L’avantage retraite octroyé aux salariés va leur permettre de se constituer une épargne qui viendra compléter la pension servie par les régimes de base (A). Cette épargne supplémentaire bénéficiera d’un traitement fiscal favorable (B).
A/ Anticipation de la perte de revenus au moment de la retraite
L’attente des salariés est la même quelle que soit leur situation : bénéficier d’une rémunération supplémentaire disponible au moment de la retraite et qui viendra compenser en tout ou partie la perte de revenus subie à la fin de la carrière (1). Si l’attente générale est la même, le type de régime mis en place a son importance et sera différemment apprécié selon le profil du salarié (2).
1. Un supplément de rémunération en vue de la retraite
L’attente principale des salariés envers ces dispositifs supplémentaires est la constitution d’une épargne en vue de la retraite. A la différence de l’épargne salariale qui est perçue comme un avantage consommable à court terme (perception immédiate) ou à moyen terme (épargne sur un PEE), l’épargne retraite représente la possibilité de compenser la perte de revenus subie au moment de la cessation d’activité.
Les pensions de retraite des salariés sont constituées de la somme des prestations vieillesse de la Sécurité sociale et des pensions des régimes complémentaires obligatoires. Ces deux niveaux de régime ont en commun de produire un montant de pension en proportion des niveaux de rémunérations successivement perçues ainsi que de la durée de la carrière. En effet, la pension de la Sécurité sociale est calculée sur les 25 « meilleures années » et les régimes en points (Arrco, Agirc, Ircantec,…) constituent des droits sur chacun des salaires perçus tout au long de la carrière. Ces régimes de base ont également en commun d’être financés sur la base d’un taux de cotisation unique. Cela signifie qu’il n’est pas possible, d’une part d’augmenter les taux de cotisations ce qui conduirait à une amélioration des droits, ou d’autre part de réduire les taux de cotisations en vue de laisser plus de place à un financement des retraites par capitalisation. Enfin, dernier trait commun entre les régimes de base : ils fonctionnent tous en répartition. Les cotisations versées par les actifs sont reversés quasi intégralement et immédiatement aux retraités actuels, ce qui nécessite pour les partenaires en charge de leur gestion, d’ajuster les prestations servies aux évolutions des ressources et réciproquement. Ainsi, il découle de ce système par répartition une grande incertitude puisque d’une part, le montant des futures pensions n’est pas établi tant qu’elles ne sont pas liquidées et d’autre part, en raison des règles de fonctionnement qui peuvent être modifiées tant que les pensions n’ont pas été liquidées. Concrètement, les salariés peuvent constater une certaine imprécision des pensions futures résultant des droits « acquis », sentiment qui est renforcé par le contexte démographique. En effet, d’un point de vue économique et actuariel, les régimes par répartition ont des performances directement liées au rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités. Le moteur de ces régimes est donc démographique à la différence des régimes supplémentaires gérés en capitalisation dont le moteur est purement financier. On observe un vieillissement de la population française qui a pour conséquence de déséquilibrer les régimes par répartition. Ainsi, faute d’un financement suffisant, les rendements des régimes de retraite ne peuvent que baisser.
Pour les raisons que nous venons d’évoquer, les régimes collectifs de retraite supplémentaire répondent en partie à cette crainte à laquelle sont confrontés les salariés, de voir baisser considérablement leur niveau de vie au moment de la retraite. Ces dispositifs ne sont pas pour autant des remèdes miracles, car ils comportent eux aussi une part d’incertitude liée notamment à la performance des supports sur lesquelles les sommes sont capitalisées. Cependant, ces régimes sont de plus en plus appréciés par les salariés car ils représentent un complément de retraite efficace pour compenser la faiblesse des régimes par répartition et ils possèdent l’avantage d’être financés en tout ou partie par l’employeur. Ils sont donc un parfait complément à l’épargne retraite individuelle qui se développe avec l’assurance-vie.
Les salariés souhaitent profiter de ces régimes pour améliorer leur retraite de base afin d’amortir la rupture de revenus qui s’opère au moment de la cessation d’activité. Si l’objectif est toujours le même, l’avantage retraite recherché sera différent selon le profil du bénéficiaire et selon le type de régime mis en place.
2. Un avantage retraite différemment apprécié selon le profil du salarié et le régime mis en place
Les régimes de retraite à cotisations définies présentent l’avantage pour les salariés bénéficiaires de constituer des droits à rente qui sont certains et définitivement acquis, même en cas de départ de l’entreprise avant l’âge de la retraite. De plus, les droits acquis sont transférables. S’il change d’entreprise et qu’un régime de retraite de même nature existe dans sa nouvelle entreprise, le salarié peut éventuellement obtenir un transfert de son compte individuel ce qui lui permettra de continuer à épargner avec l’aide de son nouvel employeur.
Les régimes à cotisations définies sont plus bénéfiques pour les salariés jeunes que pour les salariés qui commencent à en bénéficier tardivement. En effet, l’efficacité de l’avantage retraite va être directement liée au montant du capital obtenu à l’issue de la phase d’épargne, montant qui dépendra de la durée de placement. Il est donc aisé de comprendre que les salariés qui bénéficieront du dispositif pendant de nombreuses années pourront accumuler des sommes conséquentes, ce qui n’est pas le cas des salariés âgés.
