majorité les dates préconisées par la Directive Nitrate, à l’exception d’un quart des cultures de maïs.
– L’extrapolation des données indique une dose moyenne d’azote organique de 116 kgN/ha, bien inférieure à la norme de l’époque de 210 kgN/ha. 21% des exploitations effectuent cependant des apports d’azote minéral supérieurs aux recommandations en vigueur en 2005. (Deville, 2009)
La première évaluation technique du dispositif Agri-Mieux « Aquae Seille » portant sur 60 exploitants date de 2009 et permet d’apprécier l’évolution des pratiques agri-environnementales sur le bassin versant :
– 78% des exploitants déterminent leurs apports en azote en consultant plusieurs références techniques provenant des coopératives, de la Chambre d’Agriculture ou des fiches Aquae-Seille. Toutefois, 65% des agriculteurs n’utilisent qu’une seule méthode technique pour déterminer la quantité d’azote minéral à épandre.
– Les principaux critères hiérarchisés de raisonnement de la fertilisation azotée sont l’apport de matière organique pour 92% des exploitants, le précédent cultural pour 85%, le potentiel de la parcelle pour 82%, l’objectif de rendement pour 78%, l’état de la végétation pour 75%, les conditions climatiques pour 55%, la fourniture du sol pour 47% et l’arrière-effet prairie pour 22% d’entre eux.
– Les critères pris en compte pour le déclenchement de la fertilisation sont les conditions climatiques pour 87% des exploitants, le stade de végétation pour 75%, l’aspect de la végétation pour 17%, la date pour 15% et les conseils des organismes agricoles pour 7% d’entre eux.
– Pour le blé : l’apport moyen d’azote révèle une très faible baisse avec une valeur 2009 de 168 kgN/ha/an. L’écart moyen pondéré entre la quantité apportée et la quantité recommandée est de +34 kgN/ha/an. Tous les agriculteurs réalisent désormais des apports fractionnés : en deux fois pour 36% d’entre eux, en trois fois pour 56% et en quatre fois pour 8% des exploitants. Toutefois, l’enquête révèle que sur le bassin versant, la quantité d’intrants apportée augmente avec le nombre d’apports, les exploitants ayant tendance à avoir « la main plus lourde » sur chacun des apports. 71% des surfaces de blé reçoivent un fractionnement correct tandis que 29 % des surfaces reçoivent un premier apport trop tôt dans la saison, ou trop chargé en azote. On observe une surfertilisation des sols limoneux et des sols argileux profonds pour lesquels les exploitants ont tendance à relativiser l’importance des fournitures en azote du sol et ne valorisent pas assez leur fumier.
– Pour le colza : l’apport moyen d’azote révèle une baisse significative avec une valeur 2009 de 172 kgN/ha/an. L’écart moyen pondéré entre la quantité apportée et la quantité recommandée est de +20 kgN/ha/an. Comme en 2005, l’ensemble des exploitants réalise des apports fractionnés avec une nette augmentation des apports triples et l’apparition des apports quadruples : 14% réalisent leurs apports en deux fois, 81% en trois fois et 8% en quatre fois. 51% des exploitants réalisent un fractionnement correct, 43% doivent améliorer la date et la dose du premier apport, et 6% doivent revoir leurs apports trop importants. Comme pour le blé, on note une surfertilisation, notamment sur les sols limoneux et argileux profonds dont la fourniture en azote est peu ou pas prise en compte.
– Pour le maïs : l’apport moyen d’azote a peu évolué avec une valeur 2009 de 134 kgN/ha/an. L’écart moyen pondéré entre la quantité apportée et la quantité recommandée est de +41 kgN/ha/an. L’opération Aquae Seille recommande un apport unique pour une dose de moins 100 kgN/ha/an, et un fractionnement en 50 kgN/ha/an + solde manquant lorsque la dose nécessaire dépasse 100 kgN/ha/an. A ce titre, on note une évolution favorable en 2009 puisque plus de 88% des exploitants réalisent deux apports ou plus par an contre 18% en 2005. 19% des parcelles de la SAU connaissent un fractionnement correct tandis que 75% reçoivent un premier apport trop important ou prématuré. La surfertilisation est plus importante sur le maïs que sur les autres cultures du bassin versant, quel que soit le type de sol.
