Institut numerique

§ 2 – La modification des supports offerts à l’arbitrage

La loi prévoit la possibilité de modifier les supports offerts à l’arbitrage en vertu d’une clause
contractuelle préalable.
Le contrat d’assurance-vie est conçu comme un contrat à long terme, et il suffit pour s’en
convaincre d’observer que la législation fiscale établit à huit ans47 la durée minimum pour
bénéficier de l’exonération de taxation de la plus-value sur la valeur du contrat. Comme nous
l’avons souligné, les unités de compte étant sujettes à l’évolution des marchés, il est possible
qu’elles deviennent au gré du temps de mauvais produits, que les actifs disparaissent ou qu’il
semble opportun d’offrir au contrat des supports supplémentaires.
Si le contrat prévoit que les supports ne soient pas permanents, il doit néanmoins garantir la
diversité des unités de compte.

A/ L’obligation de substituer un support à un autre support disparu – une mesure visant à protéger la faculté d’arbitrage

1 – Le principe de remplacement d’un support disparu

Le contrat doit prévoir les modalités selon lesquelles, en cas de disparition d’une unité de
compte, une autre unité de compte de même nature lui est substituée, par un avenant au
contrat48. La nécessité de prévoir préalablement la faculté, pour l’assureur, de substituer une
unité de compte à une autre, souligne leur importance centrale dans le contrat. C’est en somme
légitime dans la mesure où il s’agit du mode de détermination du “prix” de la prestation. Tout
comme un contrat de vente sans prix au moins déterminable49 encourt la nullité, car le prix est
de l’essence de ce contrat, le contrat d’assurance vie multisupport sans unités de compte
déterminées consisterait à verser une prime contre une prestation indéterminable ou ressortant
du pouvoir léonin de l’assureur.

2 – L’inéligibilité d’un support ne s’assimile pas à sa disparition

La possibilité de restreindre contractuellement la faculté d’arbitrage par la pratique des contrats “à fenêtres”
Disparition ou inéligibilité d’un support, la jurisprudence reconnaît la possibilité de désigner
et maintenir au contrat des unités de compte non pérennes.
La jurisprudence délimite les contours du contrat dont disparaîtrait un support. Un arrêt de la
première chambre civile de la Cour de cassation en date du 9 mars 200450 agrée l’analyse in
concreto de la Cour d’appel de Paris selon laquelle l’inéligibilité de supports d’un contrat
d’assurance vie, prévue au contrat, ne s’assimile pas à la disparition de supports, et n’est donc
pas soumise aux dispositions de l’article R 131-1 du Code des assurances.

Le critère de distinction réside dans le fait que l’inéligibilité de certains actifs dans les contrats
dits « à fenêtre » « restreint seulement les possibilités d’arbitrage du souscripteur vers les
unités de compte devenues indisponibles sans pour autant entraîner le transfert obligatoire
des sommes placées vers d’autres supports, l’assuré pouvant soit maintenir son investissement
dans les supports concernés, soit en sortir, le support demeurant au contrat tant qu’un
arbitrage vers un autre n’avait pas été effectué » : le support n’est pas supprimé
unilatéralement par l’assureur mais il est devenu inéligible par arrivée d’un terme énoncé
contractuellement.
Elle valide les dispositions contractuelles autorisant cette situation en retenant qu’en l’espèce,
« le contrat litigieux ne prévoyait aucunement la permanence des supports éligibles et que le
seul engagement de [l’assureur] était, dans le cas où elle aurait été, pour une raison de force
majeure, dans l’impossibilité d’acquérir les parts ou les actions choisies par le souscripteur,
de leur en substituer d’autres en préservant les intérêts de ce dernier, que les consorts X… ne
pouvaient se méprendre sur la non pérennité des supports éligibles puisque la période de
validité était clairement indiquée sur le tableau des supports ; que les juges du fond ont
encore retenu qu’en l’espèce il n’y a pas disparition d’unités de compte au sens de l’article R.
131-1 du Code des assurances qui impose à l’assureur de prévoir des modalités de
substitution d’unité de compte par une autre en cas de disparition de l’une d’entre elles mais
une simple inéligibilité de certaines d’entre elles à partir d’une certaine date, circonstance
non assimilable en ce qu’elle restreint seulement les possibilités d’arbitrage du souscripteur
vers les unités de compte devenues indisponibles sans pour autant entraîner le transfert
obligatoire des sommes placées vers d’autres supports, l’assuré pouvant soit maintenir son
investissement dans les supports concernés, soit en sortir, le support demeurant au contrat
tant qu’un arbitrage vers un autre n’avait pas été effectué ; que c’est en conséquence à bon
droit, que la cour d’appel […] a estimé que la décision de l’assureur de rendre inéligibles
certains supports n’était pas contraire aux stipulations contractuelles. »
L’inéligibilité de supports intervenant en cours de contrat, et dont la possibilité était
contractuellement prévue, n’impose donc pas à l’assureur de remplacer ces unités de compte,
car elle ne supprime pas la faculté d’arbitrage entre différents supports contrairement à ce que
le pourvoi tentait de le soutenir.
A la lumière de cet arrêt, la jurisprudence a une lecture restrictive de l’article R 131-1 du
Code des assurances qui impose la substitution d’un support disparu à un autre.

