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§ 2 – La gestion des actifs procèderait de l’essence de l’assurance

ADIAL

A/ L’arbitrage, un acte d’assurance de la compétence exclusive de l’assureur ?

1 – L’assurance, un contrat de confiance fondé sur les qualités de gestion, par l’assureur, de son patrimoine

Le raisonnement impose de prendre du recul par rapport au contrat d’assurance. Partons du
constat que le processus assuranciel se fonde sur la confiance accordée par le souscripteur en
la capacité de l’assureur à garantir sa solvabilité pour couvrir un risque. C’est cet objectif que
vise tout un pan de la réglementation propre aux assureurs (notamment les règles strictes et
récemment remaniées imposées en termes de solvabilité à l’échelle européenne). Il s’agit pour
l’assureur de garantir sa solvabilité à terme, grâce à des règles prudentielles et comptables, de
telle sorte qu’à la survenance du risque couvert (la survie de l’assuré à l’échéance du contrat
ou son décès), il puisse délivrer la prestation promise. La cause du contrat d’assurance
résiderait dans cette confiance exprimée par le souscripteur.
61 Selon la conception de la cause énoncée par Henri CAPITANT, une partie contracterait en raison de
l’exécution, par l’autre, de l’engagement qu’elle contracte en contrepartie.
62 Cour de cassation, 1è chambre civile, 3 juillet 1996, pourvoi 94-14800
Mémoire Institut des Assurances de Lyon 2010
L’arbitrage entre supports dans les contrats d’ assurance en unités de compte – Emilie CHENARD-COLLY Page 34
Si c’est dans le crédit apporté à son choix de supports financiers qu’elle s’exprime, dans sa
faculté à désigner des produits financiers conformes à la législation protectrice des assurés,
dans sa capacité à choisir des actifs gérés par des entités sérieuses, dans sa capacité à utiliser
la prime versée dans l’acquisition et la conservation effectives des supports choisis… En bref,
le souscripteur attend de son assureur qu’il soit un bon gestionnaire de son propre patrimoine,
en vue de délivrer la prestation définie par le contrat.

2 – L’arbitrage, un acte d’assurance relevant des attributions de l’assureur

A suivre ces auteurs, l’arbitrage entre unités de comptes serait donc une attribution de
l’assureur.
La conséquence tirée de ce constat, dans le domaine de l’assurance vie type « épargne », c’est
que l’assureur aurait « plus que le soin, la mission de gérer les actifs »63. Axel DEPONDT
(précité), tire ce constat de la pratique ancienne des contrats d’assurance-vie en euros,
anciennement en francs, assis sur l’actif général de la compagnie. Il affirme en conséquence
que : “Cette mission devrait même être regardée comme de l’essence du contrat d’assurancevie
puisqu’il s’agit de procurer au souscripteur des garanties maximales. »
Le contrat multisupport aurait deux objets, l’assureur ” deux métiers parallèles :
• assureur d’un risque viager, elle dispose d’actuaires pour apprécier le risque de liquidité de
ses placements en fonction de la pyramide des âges de ses souscripteurs assurés ;
• gestionnaire de fonds, elle analyse les opportunités de placements qui s’offrent à elle pour
faire fructifier l’épargne de ses assurés. »
« Le principe est donc que c’est à l’assureur de gérer les actifs et non au souscripteur. »

3 – Le souscripteur exclu de la faculté d’arbitrage

Si l’on assume que l’arbitrage est une faculté d’assurance, le souscripteur ne pourrait en être
investi, ou encore ne le serait que pour avoir réduit contractuellement les attributions de
l’assureur.
Un courant d’opinion rapporte l’avis selon lequel, “[d]ans la mesure où les établissements
d’assurance gèrent dans le même temps le risque couvert et les actifs destinés à répondre de sa
réparation,[…] « ce serait dénaturer gravement la relation contractuelle que de laisser les
assurés gérer leur créance contre la compagnie en procédant eux-mêmes à cette gestion ou
en confiant le soin de le faire à un tiers […] L’attribution d’un mandat à un assuré serait tout
autant discutable au motif que la compagnie est totalement dépossédée de la gestion mais en
assume la responsabilité. »64
Et de préciser ultérieurement : “Prétendre que la nature du contrat d’assurance serait de
laisser le souscripteur gérer les unités de compte serait aller à rebours de tout ce qui fait la
spécificité du contrat d’assurance » et priver de cause le contrat. Il en conclut que l’arbitrage
est du ressort de l’assureur en vertu du contrat, et à défaut, qu’encore en vertu même de ce
contrat d’assurance, il peut être exercé par le souscripteur si l’assureur accepte
contractuellement une restriction de ses pouvoirs.

En somme, ce point de vue se positionne à l’exact opposé de l’analyse purement économique
de l’opération, en vertu de laquelle l’assureur ne serait qu’un véhicule presque transparent de la
liberté d’arbitrage de l’épargnant, réduit à la qualité de dépositaire des fonds et exécutant des
ordres de gestion. A l’inverse, l’assureur serait le détenteur naturel de la faculté d’arbitrer.
Michel LEROY, universitaire, soutient cette analyse en ces termes : “la propriété [des unités
de compte] appartient à l’assureur. Le choix de la répartition entre ses différents supports
appartient en toute logique à leur propriétaire, soit la compagnie d’assurance.”(65)

B/ Une analyse sujette à discussion sur le fondement de la notion de patrimoine : la nécessaire distinction entre gestion des actifs et gestion des unités de compte

Admettre l’analyse énoncée ci-dessus, c’est, à notre avis, faire peu de cas de la distinction
entre unités de comptes et actifs sous-jacents, entre gestion de l’actif et gestion du passif.
La prestation de l’assureur consiste essentiellement – mais pas uniquement – en la qualité de
gestion de son patrimoine, de son actif.
Toutefois, ceci n’implique pas nécessairement qu’il appartienne à l’assureur de procéder à
l’arbitrage entre les unités de compte offertes au contrat. Ce que l’assureur promet de garantir
au souscripteur (il s’engage à une obligation de résultat), c’est la délivrance de la prestation
prévue contractuellement : il garantit l’existence des unités de compte au terme et la
liquidation de la valeur des actifs sous-jacents en vue de la délivrance de la prestation.
Admettre qu’il appartient à l’assureur d’arbitrer entre unités de compte, c’est réduire par
ailleurs à peu de chose l’importance du consentement au contrat, dont le souscripteur trouvera
souvent la cause précisément dans la libre gestion des unités de comptes assortie de la faculté
de rachat. En tout cas, ce n’est pas l’analyse faite de cette opération par la doctrine majoritaire
et la jurisprudence, lesquels l’envisagent comme un acte d’exécution du contrat.
Le choix des unités de compte sur lesquelles est assise la prestation est, dès lors, une
contingence contractuelle et non de l’essence de l’assurance.

63Axel DEPONDT, OMNIDROIT Newsletter N°93, 07 avril .2010, portée en ANNEXE aux présentes
64 N. DUCROS, “Assurance vie/Gestion sous mandat – une pratique non exempte de risques pour les assureurs”,
L’Agefi Actifs N° 423, 04/12/2009
65 M LEROY, “A propos de l’arbitrage”, 25 août 2010 à 11:48, http://www.michel-leroy.fr/2010/08/25/a-proposde-
larbitrage.html?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=a-propos-de-larbitrage

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