Enfin, nous pouvons dire que les régimes à cotisations définies répondent mieux aux attentes des salariés les plus imposés car d’une part, ils sont souvent les moins favorisés en terme de niveau relatif des retraites et d’autre part, les avantages fiscaux qui en résultent les intéressent tout particulièrement. A l’inverse, les salariés peu imposés sont moins concernés par les avantages fiscaux et pourraient se sentir pénaliser par le caractère obligatoire de l’adhésion et par la participation au financement du régime, leur contribution venant « amputer » une partie de leur pouvoir d’achat.
S’agissant des régimes de retraite à prestations définies, ils présentent l’avantage pour les bénéficiaires d’être intégralement financer par l’employeur. De plus, ces dispositifs permettent d’atteindre correctement les objectifs fixés en matière de taux de remplacement de la retraite par rapport au revenu professionnel, puisque le niveau de la prestation est lié aux derniers revenus d’activité. Ces régimes sont donc particulièrement attrayants pour certains salariés. Ainsi, les salariés anciens et âgés au moment de la mise en place du régime sont sensibles à l’avantage servi, qui ne dépend pas de la durée de cotisation comme dans les régimes à cotisations définies, mais de l’ancienneté dans l’entreprise. De même, les salariés qui ont connu des interruptions de carrière ou qui sont entrés tardivement dans la vie active bénéficient avec ce système d’un effet « de rattrapage ». Par exemple, les femmes qui ont interrompues leur activité pour élever leurs enfants apprécient particulièrement ce complément de retraite.
Le principal inconvénient pour les salariés est l’aspect conditionnel des droits. Les salariés jeunes notamment ne seront pas sensibles à cet avantage. D’une part, il est peu probable que ceux-ci achèvent leur carrière dans l’entreprise, condition sine qua none pour bénéficier du complément de retraite et d’autre part, en raison de l’incertitude qui entoure la pérennité de l’avantage. En effet, même si le salarié reste dans l’entreprise toute sa carrière, il reste exposé à l’insolvabilité de son employeur ou bien à une fusion qui supprimerait l’avantage mis en place. En résumé, l’incertitude entourant les régimes à prestations définies ne rend pas le dispositif attractif pour les salariés les plus jeunes.
B/ Un environnement fiscal attrayant pour les salariés
Nous distinguerons la fiscalité applicable aux cotisations (1) de celle applicable aux prestations (2).
1. Le régime fiscal des cotisations versées aux régimes de retraite supplémentaire
En principe les cotisations ou primes versées par le salarié aux régimes de retraite supplémentaire (contrats « article 83 » uniquement) conventionnellement obligatoires sont déductibles de son salaire imposable à l’impôt sur le revenu.
A l’exception des sommes versées aux organismes de retraite au-delà des plafonds fixés par les textes, les cotisations versées par l’employeur en exécution d’un contrat de retraite supplémentaire ne sont pas imposables au nom du salarié, à la condition que les clauses de ce contrat stipulent l’affiliation obligatoire de la totalité ou d’une catégorie déterminée de salariés. Autrement dit, les cotisations salariales sont déductibles et les cotisations patronales sont non imposables.
Pour que les principes énoncés viennent à s’appliquer, l’affiliation des salariés doit être obligatoire. Cette condition exclue toute possibilité de déduction des cotisations et primes versées par les intéressés, soit au titre de régimes collectifs à adhésion facultative, soit au titre de contrats individuels souscrits à leur initiative. Parmi les autres conditions à respecter pour que le régime fiscal décrit ci-dessus trouve à s’appliquer, on retrouve l’obligation d’une participation de l’employeur au financement du régime. De plus, les cotisations doivent être fixées à un taux uniforme à l’égard de toutes les personnes appartenant à la catégorie de personnel bénéficiaire du régime. Par ailleurs, le versement de la pension doit prendre la forme d’une rente, stipulée payable au plus tôt à l’âge normal de départ à la retraite, c’est-à-dire à l’âge à partir duquel le salarié peut bénéficier de la pension vieillesse du régime de base. Enfin, dernière condition pour la déductibilité, les contrats ne doivent pas être rachetables(57).
Nous l’avons dit, les cotisations versées par les salariés aux régimes de retraite supplémentaire auxquels ils sont affiliés à titre obligatoire sont déductibles du salaire imposable et les cotisations versées par l’employeur sont non imposables. Cependant, ces avantages fiscaux sont strictement encadrés par le législateur qui impose des plafonds de déduction. En effet, les cotisations versées aux régimes de retraite supplémentaire sont déductibles dans la limite incluant les versements de l’employeur, de 8 % de la rémunération annuelle brute (avec une rémunération maximum égale à 8 plafonds annuels de la Sécurité sociale). Ainsi, les déductions fiscales pour un même salarié ne peuvent excéder en 2011 la somme de 22.625 €. Les sommes excédant ce plafond de déduction, constituent un élément de la rémunération du salarié. Concrètement, la part patronale excédentaire devra être ajoutée à la rémunération brute du salarié et sera donc en conséquence soumise à imposition, tandis que la part salariale des cotisations excédentaires ne sera pas déductible de cette rémunération.
