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§ 2 – Arbitrage et incapacité – le cas du souscripteur incapable

ADIAL

A/ L’encadrement des actes patrimoniaux du souscripteur incapable – mesures générales

La problématique du souscripteur incapable, faut-il le rappeler, ne doit pas se confondre avec
celle de son incompétence : des développements ultérieurs préciseront qu’il existe un
dispositif législatif contraignant pour qu’une information minimum lui soit délivrée sur les
modalités du contrat et la nature des supports sous-jacents, et dans quelle mesure le
souscripteur incompétent peut être tenté de déléguer l’exercice de sa faculté.

Il s’agit ici de déterminer qui exercera le pouvoir d’arbitrage du souscripteur incapable
juridiquement de conclure des actes juridiques. Le Code civil aménage le statut des sujets de
droit juridiquement incapables de « contracter » (article 1124), entendu largement comme le
fait de s’engager (en l’occurrence souscrire un contrat d’assurance vie) et d’effectuer les actes
d’exécution du contrat.
Les actes de disposition et ceux d’administration sont traditionnellement distingués pour
définir quel régime protecteur s’impose, celui des premières étant plus sévère que le second.
Le curateur ou le juge des tutelles devaient intervenir aux premières, respectivement dans le
cas de la curatelle et de la tutelle, sauf mention contraire de l’ordonnance judiciaire.
Il est intéressant de noter que la récente réforme des tutelles, entrée en vigueur le
1er janvier 2009, met en place une période suspecte de deux ans à l’instar de celle des
procédures collectives en droit des sociétés, en vertu de laquelle on pourra solliciter
l’annulation d’un acte effectué par une personne déclarée incapable juridiquement dans les
deux ans qui précèdent la décision de mise sous tutelle (entendue largement). Ces dispositions
pourront être une source de contentieux s’agissant de contrats d’assurance vie, dans les cas où
leur souscription ou les arbitrages qui y auront été effectués auront abouti à une mauvaise
rentabilité en termes patrimoniaux.
Par ailleurs, à titre préventif, il est prévu que les droits patrimoniaux pourront être confiés à
une personne différente de celle qui s’occupera de la vie quotidienne de la personne
handicapée ou incapable, ce qui tend à résoudre notamment la dichotomie entre capacité
juridique et capacités de gestion patrimoniale.

B/ L’arbitrage, acte d’administration ou acte de disposition ?

S’agissant de la capacité d’arbitrer, l’enjeu de la question consiste à déterminer si le
souscripteur, investi du pouvoir d’arbitrer entre les unités de compte, avait la capacité
d’accomplir les actes d’arbitrage ou si les mesures de protection ont été respectées. A défaut,
les actes encourraient la sanction de la nullité pour défaut de capacité.
Un décret du 22 décembre 200889 définit les actes d’administration comme « les actes
d’exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne protégée dénués de risque
anormal » et les actes de disposition « les actes qui engagent le patrimoine de la personne
protégée, pour le présent ou l’avenir, par une modification importante de son contenu, une
dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives
de son titulaire ».
Figurent en annexe à ce décret une liste d’actes regardés comme des actes d’administration ou
de disposition, ou d’autres susceptibles de l’être sauf si le tuteur considère que les
circonstances ne le justifient pas90 – ce qui revient à établir une présomption qu’il lui
appartiendra de combattre par la preuve contraire. Si l’acte d’arbitrage ne figure pas dans cete
liste, procédons par analogie pour déterminer son régime.
Le tableau ci-dessous reproduit de manière parcellaire celui dressé au décret susvisé :
L’étude de ces actes laisse apparaître que l’ouverture de comptes de gestion de patrimoine ou
de gestion de valeurs mobilières et instruments financiers comme la souscription de contrats
d’assurance vie sont considérés comme des actes de disposition, ce qui ressort d’une analyse
plus économique que juridique de ces actes et de ses conséquences sur le patrimoine de la
personne protégée. Le souscripteur se dépossède de la prime. A ce titre figurent également le
rachat du contrat, ce qui peut être analysé comme une forme de résiliation partielle et entraîne
le versement partiel de la prestation d’assurance.
Bien que le tableau ne vise pas les actes d’arbitrage sur les contrats d’assurance vie
multisupports, il convient de procéder par analogie avec le régime des arbitrages dans un
compte d’instruments financiers, qui sont désignés comme de présumés actes de gestion, « à
condition qu’elles soient suivies de leur remplacement » : de même que la souscription de ces
contrats sont tous deux des actes de disposition, sans doute peut-on déduire que l’arbitrage
remplissant le même critère, c’est-à-dire suivi de la désignation de nouvelles unités de compte,
possède les mêmes qualités.
A ce titre, l’arbitrage pourrait être effectué sans le formalisme des actes de disposition.
Comme nous y invite l’arrêté, envisageons toutefois, les cas où la présomption pourrait être
combattue : le tuteur désigné pourrait avoir intérêt a solliciter l’accord de l’autorité de contrôle
(le juge des tutelles) pour certains arbitrages graves, de telle sorte de ne pas voir sa
responsabilité engagée à ce titre, ou pour éviter que les actes ne soient annulés. Le recours au
curateur peut, de même, être nécessaire pour garantir que l’acte aura été effectué en pleine
capacité.

