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2. Le principe d’équité malmené dans le système de répartition

Depuis l’arrêt du 22 juin 2005 , le maître de l’ouvrage peut exercer contre le constructeur une action subrogatoire totale. En toute logique, le constructeur tenu des troubles de voisinage et poursuivi directement par le voisin, devrait également pouvoir, après indemnisation de la victime, exercer une action subrogatoire totale contre le maître de l’ouvrage. Malheureusement, la reconnaissance de cette action au constructeur n’est pas aussi évidente, car elle conduit à permettre une action sans fin entre le maître de l’ouvrage et le constructeur, chacun poursuivant l’autre pour la totalité de la dette.

Cependant, les juges ne pouvant la refuser purement et simplement au constructeur, ceux-ci ont fait le choix d’une action inégale et déséquilibrée. Alors que le constructeur et le maître d’ouvrage sont tous les deux responsables sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage, le maître de l’ouvrage peut toujours se prévaloir d’un recours intégrale contre le constructeur, là où le constructeur ne peut exercer qu’une action subrogatoire partielle. Une responsabilité solidaire entre le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur ne peut intervenir que lorsque a été caractérisé une immixtion fautive du maître de l’ouvrage ou l’acceptation délibérée des risques par celui-ci.

La responsabilité pour trouble anormal de voisinage est une responsabilité objective, c’est à dire, sans lien avec la notion de faute donc on ne pourrait procéder à un partage en fonction de la gravité des fautes respectives. Mais alors sur quelle base opérer ce partage? Selon M. MALINVAUD tout doit dépendre de la nature des dommages causés par la construction. Ainsi, concernant les troubles liés à la seule présence de l’immeuble nouvellement construit, on imagine assez mal que le constructeur puisse être condamné à l’égard du voisin pour troubles anormaux de voisinage. Il semble cependant que la jurisprudence favorise le maître de l’ouvrage en la matière. Cela semble se justifier du fait
qu’ en l’absence de toute faute de la part du maître de l’ouvrage, la Cour de cassation impute exclusivement la charge du trouble aux constructeurs du fait de son « professionnalisme ».

Pour éviter ce déséquilibre de recours entre chacun, peut-être serait-il opportun soit de mettre un terme à la technique de la subrogation en ce domaine comme dans le domaine des recours entre constructeurs, soit de la limiter à l’un ou à l’autre des protagonistes. M. MALINVAUD préconise d’écarter la subrogation, comme c’est le cas dans les rapports des constructeurs entre eux, et de statuer sur le fondement de la faute.

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