– Pour l’orge d’hiver : L’absence de données concernant cette culture en 2005 ne permet d’apprécier l’évolution des pratiques. Nous disposons toutefois des données 2009. L’apport moyen d’azote est de 142 kgN/ha/an. L’écart moyen pondéré entre la quantité apportée et la quantité recommandée est de +29 kgN/ha/an. Tous les exploitants fractionnent leurs apports, parmi eux 13% réalisent leurs apports en trois fois. L’opération Aquae Seille préconise de ne pas excéder 150 kgN/ha/an en deux apports. 60% des surfaces d’orge d’hiver connaissent un fractionnement correct alors que 40% d’entre elles connaissent un premier apport trop important ou prématuré. La surfertilisation est moins marquée sur l’orge d’hiver que sur les autres cultures. Une meilleure prise en compte des apports en azote organique et de la fourniture des sols limoneux et argileux profonds permettrait encore d’affiner les apports d’azote minéral.
– 85% des exploitants enquêtés utilisent de l’azote organique sous forme de fumier et de lisier de bovin mais ne prennent pas essentiellement en compte ces apports pour affiner les doses d’azote minéral utilisées. Le rapport entre la quantité d’azote organique totale produite par le cheptel et la surface potentiellement épandable (SPE) de chaque exploitation permet d’évaluer la pression d’azote organique subie par les parcelles. Le ratio maximum observé sur le bassin versant est de 168 kg d’azote organique par hectare de SPE, pour un rapport moyen sur le bassin versant de 29 kg d’azote organique par hectare de SPE. Aucune exploitation ne présente donc de pression excessive en azote organique.
– Le rapport SAMO/SPE (Surface réellement amandée en azote organique par rapport à la surface potentiellement épandable) permet d’appréhender plus finement les pratiques d’épandage des exploitants. Il correspond à la proportion de la surface épandable effectivement utilisée chaque année. Plus le rapport est élevée, meilleure est la valorisation des parcelles par la matière organique. Seuls 13% des exploitants valorisent leur SPE à au moins 50% en apportant toutefois des quantités modérées d’azote organique. A l’inverse, 15 % des exploitants ont des apports qui dépassent 200 kgN/ha/an tout en ne valorisant que 40% et moins de leur SPE. Ces données mettent en avant le fait qu’une nette amélioration des pratiques de fertilisation organique est envisageable puisque ces agriculteurs ne sont pas plafonnés dans leurs pratiques par leur SPE.
– 9% des terres labourables restent nus en hiver contre 17% en 2005. A l’inverse, le taux d’implantation des CIPAN sur les surfaces potentielles a chuté de 10% en 2005 à 3,4% en 2009. Seuls trois exploitants en réalisent sur le bassin versant et connaissent réellement les avantages de l’interculture. Cette technique reste éloignée des préoccupations des agriculteurs. A titre d’exemple, seuls 10 d’entre eux ont participé à la journée d’information et de démonstration des CIPAN organisée par la Chambre d’Agriculture de Moselle. Le développement de l’interculture constitue un des axes de progrès majeurs pour l’amélioration de la pollution azotée sur le bassin versant.
La renaturation de la Seille
Programmé depuis 1998, un important dispositif de renaturation de la Seille s’est donné pour objectifs l’amélioration globale de la qualité de l’eau et du milieu physique de la rivière. Deux types d’actions composent le programme : la modification de la végétation rivulaire et les interventions hydrauliques plus classiques qui concernent le lit de la rivière.
Les interventions portant sur la végétation rivulaire poursuivent quatre objectifs :
– La consolidation des berges face à l’érosion par la plantation de végétation basse (technique de bouturage), de végétation moyenne (bocage) et de végétation haute (essences de haut jet).
– La limitation de l’ensoleillement du lit mineur par l’apport d’ombrage dans le but de réduire la prolifération algale et d’enrayer la diminution d’oxygène dissous.
– L’amélioration de la qualité paysagère sur le bassin versant par une meilleure visibilité du parcours de la Seille au sein de sa vallée
– L’amélioration de la qualité de l’eau par l’absorption des nitrates au niveau de la zone racinaire de la végétation rivulaire.
Les interventions sur le lit mineur visent à améliorer l’hydraulique de la rivière : élimination des embâcles, curage, création d’épis contre l’érosion…
D’autres mesures sont mises en oeuvre à plus large échelle avec pour finalité l’amélioration de la qualité de l’eau :
– La préservation des zones humides et des éléments paysagers favorables à la qualité de l’eau par leur inscription dans les CAD ou les MAET.