Concernant les régimes à prestations définies, les droits des salariés étant purement virtuels et le financement uniquement à la charge de l’employeur, les cotisations ne peuvent être considérées comme un élément de rémunération. Elles n’entrent donc pas dans l’assiette de l’impôt sur le revenu et n’ont pas non plus à être prises en compte pour déterminer si les limites fixées par l’article 83 du CGI ont été ou non dépassées. Ainsi, leur régime est fiscalement neutre pour le salarié bénéficiaire.
2. Le régime fiscal des prestations
Si les cotisations versées dans le cadre d’un régime « article 83 » sont déductibles du revenu imposable, les prestations de retraite servies au titre du contrat sont assujetties à l’impôt sur le revenu entre les mains de leur bénéficiaire selon le régime général applicable aux pensions. En application de l’article 158-5 du CGI, les prestations bénéficient de l’abattement de 10 % compris entre un seuil plancher par pensionné et un plafond fixé par foyer fiscal. Au niveau social, la rente perçue sera assujettie aux prélèvements sociaux au taux de 8,1 % (CSG, CRDS et prélèvement maladie).
S’agissant des régimes à prestations définies, les cotisations comme nous l’avons vu, sont purement et simplement exclues de la base d’imposition des salariés. Les prestations effectivement perçues sont en revanche imposables en tant que pensions, suivant le même régime que celui des contrats « article 83 ». En revanche, le salarié n’aura pas à supporter de prélèvements sociaux sur les rentes perçues, puisque seul l’employeur est redevable d’une contribution sociale, soit sur les rentes soit sur le financement du régime. Cependant, l’article 10 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2011 a mis en place une nouvelle contribution sur les rentes perçues par les bénéficiaires. Après abattement, ceux-ci devront s’acquitter d’une contribution fixée à 7 % pour les rentes dont la valeur mensuelle est comprise entre 500 et 1000 € et d’une contribution à un taux de 14 % pour celles dont le montant excède 1000 € par mois.
Pour terminer sur le régime fiscal des prestations servies par les régimes collectifs de retraite supplémentaire, il nous parait important de préciser que les rentes sont exonérées d’Impôt Sur la Fortune (ISF) sous réserve que le contrat ait plus de 15 ans à partir de la date de liquidation de la retraite. Ces régimes sont donc particulièrement attractifs pour les gros revenus.
Nous venons d’achever notre première partie consacrée à l’étude des dispositifs d’épargne salariale et d’épargne retraite collective. Quel bilan pouvons-nous tirer de ces deux systèmes d’épargne ?
Tout d’abord évoquons ce qui rapproche les différents régimes. L’épargne salariale et l’épargne retraite constituent toutes les deux des éléments de rémunération supplémentaire offerts aux salariés, et qui concourent au même objectif, à savoir améliorer la politique sociale de l’entreprise. Ensuite, ces dispositifs permettent aux salariés de se constituer une épargne individuelle avec l’aide de leur employeur, le tout dans un cadre fiscal et social avantageux pour chacune des parties.
Maintenant, dressons le bilan de ce qui éloigne l’épargne salariale des régimes de retraite supplémentaire. Selon nous, deux points fondamentaux sont à mettre en avant. En premier lieu, l’horizon de l’avantage octroyé par l’entreprise est totalement différent dans chacun des systèmes. Là où l’épargne salariale offre sur un avantage à court ou moyen terme aux salariés (primes perçues immédiatement ou bien épargnées à moyen terme sur le PEE), l’épargne retraite dispense un avantage à long terme (versement d’une rente au moment de la cessation d’activité). En second lieu, l’accès à ces dispositifs est également très différent. Nous l’avons déjà vu, l’épargne salariale et l’épargne retraite proposent chacune des régimes collectifs. Cependant, l’épargne salariale se distingue par son caractère « universel » et facultatif, alors que l’épargne retraite procède d’une logique « catégorielle » et obligatoire.
Ce constat que nous venons de faire n’est plus tout à fait d’actualité depuis que la réforme des retraites du 21 août 2003 est venue bouleverser le paysage de l’épargne retraite. Dans la première partie de notre travail, nous avons volontairement écarté de notre analyse les nouveaux dispositifs mis en place par le législateur et qui concourent à un rapprochement des deux systèmes. L’objectif avoué du législateur de 2003 est d’inciter les français à épargner en vue de leur retraite, ceci afin de compenser l’essoufflement des régimes de retraite par répartition.
La seconde partie de notre étude sera consacrée à cet élargissement de l’offre retraite à destination des entreprises et de leurs salariés. Nous verrons que pour atteindre l’objectif fixé, le législateur a opéré des rapprochements entre l’épargne salariale et l’épargne retraite.
57 Sauf exceptions : expiration des droits au chômage, invalidité 2ème et 3ème catégorie, etc