3 – La substitution par des unités de compte de même nature : l’exemple des OPCI

L’actualité nous donne un exemple nouveau de réglementation de la substitution de supports :
une récente ordonnance51 a modifié l’article R131-4 du Code des assurances pour encadrer le
cas de substitution d’unités de compte en cas de transformation en organisme de placement
collectif immobilier de la société dont les parts étaient érigées en unités de compte. Elle
indique expressément que les contrats devront l’avoir prévu.
“En cours de contrat, l’assureur peut effectuer pour les contrats l’ayant prévu la substitution
d’une unité de compte visée au 2° de l’article R. 131-1 au profit d’unités de compte de nature
comparable si l’unité de compte initiale ne remplit plus les conditions définies au 2° de
l’article R. 131-3 ou si l’assureur qui en fait la demande y est autorisé par l’Autorité de
contrôle prudentiel52. Les modalités d’application du présent article sont définies par arrêté du
ministre de l’économie et des finances.”
L’ ACP vérifiera alors notamment ” le maintien, dans le document d’information établi par la
nouvelle société mentionné à l’article L. 214-109 du code monétaire et financier, de
l’orientation de gestion que retenait ladite société au regard des critères de destination et de
localisation des actifs immobiliers.”53 Un rapport préalable établi par un expert pour lme
compte de l’assureur devra avoir été présenté à l’ACP pour certifier “la comparabilité des
sociétés, au regard des critères de destination – habitation, bureaux, centres commerciaux – et
de localisation des actifs de celles-ci”54. La jurisprudence ne manquera pas de vérifier le
respect de ces exigences in concreto.
Ces dispositions, pour spécifiques qu’elles soient, indiquent clairement la préoccupation qui
doit présider, chez l’assureur, au choix de nouvelles unités de compte en remplacement d’un
support disparu : la proximité de nature et de modalités de gestion. Elles imposent le principe
de la substitution en garantie de l’effectivité de la faculté d’arbitrage.

B/ Le consentement du souscripteur à la modification

L’assureur est autorisé à retirer à tout moment un support pour protéger l’intérêt du
souscripteur.(55)C’est le contrat qui doit garantir les modalités de modification d’un support au profit d’un
autre. L’on peut s’interroger sur la réelle efficacité d’une telle disposition. L’objectif du
législateur étant d’assurer une latitude raisonnable à l’assureur dans la définition des unités de
compte et surtout une large protection des droits du bénéficiaire, la contractualisation est-elle
une garantie suffisante ?
Il est probable que le souscripteur, en concluant son contrat d’assurance vie, ne prête aucune
attention à cette mention du contrat.
52 La compétence d’autoriser la substitution d’unité de compte immobilière a d’ailleurs été déléguée au
secrétaire général de l’ACP. Décision du 12 avril 2010 portant délégation de compétences du collège de
l’Autorité de contrôle prudentiel au secrétaire général, JORF n°0115 du 20 mai 2010
La jurisprudence, en cas de contentieux, appréciera cette clause comme dans tous les contrats
d’adhésion : elle pourra l’écarter pour inopposabilité, faute de consentement réel sur ses termes
ou faute de rédaction en caractère suffisamment apparents.

C/ Vide juridique relatif au sort des actifs financiers dont la valorisation est suspendue

L’affaire Madoff a fait apparaître une situation inédite s’opposant aux demandes de rachat de
contrats dont une ou plusieurs unités de comptes aura été investie sur les “fonds toxiques”. La
valorisation, suspendue, entraîne l’impossible valorisation du contrat d’assurance-vie. Cet état
de fait est-il révélateur d’un manque de vigilance des assureurs sur les actifs sous-jacents des
unités de compte, souvent des fonds de fonds ? Voila en effet une illustration récente d’un
manquement à l’obligation de sécuriser les supports.
Une solution technique provisoire a été mise en place : “il est désormais possible d’isoler,
avec l’autorisation de l’ AMF, les actifs illiquides au sein de « side pockets ». La création de
ces OPCVM à compartiments est destinée à assurer la gestion des actifs sains, sans pénaliser
les porteurs”56. Au-delà de cette solution d’opportunité, quel régime juridique pour ces
contrats dont l’une des unités de compte est assise sur des valeurs inévaluables sans avoir pour
autant disparu ? Certains contrats récents en envisagent la possibilité, se faisant par avance
autoriser la réalisation différée des rachats dans ces cas de figure.
L’illustration est marquante de l’enjeu crucial du choix des unités de compte offertes à
l’arbitrage au sein du contrat d’assurance vie. Il mesure la responsabilité portée par l’assureur
pour définir les critères sur lesquels seront assises ses garanties.
L’assureur détermine donc et désigne au contrat les actifs sous-jacents, qu’il possède en gage
de sa prestation, en contrepartie du versement de la prime. C’est toutefois le bénéficiaire qui
reste le porteur du risque financier. Dans cette mesure, qui a le pouvoir d’arbitrer entre les
supports ? Pour dégager une solution, il convient de déterminer si l’arbitrage a la qualité d’un
acte d’assurance ou un acte accessoire au processus assuranciel (2).

47 article 125-O A du Code général des impôts
48 Article R131-1 in fine
49 Article 1591 du Code civil
50 pourvoi 01-10147
51 Ordonnance n°2010-76 du 21 janvier 2010 – art. 18 (V)
53 Article L160-11
54 Article A131-4
55 CA Paris 7e ch. 6 février 2001, cité par G. COUTIEU, RCA mai 2003, p. 24
56 Nicolas Ducros, Les fonds toxiques empoisonnent le règlement des opérations de rachat, L’Agefi Actifs
26 juin 2009

Retour au menu : L’ARBITRAGE ENTRE SUPPORTS DANS LES CONTRATS D’ASSURANCE VIE EN UNITES DE COMPTE