– L’achèvement de la mise aux normes des exploitations agricoles et des infrastructures de traitement des industries et des communes
– La poursuite de la concertation avec les propriétaires des étangs majeurs pour la gestion des étiages
– L’étude globale des ouvrages hydrauliques de la Seille
Initié par l’Agence de l’Eau Rhin-Meuse, le programme de restauration de la Seille a connu de nombreux obstacles, notamment dans l’élaboration d’un consensus entre les nombreux acteurs locaux et la redéfinition des rôles après la réforme de l’intercommunalité. Sa réalisation est en train de trouver une nouvelle dynamique sous l’impulsion de l’Agence de l’eau et des trois Syndicats de Rivière.
3. La zone NATURA 2000 « Vallée de la Seille » : exemple d’une gestion agri-environnementale territorialisée
Localisation du site
Le site Natura 2000 de la Vallée de la Seille (« secteur amont et petite Seille fr4100232 ») s’étend sur une surface de 1486 hectares au Sud-Est de la Moselle. Délimité de part et d’autre de la Seille par les communes de Dieuze et Salonnes, le zonage inclut le ruisseau du Nard et la Petite Seille. Vingt communes mosellanes et une commune meurthe-et-mosellane sont concernées.
Le site présente un intérêt particulier lié aux résurgences d’eau salée propres au secteur amont du bassin versant. Les prés salés continentaux, les marais et les steppes salées constituent des milieux halophiles abritant une faune et une flore exceptionnelles qui ont fait l’objet de dispositifs de conservation avancés.
Figure N°18 : Localisation de la zone Natura 2000 de la Vallée de la Seille (source PNRL)
Occupation des sols et activités agricoles
Sur ce zonage, cinq classes d’habitats ont été relevées par le Conservatoire des Sites Lorrains, hiérarchisées selon leur surface.
Tableau VI : Couverture des différentes classes d’habitats dans la zone Natura 2000 (source CSL 2013)
L’agriculture constitue l’activité anthropique majeure sur le site avec 62 d’exploitations. Sur les 1486 ha de parcelles du site, 1340 sont utilisés par l’agriculture Les orientations technico-économiques les plus représentées sont la Polyculture-Polyélevage (57% des exploitations), les Bovins mixtes (23%) et les Céréales et Oléagineux (17%). Les exploitations sont de taille importante (77% ont une surface supérieure à 100 hectares) et le statut de société agricole est majoritaire. (Recensement agricole 2010)
Les cultures du blé, de l’orge et du colza sont devenues majoritaires au détriment d’une polyculture associant céréales, plantes sarclées, cultures fourragères, vignes et fruits. De manière générale, l’activité agricole dans la zone Natura 2000 s’est adaptée aux politiques publiques européennes et nationales : les petites structures qui pratiquaient la polyculture-polyélevage ont certes disparu moins rapidement que sur d’autres territoires non protégés, mais les exploitations spécialisées de grande taille sont devenues progressivement majoritaires. Toutefois, les pratiques néfastes qui découlent habituellement de ce type de restructuration (augmentation de la fertilisation, avancement des dates de fauches, retournement des prairies) sont restées limitées dans la zone pour deux raisons :
– La précocité des mesures de conservation
– L’humidité importante des parcelles qui constituent la zone Natura 2000 actuelle, dont la nature inondable, argileuse et difficilement drainable favorise le maintien en herbe plutôt que la mise en culture.
Le risque principal qui pèse sur la zone Natura 2000 n’est donc plus le retournement des prairies ou le drainage excessif, mais bien la recherche de valorisation de l’herbe par l’intensification des modes de gestion des parcelles.
Dispositifs agri-environnementaux et mesures de conservation
Les actions de conservation des espaces remarquables du secteur ont été initiées dès les années 1990. Elles ont évolué avec les dispositifs européens et nationaux pour assurer une gestion pérenne et adaptée aux spécificités et aux exigences du territoire. Cette évolution a mené aux dispositifs agri-environnementaux que l’on connait aujourd’hui.
Dès 1989, le Conservatoire des Sites Lorrains et le Parc Naturel Régional de Lorraine engagent une protection de certaines sources et prés salés de la Vallée de la Seille par l’intermédiaire d’acquisitions foncières et de conventions agricoles.
De 1993 à 2000, la collaboration entre le CSL et le PNRL se poursuit avec le programme européen ACNAT, appliqué aux prés salés continentaux de la vallée. Avec l’intermédiaire de la SAFER régionale, le CSL réalise l’acquisition de 134 hectares de parcelles sur 13 sites salés remarquables. Les premières mesures agri-environnementales du bassin versant y sont mises en place à travers cinq types de contrats qui prévoient déjà le raisonnement de la fertilisation azotée en complément de la fauche retardée. Fin 2000, 529 hectares de prairies sont ainsi gérés de manière extensive et contrôlée.
