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2. LA FAUTE LOURDE : UN PALLIATIF A L’ABSENCE DE FAUTE INTENTIONNELLE ?

La reconnaissance d’une faute lourde du préposé est donc apparue pour certains auteurs comme un palliatif à l’absence de faute intentionnelle : en l’absence de faute intentionnelle susceptible de faire échec d’office à l’immunité du préposé, l’employeur peut se retourner sur le terrain du droit du travail pour engager la responsabilité de son salarié en prouvant la faute lourde de ce dernier lui ayant causé un préjudice personnel.
Cependant, rappelons que la faute lourde a depuis longtemps été définie comme « l’intention de nuire du salarié à l’encontre de son employeur ».
La référence à « l’intention de nuire » peut entraîner certaines confusions, notamment une assimilation erronée de la faute lourde à la faute intentionnelle. Or, et comme l’ont d’ailleurs d’ores et déjà soulevé certains auteurs, la faute intentionnelle susceptible, depuis l’arrêt Cousin, de mettre en échec l’immunité du préposé consacrée par l’arrêt Costedoat, ne doit nullement être confondue avec la faute lourde du salarié, d’autant plus lorsque cette faute intentionnelle est entendue au sens du dol général de l’article 121-3 du Code pénal, à savoir comme « la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou réglementaire ».
Ainsi, sur la base de cette considération, on peut conclure que le préposé peut se rendre coupable d’une faute intentionnelle sans pour autant avoir l’intention de nuire à son commettant. Cela peut notamment être le cas lorsque le salarié agit conformément aux instructions qu’il a reçues de son employeur. Dans cette hypothèse, la faute intentionnelle serait caractérisée et non pas la faute lourde, ce qui ouvrirait donc la voie au recours subrogatoire délictuel du commettant devant les juridictions civiles, à l’encontre de son préposé qui ne bénéficierait alors plus de son immunité.
En revanche, l’inverse n’est pas toujours vrai : la commission d’une faute lourde, autrement dit l’intention de nuire, passera presque toujours par la commission d’une faute intentionnelle ou, plus généralement, de toute infraction pénale faisant obstacle à l’immunité du préposé.
Par conséquent, la mise en jeu du recours contractuel consacré par l’arrêt commenté pour absence de recours subrogatoire délictuel sera rare, ce qui nous amène obligatoirement à nous poser la question de l’intérêt pratique de la consécration d’un tel recours au profit de l’employeur.

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