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§ 2 – Les garanties proposées par les assureurs

ADIAL

Il faut bien préciser que si le risque de faute inexcusable est désormais assurable, il n’y a
pas d’obligation légale d’assurance. Il est toutefois évident que tout entrepreneur a intérêt à
s’assurer face à une faute inexcusable beaucoup plus aisée à faire reconnaître et des
sommes allouées de plus en plus conséquentes. Cette mesure a pour avantage une prise en
charge directe du dossier de remboursement du capital représentatif de la majoration de
rente versée à la victime ou à ses ayants droit par les compagnies d’assurances. Le recours
à l’assurance relativise le poids de la sanction et peut éviter, lorsque les sommes sont très
importantes, la fermeture de l’établissement.

Les assureurs ont été, comme les employeurs, très concernés par l’évolution
jurisprudentielle et l’introduction de l’obligation de sécurité de résultat. Après l’affaire de
l’amiante, les assureurs s’attendaient à un accroissement des recours, ce qui n’a pas
manqué de se produire, et ont commencé à réfléchir au fonctionnement de la garantie du
risque de faute inexcusable suite à ce revirement. C’est ainsi qu’en mars 2002, J-P. Thierry,
PDG de la compagnie AGF-Allianz, déclarait que cette nouvelle jurisprudence devait inciter
les assureurs à « isoler le risque de faute inexcusable et à le tarifer en conséquence ». De
son côté, la FFSA lançait un appel aux pouvoirs publics, considérant que la législation de
1898 était devenue obsolète et qu’une réforme législative était désormais incontournable.

Lorsque la garantie est proposée, il s’agit en général, d’une garantie annexe ou
complémentaire à une police RC (A) mais les conditions de garantie sont libres et négociées
(B).

A- Le cadre de la garantie

Les conséquences de la faute inexcusable peuvent être garanties dans le cadre de la police
Responsabilité Civile Générale ou par contrat séparé.

Désormais licite, quoique non obligatoire, la garantie « faute inexcusable » est souvent
apportée dans le cadre du contrat d’assurance couvrant la responsabilité civile générale de
l’entreprise. Mais tous les contrats d’assurance ne comportent pas cette garantie et ceux qui
la prévoient délivrent en général une garantie calquée sur les dispositions des articles L.452-
1 à L.452-4 du code de la sécurité sociale.

Sont généralement garantis :

– l’assistance juridique et la défense devant les juridictions pénales, les TASS et les
juridictions supérieures (cours d’appel, Cour de cassation)

– la majoration des rentes

– la prise en charge des préjudices extrapatrimoniaux limitativement énumérés aux
articles L452-3 du code de la sécurité sociale
En revanche, ne sont pas couverts :

– les amendes et autres sanctions pénales

– la majoration du taux de cotisation AT/MP versée à la Carsat ainsi que la
cotisation « spéciale » ou « supplémentaire » au fonds de prévention des accidents
du travail

– les poursuites pénales pour infraction à la législation du travail non consécutives à un
accident du travail

– la faute intentionnelle de l’employeur ou de ses représentants légaux ou statutaires
La clause garantissant les conséquences pécuniaires de la faute inexcusable peut être
rédigée de la manière suivante :

« Les garanties du présent contrat s’appliquent aux conséquences pécuniaires de la
responsabilité pouvant incomber à l’assuré du fait des articles L452-1 à L 452-4 du Code de
la sécurité sociale concernant la faute inexcusable, que celle-ci ait été commise par
l’employeur lui-même ou par ceux qu’il s’est substitués dans la direction de son entreprise ou
de l’établissement en cause. L’assuré est également couvert contre les conséquences
pécuniaires de l’action récursoire dirigée contre lui lorsque la faute inexcusable a été
commise à l’occasion d’un emprunt de main d’oeuvre, d’un travail en commun ou de l’emploi
de salariés fournis par une entreprise de travail temporaire.