En 2001, le développement des CTE a permis de faire évoluer les actions de préservation sur le territoire avec la création du contrat collectif du Saulnois « prairies remarquables de la Seille ». Le dispositif tient son efficacité de la qualité des choix de cahiers des charges opérés par les exploitants sur les conseils du PNRL, du CSL, de la CDA57 et de l’ADASEA 57. Ces institutions proposent une visite chez l’exploitant, un diagnostic environnemental et un diagnostic de faisabilité agricole qui permettent de choisir le cahier des charges le plus adapté aux spécificités des parcelles et de la structure de l’exploitant. Une année plus tard, les 23 CTE signés impliquent un raisonnement de la fertilisation azotée sur 397 hectares et un retard de fauche sur 224 hectares. La suspension des CTE en 2003, malgré les résultats très encourageants obtenus, stoppe cependant la seconde vague de contractualisation prévue.
La mise en place du dispositif CAD en 2004 relance timidement le processus de contractualisation en raison de la perte de confiance des exploitants dans les politiques agri-environnementales publiques. L’enjeu de cette nouvelle période réside dans l’implantation de trois types de CAD en complément du CTE collectif : « Prés salés continentaux » et « Prairies mésophiles de fauche à colchique ». Les cahiers des charges sont élaborés difficilement en raison du manque de dynamisme insufflé à la concertation autour des mesures minimales et optimales à envisager pour la fertilisation raisonnée, la limitation du drainage et du surpâturage, le retard de fauche et la date de retrait des bêtes.
Une évaluation des coûts élaborée par le COPIL Natura 2000 permet de comprendre « en partie » le manque d’intérêt des exploitants pour ce nouveau dispositif plutôt contraignant et peu rémunérateur. Pour le CAD « Prairie remarquable » :
– L’application des mesures minimales de fertilisation (trois apports azotés de 30, 15 et 15 kgN/ha/an sous forme minérale ou compost) rapporte une indemnité de 125,77 €/ha/an auxquels s’ajoutent la bonification Natura 2000 de 20%, soit une subvention totale de 150,92 €/ha/an.
– L’application des mesures optimales de fertilisation (aucune fertilisation minérale ou organique) rapporte 192,07 €/ha/an.
L’abandon des CTE au profit des CAD constitue un véritable coup d’arrêt dans le développement des dispositifs agri-environnementaux sur ce territoire. Ainsi, fin 2006, seuls huit contrats CAD sont signés pour seulement 138 hectares supplémentaires de protection.
Toutefois, l’apparition du dispositif MAET va permettre au territoire Natura 2000 de rebondir et de relancer efficacement ses mesures de conservation à l’aide de ses acteurs territoriaux. Dès la première année d’ouverture en 2007, une importante campagne d’information sur le terrain et une promotion de ces nouveaux contrats est mise en oeuvre. 22 exploitants sont convaincus et contractualisent pour cinq ans. Parmi eux, quatre ne sont pas issus des dispositifs CTE ou CAD. 372 hectares sont ainsi couverts par une MAET dès le lancement du programme.
Tableau VII : Types de Mesures Agri-environnementales Territorialisées dans la zone Natura 2000 (source CDA 57)
Les années d’ouverture suivantes témoignent de la bonne dynamique de contractualisation : 16 contrats (5+11 avenants) en 2008 et 16 contrats (3+13 avenants) en 2010. En 2012, 20 contrats du premier PAE sont renouvelés et 11 nouveaux contrats sont signés.
Figure N°19 : Evolution de l’adhésion aux contrats agri-environnementaux dans la zone Natura 2000
La gestion de la pollution azotée d’origine agricole par la contractualisation dans la zone Natura 2000 « Vallée de la Seille » présente des phases représentatives que l’on peut retrouver dans d’autres territoires, y compris sur le bassin versant de la Seille. Les premières mesures de gestion sont souvent initiées relativement tôt par la volonté des acteurs locaux de protéger des sites remarquables à fort patrimoine naturel et/ou historique, parfois vecteurs de l’identité du territoire. Le programme ACNAT, les acquisitions foncières et les zonages de type Natura 2000 constituent, à ce titre, des opportunités intéressantes. Les CTE, premiers contrat agrienvironnementaux mis en place, rencontrent généralement un certain succès en permettant de prolonger la volonté de gestion raisonnée des acteurs locaux dans un cadre plus réglementé et plus intéressant pour les exploitants. Toutefois, l’abandon des CTE au profit des CAD peut susciter l’incompréhension des exploitants vis-à-vis des politiques publiques et entrainer une période de transition pendant laquelle la concertation peut paraitre plus délicate. Il est alors courant d’observer une rupture de la dynamique de contractualisation des années 2003 à 2007.
