Certaines assureurs acceptent de prendre en charge une partie des frais de prévention
que l’assuré est contractuellement obligé de mettre en oeuvre afin d’éviter ou de limiter un
sinistre(300). Tout comme les deux garanties citées précédemment elle n’est souscrite qu’à titre
optionnel, mais elle est beaucoup plus rare que ces dernières.
Même si elle a toujours pour but ultime de prévenir la survenance d’un sinistre ou d’en
limiter l’aggravation ou la propagation, la prévention peut se faire par divers moyens. La plus
commune est celle qui consiste à prendre des mesures matérielles. Cela peut se traduire par un
contrôle renforcé de la fabrication ou du conditionnement des produits, ou encore la mise en
place d’une traçabilité efficace du produit. Il est malgré tout important de noter qu’une simple
prévention matérielle, même si elle est indispensable, n’est pas toujours suffisante. Dans le
domaine de l’assurance responsabilité après livraison, les conventions signées par l’entreprise
avec ses clients ou ses fournisseurs peuvent également avoir une grande importance lors d’un
sinistre. La difficulté est d’autant plus grande si l’entreprise est volumineuse. En effet, plus la
société est grande, plus il y a de commerciaux, et moins il y a de contrôle des contrats signés
par ces derniers au nom et pour le compte de l’entreprise. Or, si tous les commerciaux
acceptent des contrats comportant des clauses exorbitantes de droit commun, en défaveur de
l’entreprise, cela peut lui porter préjudice. Elle pourrait, par exemple, être reconnue
responsable alors que si le contrat s’en était tenu au droit commun, elle ne l’aurait pas été. Si
un client ayant fait signé ce type de contrat à l’assuré, subis un dommage, ce dernier sera donc
aggravé du fait de cette clause.
Ces frais ne sont cependant pris en charge que dès lors qu’ils ont pour objectif de
diminuer ou d’éviter un sinistre. Si l’entreprise engage de telles dépenses simplement dans le
but d’avoir un meilleur chiffre d’affaires, l’assureur ne pourra pas les couvrir.
L’engagement de ces frais peut avoir diverses origines. Les polices couvrant ce type
de frais prennent le plus souvent en charge trois d’entre elles. Ainsi, la garantie est
normalement étendue au remboursement des frais résultant, d’une injonction ou d’une
décision d’une autorité judiciaire ou administrative, de l’initiative de l’assuré en cas d’urgence
ou encore après accord de l’assureur. L’assureur prendra donc en charge des frais engagés à la
seule initiative de l’assuré. Cependant, cela paraît normal puisque dans des situations
d’urgence, l’assuré ne peut pas toujours prévenir son assureur à temps, notamment si ce
dernier n’est pas disponible. Lorsque l’assuré constate un sinistre et la potentialité de
survenance de sinistres de même nature, il semble logique qu’il puisse prendre les mesures
nécessaires afin d’éviter la création d’une série de sinistres, sans attendre l’accord de son
assureur. Dans des cas moins imminents, assureur et assuré bénéficieront du temps nécessaire
pour trouver, d’un commun accord, les mesures à mettre en oeuvre afin d’éviter un sinistre ou
d’en diminuer les conséquences.
Les frais ne sont généralement pas énumérés, mais encore une fois, s’agissant le plus
souvent de contrats « tous risques sauf », les frais de prévention qui ne sont pas exclus seront
couverts dans le cadre de l’objet de cette option. Les exclusions prévues dans cette option
doivent donc être très précises.
Gras Savoye(301) par exemple prévoit dans son intercalaire, la possibilité de souscrire
cette garantie. Cependant, cette dernière est très large. En effet, une partie des exclusions
prévues fait référence à d’autres garanties optionnelles, évitant ainsi les garanties cumulatives.
Il s’agit de l’exclusion des « frais engagés par les assurés en vue de retrait de produits ayant
causé ou susceptibles de causer un sinistre »(302) et de l’exclusion des « frais de dépose et
repose engagés par les assurés »(303). Les « frais de réparation ou de remise en état de produits
ayant causé ou susceptible de causer un sinistre » sont également exclus mais cela est normal
puisque ces frais relèvent du risque d’entreprise(304).
Même si l’assureur prend en charge tous les frais engagés par l’assuré au titre de la
prévention d’un sinistre, l’avantage de cette clause n’est valable que si ces frais ont réellement
été déboursés par l’assuré. Cette remarque peut paraître futile mais elle est indispensable. En
effet, si l’assuré n’a pas mis en oeuvre les mesures nécessaires à la prévention du sinistre et
ainsi déboursé les frais y afférents, il sera soumis à la déchéance. Ainsi, dès lors si un sinistre
survient du fait de l’inobservation de l’assuré dans les mesures de prévention, qui ont été
mises à sa charge par la police d’assurance, ce sinistre ne sera pas couvert. Or, en vertu de
l’article R.124-1 du Code des assurances(305), « la déchéance pour manquement postérieur à la
survenance du dommage est inopposable au tiers lésé »(306). L’assuré sera donc tenu les
indemniser sur son patrimoine personnel puisqu’il ne sera pas couvert par son assurance.
