Suivant Monsieur BORE , lorsque le juge indemnise une chance, il utilise la combinaison de la loi causale et de la loi aléatoire. En cela, il admet qu’il n’est pas certain que le traitement aurait guéri le patient : « pour accueillir cette conception, il faut cesser de tenir pour indispensable l’élément commun que la théorie de la causalité adéquate et celle de l’équivalence des causes empruntent à une physique trop abstraite, c’est-à-dire cesser d’exiger que l’antécédent du dommage en soit toujours la condition sine qua non pour accéder à la qualification de cause ». Partant, il demande aux experts la probabilité que le patient avait de guérir s’il avait été correctement soigné et apprécie à l’aune de l’expérience dans quelle mesure on peut considérer que l’absence de soins consciencieux, le retard…ont pu contribuer au dommage. Finalement, la moindre de nos actions est motivée par une prévision fondée sur « l’expérience ». Le juge va donc demander aux experts médicaux : « est-il fréquent que telle thérapeutique entraîne la guérison ? ». Si les experts avancent que ce traitement entraîne habituellement la guérison, dans ce cas, le juge est alors en possession d’une certitude raisonnable, suffisante pour lui permettre d’affirmer, par le jeu de présomptions de l’homme, que la privation du traitement a été la cause génératrice du dommage et que la faute commise par le médecin justifie sa responsabilité. Ce raisonnement joue bien entendu dans le sens inverse.
Ce système a pu être critiqué par les mathématiciens. Selon Monsieur PREVOST , la théorie des probabilités n’a aucun sens dans l’estimation de la perte d’une chance, car « c’est une notion posée a posteriori sur la recherche d’un lien de causalité entre deux événements aléatoires, ce qui, sur le plan de la logique, est un non sens ». Effectivement, il est toujours difficile de savoir quel facteur a contribué à la mort. Partant, le juge procède inévitablement à une approximation quand il considère que tel fait dommage a fait perdre une chance de survie ou de guérison.
En réalité, le relâchement causal est encore plus prononcé pour tous les problèmes de consentement dans le cadre d’une perte de chance.
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