La relance des contrats, notamment par la mise en place des MAET, nécessite un effort de promotion important de de ces mesures par les gestionnaires du territoire. Cette redynamisation est d’autant plus facile que le territoire est homogène, que les exploitants sont volontaires et confiants, et que la concertation est optimale. On regrettera cependant l’échec de la contractualisation des MAEt en faveur des haies arbustives. Le cas de la zone Natura 2000 de la Vallée de la Seille illustre l’effet de rebond possible après une période de transition et constitue, à ce titre, un exemple de gestion agri-environnementale par la contractualisation.
Impact sur les prairies Natura 2000
En croisant les données de MEURISSE (2001) et de la Chambre d’Agriculture de Moselle, il est possible d’apprécier les différences entre les pratiques de fertilisation sur les prairies Natura 2000 couvertes par des mesures agri-environnementales et les parcelles « libres ». L’enquête de type questionnaire porte sur les pratiques de 31 exploitants des prairies de bord de Seille. Parmi les 146 parcelles enquêtées, 59 sont sous contrat de type MAE ou suivies par le CSL, 87 sont libres de tout contrat.
Tableau VIII : Pratiques de fertilisation sur les prairies MAE et hors-contrat dans la zone Natura 2000
L’étude révèle que la fertilisation azotée présente une valeur médiane de 60 kgN/ha/an sur les parcelles « hors contrat » contre 25 kgN/ha/an pour les prairies MAE, soit une valeur plus de deux fois plus élevée. De manière générale, les pratiques de fertilisation sont raisonnées et correspondent aux objectifs de conservation sur la zone Natura 2000, avec ou sans MAE.
La signature de contrats MAE encourage cependant des pratiques significativement plus raisonnées et se rapprochant de la norme de 30 kgN/ha/an favorable à la préservation des prairies remarquables(1). 29 % des parcelles reçoivent une fertilisation supérieure à 60 kgN/ha/an qui permet une valorisation de l’herbe, mais reste supérieure aux recommandations du CSL.
Le bassin versant de la Seille constitue une entité territoriale particulière sur laquelle l’évolution des dispositifs agri-environnementaux est toutefois représentative de l’évolution des politiques publiques de gestion agri-environnementale nationale et européenne. A l’instar d’autres territoires agricoles français, la dynamique d’adhésion aux dispositifs connait des fluctuations induites par la succession des programmes agri-environnementaux. Cette dynamique peut toutefois être relancée lorsqu’un effort de promotion et de maitrise du dispositif est fourni par les acteurs territoriaux. En ce sens, le zonage Natura 2000 de la Vallée de la Seille témoigne de l’importance de la concertation et de l’adaptation des programmes agri-environnementaux aux spécificités territoriales. Il peut, à ce titre, constituer un exemple à suivre.
Quels sont les impacts de l’évolution des dispositifs agri-environnementaux sur la qualité de l’eau dans le bassin versant de la Seille ?
Le contraste observé entre la gestion en périmètre Natura 2000 et hors périmètre Natura 2000 est-elle source de résultats différents en termes de qualité de l’eau ?
1 Il est à noter que la forme des données extrapolées depuis l’enquête initiale ne permet pas de révéler au mieux l’écart entre la fertilisation sous contrat MAE et la fertilisation « hors contrat ». En effet, rappelons que l’échantillon Parcelles MAE est plus petit que l’échantillon Parcelles Hors-Contrat. En ce sens, transcrire le nombre de parcelles de chaque catégorie de fertilisation en pourcentages « écrase les écarts ». De plus, ne disposant pas des données initiales pour chacune des parcelles, l’amplitude des différentes catégories ne reflète pas forcément la réalité du terrain. Il est fort probable que les 26% de parcelles hors-contrat de la catégorie 30 à 60 kgN/ha/an se rapprochent plus de 60 que de 30 kgN/ha/an, comme en témoigne l’écart de médiane entre les deux séries de données.
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