Quelles situations justifieraient que l’on soit en présence d’actes de disposition ? Parmi les
critères que l’on peut envisager, le résultat final des actes d’arbitrage sur la prestation
d’assurance doit bien entendu être écarté, la situation devant être analysée au jour de
l’arbitrage. Parmi les critères de distinction envisageables, et bien qu’à notre connaissance,
aucune décision judiciaire n’ait été prise en ce sens, l’on peut distinguer :
– la valeur importante de la prime au regard du patrimoine du souscripteur (critère
autrement utilisé pour réintégrer le bénéfice à la succession, en vue de protéger la
substance de la réserve héréditaire91)
– le montant arbitré par rapport à la valeur actuelle de la valeur des unités de compte
inscrites au contrat
– le caractère provisoire de l’opération d’arbitrage
– le positionnement sur des supports plus ou moins risqués. Il s’agirait d’actes de
disposition si les choix tendaient à préserver la valeur de la prestation par l’arbitrage
vers des supports plus sécuritaires. L’arbitrage serait, en revanche, qualifié d’acte
d’administration s’il matérialise une perte de valeur de la prestation – emportant la
cession d’actifs décotés par rapport à la date où on les a désignés au contrat. Ce serait
également le cas si l’arbitrage se faisait en désinvestissement de valeurs sécurisées au
bénéfice d’actifs risqués, plus sensibles aux aléas boursiers, a fortiori par le passage
du fonds en euros aux unités de compte.

La lecture a contrario d’un arrêt(92) (étudié plus amplement ci-dessous) laisse déduire que
l’arbitrage entre unités de compte, tel qu’aménagé en l’espèce, ferait partie du pouvoir d’user
du contrat d’assurance vie ou de l’administrer. Dans la mesure où il ne s’agissait pas d’un
problème de capacité, ni d’un principe ayant les faveurs d’une énonciation en chapeau d’arrêt,
il convient d’en mesurer la portée. Cela constitue néanmoins une piste sérieuse
d’appréciation.
En pratique, une solution sécurisante juridiquement consisterait à respecter systématiquement
les conditions formelles des actes de disposition (ce qui nuira à la réactivité nécessaire aux
arbitrages pouvant dépendre des aléas de la bourse) ; une alternative consistant, pour le tuteur,
à demander dans l’ordonnance de désignation du Juge des tutelles une autorisation d’arbitrer
systématiquement selon tels critères qu’il aura décidés d’avance. Cela permettrait d’éviter à
remettre en cause la validité des actes, mais ne dédouanerait pas nécessairement le tuteur de
sa responsabilité.
Après avoir déterminé qui est titulaire de la faculté d’arbitrage et envisagé l’exercice de celleci
en termes de pouvoirs et de capacité, observons qu’en pratique le souscripteur n’est pas
nécessairement celui qui prendra les décisions d’arbitrage, pour en avoir délégué la faculté à
un tiers.

88 J. KULLMANN, Lamy Assurances (sous la direction scientifique de -), ed. Lamy 2010, n° 4136 et s.
89 Décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées
en curatelle ou en tutelle, et pris en application des articles 452, 496 et 502 du code civil, articles 1 et 2
90 « à moins que les circonstances d’espèce ne permettent pas au tuteur de considérer qu’ils répondent aux
critères énoncés »
91 L 132-13
92Arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation, du 12 juillet 2005, n° 1244, pourvoi 04-10.214

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