L’assureur s’engage, en outre, à assumer la défense de l’assuré en cas de réclamations
amiables ou d’actions en justice fondées sur les articles L 452-1 à L 45264 du Code de la
sécurité sociale dirigées contre lui en vue de rechercher sa faute inexcusable ou celle de
personnes qu’il s’est substituées dans la direction de son entreprise ou de l’établissement en
cause. »(122)

La garantie « faute inexcusable » est donc souvent insérée dans les contrats Responsabilité
Civile Exploitation mais elle peut parfois faire l’objet de contrats d’assurances dédiés.
Après les procès liés à l’amiante, certains assureurs ont craint une recrudescence des
recours. Ils ont décidé d’exclure le risque des contrats RC générale et de les garantir par un
contrat séparé. Ces contrats sont organisés sous forme de pertes pécuniaires subies par
l’employeur. Il s’agit donc d’une assurance de dommages.

C’est dans ce contexte que l’on peut trouver l’exclusion de la faute inexcusable de
l’employeur dans les contrats Responsabilité Civile générale. Toutefois, cette exclusion doit
être limitée aux seuls recours régis par les articles L.452-1 à L.452-4 du code de la sécurité
sociale. En effet, les recours sur le fondements de l’article L.452-5 du code de la sécurité
sociale, concernant la faute intentionnelle commise par un préposé de l’assuré, doivent être
couverts dans le contrat RC générale, ainsi que les recours des salariés ne bénéficiant pas
du régime des accidents du travail et maladies professionnelles (stagiaires, bénévoles…)
Pour les assureurs ne garantissant pas ce risque par contrat séparé, il n’y a pas d’exclusion
spécifique des recours en faute inexcusable. En revanche, sera toujours exclue la cotisation
supplémentaire due par l’employeur prévue par l’article L.452-4 du CSS qui correspond à
une sanction financière.

Ces contrats dédiés ont pu être choisis afin d’éviter les incertitudes quant à l’étendue
temporelle de la garantie de la faute inexcusable. C’est pourquoi on peut parler de
« disqualification », certains assureurs décidant de sortir cette assurance du cadre de la
Responsabilité Civile générale en l’assimilant à une assurance « pertes pécuniaires ».

Sur le marché, on la trouve également sous le terme de garantie «finmap» (garantie des
pertes financières en cas de maladie et d’accident professionnel), l’idée n’étant pas de
couvrir la dette de responsabilité de l’employeur, mais la perte financière subie par
l’employeur à la suite de la reconnaissance de sa faute inexcusable. Il s’agit donc d’un
remboursement à l’employeur et donc d’une garantie des frais et pertes et par là, d’une
assurance de choses. Cela permet d’échapper aux règles de la loi de sécurité financière
régissant l’étendue de la garantie dans le temps au regard des seuls contrats d’assurance de
responsabilité. De cette façon, le choix entre base réclamation et base fait dommageable,
entraînant garantie subséquente et reprise du passé, ne se posait pas.(123)

Néanmoins, en cas de contentieux, il n’est pas sûr qu’une telle qualification soit reconnue
par les juges, car elle apparaît artificielle dans la mesure où le but est bien de couvrir la
responsabilité civile de l’employeur. Ces contrats s’exposent à un risque de requalification en
assurance RC par les tribunaux.

Qu’elle soit accordée au sein d’un contrat RC exploitation ou par contrat séparé, l’étendue, le
montant ou les franchises de cette garantie peuvent varier d’un assureur à l’autre.

B- Les modalités de la garantie

Les modalités de la garantie concernent les exclusions et conditions de garantie ensuite les
montants de garantie alloués par les assureurs.

1) Conditions et exclusions de garantie

Pour ce qui est des exclusions de garantie, une exclusion est systématique, c’est celle de la
cotisation supplémentaire due par l’employeur en application du Code de la sécurité sociale.