Etant remboursé par l’assureur, l’entreprise aura donc tout intérêt à engager tous les frais
nécessaires pour prévenir d’éventuels sinistres.
Cette option offerte à l’assuré dans certaines police est ainsi avantageuse autant pour
l’une que pour l’autre des parties au contrat d’assurance. En effet, même s’il est vrai que
l’assuré devra certainement débourser une surprime, il sera en contrepartie couvert pour des
frais, pouvant être très élevés, qu’il est obligé de mettre en oeuvre s’il ne veut pas subir une
déchéance de garantie. De même, l’assureur, même s’il devra payer une certaine somme au
titre de ces frais, il diminuera d’autant les débours qu’il aurait dû verser au titre du sinistre
évité ou minimisé. En effet, grâce à ces mesures de prévention il pourra notamment éviter la
réalisation de sinistres sériels puisque dès la constatation d’un premier sinistre, et connaissant
son erreur, l’assuré devra tout mettre en oeuvre pour éviter que surviennent d’autres
dommages résultant de mêmes circonstances ou de circonstances semblables. Les sommes
ainsi déboursés pour prévenir ce sinistre seront certainement moins onéreuses que celles qu’il
aurait du verser aux diverses victimes au titre d’un sinistre sériel(307).
Les trois garanties étudiées ci-dessus ne sont que des exemples des diverses solutions
offertes à l’assuré pour minimiser l’impact du risque d’entreprise sur son chiffre d’affaires. Ce
sont néanmoins les trois meilleures garanties complémentaires, celles qui lui offrent une
meilleure couverture. En effet, chacune d’elles lui permettra d’engager des frais afin de
limiter la possibilité d’évolution d’un dommage, la propagation de celui-ci ou même d’éviter
sa réalisation. Le risque qu’un sinistre non couvert se produise est donc diminué d’autant. Et
cela ne coûte rien à l’assuré qui se voit rembourser par son assureur, l’intégralité, ou presque,
des sommes versées. Cela doit être nuancé car il est vrai qu’il devra payer une surprime.
Cependant, en faisant « la balance des pours et des contres », il est tout à son avantage de
souscrire de telles garanties. Encore faut-il que l’assureur lui en laisse la possibilité. Mais, là
encore, l’assureur aura également intérêt à le faire puisque cela diminuera d’autant ses
débours.
Les dommages subis par le produit lui-même et plus généralement le risque
d’entreprise est un domaine assez flou de l’assurance des professionnels. C’est sans doute
cette méconnaissance du risque qui pousse les assureurs à refuser systématiquement la
garantie de ce dernier. Mais la question est de savoir si l’avenir n’est pas finalement à la
garantie de ces dommages subis par le produit. Le pas a déjà été franchi dans de nombreuses
assurances notamment dans le domaine de la construction. Pourquoi n’en serait-il pas de
même pour l’intégralité des industries ? Le risque n’est pas si grand que cela et l’assuré n’est
pas toujours à l’origine des dommages que son produit peut subir. De même, l’assureur est
largement protégé par les diverses limitations temporelles (durée de la garantie), et matérielles
(franchises et plafonds) prévues dans la police. Les diverses garanties présentées ci-dessus
permettant de limiter l’importance de cette exclusion peuvent ainsi être interprétées comme la
marquant le début d’une couverture de ces dommages subis par le produit.
300 Pour les frais de prévention voir supra §2 p.62
301 Intercalaire Gras Savoye, Conventions Spéciales Assurance Responsabilité Civile Générale, 25 mai 2011,
(Annexe n°2).
302 Pour les frais de retrait voir supra Section 1 p.65
303 Pour les frais de dépose et de repose voir supra §1 p.75
304 Pour le risque d’entreprise voir supra Section 1 p.52
305 Article R.124-1 du Code des assurances : « Les polices d’assurance garantissant des risques de responsabilité
civile doivent prévoir qu’en ce qui concerne cette garantie aucune déchéance motivée par un manquement de
l’assuré à ses obligations commis postérieurement au sinistre ne sera opposable aux personnes lésées ou à leurs
ayants droit. »
306 CHAUMET F., Assurance de responsabilité de l’entreprise, 5ème édition, l’Argus de l’assurance, 2008
307 Pour les sinistres sériels voir supra §3 p.47
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