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2) Le procès dans ses grandes lignes

a) Les enjeux

Il s’est ouvert devant le TGI de Paris le 12 février 2007, et les débats se sont clos après
quatre mois d’audience le 13 juin 2007.
Les enjeux sont colossaux au regard du droit maritime. C’est également une des premières
très grande application de la convention de 1992.
Le régime de responsabilité objective mis en place par la convention sur la responsabilité
civile de 1992 permet une indemnisation rapide, sans qu’il y ait lieu de se constituer partie
civile et d’attendre un procès au pénal dont l’issue reste incertaine.
Cependant, bon nombre de victimes se sont constituées partie civile, puisque les demandes
d’indemnisation atteignent un total de plus d’un milliard d’euros.
Quinze prévenus ont été cités ; Dans ses réquisitions, le Ministère Public en a exonéré huit,
les quatre membres des secours, un directeur juridique de Total, deux intermédiaires de
l’affrètement et un responsable de la société de classification RINA.
Mais le Ministère Public a ensuite requis un an de prison et 75 000 euros d’amende à
l’encontre de Giuseppe Savarese, l’armateur du navire( cela très logiquement en vertu de la
convention de 1992) et 375 000 euros d’amende contre la société de classification RINA
pour avoir délivré des certificats de complaisance à l’Erika.
La société rejette la faute sur le capitaine du navire Karun Mathur qui aurait pris de
mauvaises décisions en pleine tempête ; Le Ministère Public a également requis contre ce
dernier une amende de 10 000 euros.
Il y a donc un nombre important de responsables potentiels aux yeux de la justice française
et bien que ces dernières mesures soient surprenantes aux yeux de la convention de 1992,
s’est la sanction de l’affréteur qui fera couler de l’encre (sans mauvais jeu de mots), car
elle entraînera le procès en appel.
En effet, le Ministère Public a requis contre Total l’amende pénale maximale de 375 000
euros, ainsi que 192 M° d’euros de dommages et intérêts au civil (porté à plus de 200 M°
lors du procès en appel, et ce au titre de sa faute d’imprudence dans sa procédure de
contrôle et de sélection des navires).
S’est là le point central du procès.
Total invoque un vice caché du navire à l’appui de sa défense (bien qu’il soit étrange de
parler de « vice caché » sur un navire de vingt-cinq ans d’âge et sévèrement corrodé).
S’il faut retenir un élément dans ce procès, s’est la mise en jeu de la responsabilité des
parties autres que l’armateur, et notamment celle de l’affréteur TOTAL.

b) Le procès en appel du 30 mars 2010

Le procès en appel aura lieu le 30/03/2010 devant la Cour d’appel de PARIS.
L’arrêt aura des répercussions importantes sur la protection de l’environnement ainsi que
sur l’organisation du transport maritime.
La cour va notamment revoir à la hausse le montant des dommages et intérêts alloués
notamment au titre du préjudice écologique pur dont elle consacre officiellement la
reconnaissance judiciaire.
TOTAL reprochait au jugement du 16 janvier 2008 de ne pas respecter les principes mis en
place par les conventions MARPOL et CLC(convention de 1992).
Mais la condamnation de TOTAL se fera sur la base de la loi Française du 5 juillet 1983 (
A. L218-10 du code de l’environnement) . Il est évident que la question de la compatibilité
de cette loi avec les convention s’est posée.
Comme le précise Karine Le Couviour dans sa chronique de la semaine juridique, en date
du 19 avril 2010, le texte fixe en droit Français le montant des peines réprimant le délit de
pollution dont le principe est établi par la convention MARPOL . En effet, cette dernière
met en oeuvre des mesures de préventions de la pollution par hydrocarbures, tout en laissant
le soin aux Etats, au titre de leur droit souverain, d’édicter des sanctions.
La cour s’est donc employée à rechercher si la loi Française était conforme à la convention,
étant entendu qu’en vertu de l’article 55 de la constitution Française les traités
régulièrement ratifiés doivent avoir dés leur publication une autorité supérieur à celle des
lois.
Et, tandis que les poursuites autorisées par la convention ( notamment la convention
MARPOL et la convention de 1992) ne visent que les propriétaires, ce qui revient à limiter
pénalement la responsabilité aux armateurs de navires, la loi Française permet d’élargir
sensiblement ce cercle restreint.
Aussi, tandis que la faute simple permet l’incrimination en droit Français, la convention
subordonne celle-ci à une faute intentionnelle ou inexcusable.
La question était donc de savoir si une loi interne peut prévoir des dispositions plus
sévères qu’une convention internationale.
C’est bien en ce sens que se prononce la cour, soulignant que l’on ne trouve ni dans la
convention , ni dans les règles générales du droit international de dispositions propres à
limiter la souveraineté des Etats dans la défense de leurs intérêts les plus légitimes. Il est
également précisé que la sévérité de la loi Française « s’accorde parfaitement avec
l’article 4 de la convention MARPOL », laquelle invite les parties à édicter des sanctions
rigoureuses.

Ce jugement est un signal fort : même une entreprise qui externalise le transport pétrolier
est responsable de la sécurité de l’acheminement.
Ainsi est très clairement remis en doute le principe de la canalisation de la responsabilité
sur le propriétaire du navire (pourtant seul soumis à une obligation d’assurance).
Cela aura très certainement comme conséquence première l’ouverture de nouveaux
marchés pour les assureurs (car il y a un nouveau besoin de couverture de la responsabilité
civile pollution des affréteurs).
Cependant, la cour exonèrera Total du versement des dommages et intérêts restants dus (il
faut y voir la protection que lui confère les conventions) .
Total qui a déjà conclu une transaction avec 38 parties civiles et versé 170 millions d’euros
après le premier procès ne paiera qu’une participation aux frais de justice. Les sommes
restantes seront donc réparties entre les trois acteurs jugés responsables, le propriétaire, le
gestionnaire et la société de classification RINA. Ce jugement a été mal reçu par les trois
parties qui ont promis de porter l’affaire en cassation.
Malgré cela, et comme le souligne Fabrice ROUSSELOT dans un article de Libération en
date du 17 janvier 2008, il faut souhaiter que « ce jugement exemplaire contraigne enfin
les acteurs du transport maritime à faire montre d’efforts et de transparence pour prévenir
ce genre de catastrophes ». Car, « l’ERIKA, battant pavillon maltais, contrôlé par des
intérêts libériens gérés par des italiens, affrété par une société panaméenne, avec un
capitaine indien, est devenu bien malgré lui le symbole d’un secteur qui a fait de l’opacité
l’une de ses règles de conduite ».
En conclusion on peut souligner que les états ne sont pas bloqués par les dispositions de la
convention de 1992, et donc qu’aucuns intervenants n’est exonéré de sa responsabilité.
Aussi, en vertu des décisions européennes sur la sécurité maritime, plus connues sous le
nom de « paquet ERIKA », les conditions de transport vont dans les années futures
connaître une amélioration progressive.

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