De la sorte, l’extension de garantie de la faute inexcusable ne couvre pas les cotisations
supplémentaires prévues à l’article L.242-7 du Code de la sécurité sociale. Ce texte prévoit
que : « La caisse régionale peut accorder des ristournes ou imposer des cotisations
supplémentaires (…) pour tenir compte selon le cas, soit des mesures de prévention ou de
soins prises par l’employeur, soit des risques exceptionnels présentés par l’exploitation,
révélés notamment par une infraction constatée en application de l’article L 8113-10 du Code
du travail ou résultant d’une inobservation des mesures de prévention (…). »

Lorsque l’entreprise a été sanctionnée et ne s’est, par la suite, pas conformée aux
prescriptions de mise en conformité, l’accident qui ne sera plus considéré comme relevant
d’un « aléa » ne sera pas assuré.

Dans ces cas, le taux de cotisation AT/MP payé par l’employeur est majoré en fonction des
résultats de l’entreprise. La garantie de la faute inexcusable dans les polices Responsabilité
Civile générale n’a pas vocation à couvrir cette majoration. Toutefois, il existe sur le marché
un contrat spécifiquement destiné à garantir le remboursement de cette différence de taux
mais il est distribué de manière marginale.

Une autre exclusion quasi universelle est celle des conséquences dommageables des effets
de l’amiante. Les assureurs font preuve, depuis quelques années, de grandes
appréhensions par rapport aux risques liés à ce matériau.

Ce risque n’est en effet, plus couvert, mis à part quelques rares assureurs. Le problème se
pose d’autant plus que les réassureurs ont également réagi, certains refusant de prendre en
charge les affaires concernant l’amiante. Ce risque est donc non assuré mais peut même
être considéré comme inassurable. Si l’on considère que le fait de travailler en contact avec
cette fibre pendant plusieurs années ne laisse guère de doute quant au développement
d’une maladie, qui de surcroît se déclare des dizaines d’années après l’exposition aux
poussières, on peut aisément concevoir que les assureurs refusent ce risque tant l’aléa
semble réduit.

L’utilisation massive de l’amiante date des trente glorieuses à une époque où le progrès
scientifique, technologique et économique passait avant les effets nocifs sur la santé au
travail. Sa nocivité est reconnue depuis le début du XXème siècle et son caractère
cancérigène, suspecté depuis les années 30, a été révélé depuis 1960. Ce sont les maladies
graves essentiellement professionnelles qui en découlent qui rendent ce risque inacceptable
pour beaucoup d’assureurs aujourd’hui. Il est en effet, très difficile de mesurer l’ampleur
économique de ses conséquences.

Si l’amiante était déjà perçue comme un risque aggravé, les arrêts de 2002 vont mener à
une crispation du marché en la matière puisqu’ils vont augmenter la fréquence des sinistres
dont la gravité était déjà avérée depuis longtemps. C’est à cette époque que les dommages
liés à l’amiante ont donc été quasi systématiquement exclus des contrats RC exploitation,
censés couvrir ce risque. Le risque d’amiante présente donc aujourd’hui toutes les
caractéristiques d’un risque quasi-inassurable.

Les professionnels qui exercent une activité directement liée à l’amiante éprouvent
aujourd’hui des difficultés pour obtenir des garanties. Il existe un cas particulier, celui des
diagnostiqueurs qui sont soumis à une obligation d’assurance. Celle-ci peut s’obtenir soit par
extension à un contrat de maîtrise d’oeuvre préexistant, soit sous la forme d’un contrat
spécifique couvrant plusieurs diagnostics techniques immobiliers. Mais dans l’ensemble,
tous les métiers liés à l’amiante se sont heurtés à un durcissement des politiques de
souscription des assureurs. Il faut bien noter que même les assureurs spécialisés dans
l’assurance construction et donc premiers partenaires des professionnels du BTP excluent
ce risque de leurs polices. C’est bien que l’amiante par ses conséquences dommageables
qui sont inévitables et très onéreuses s’avère aujourd’hui un risque dont l’aléa semble absent
et par là inassurable.

L’exclusion peut être rédigée de la sorte : « Nous ne garantissons pas : les maladies
professionnelles relatives à une affection directement ou indirectement due ou liée à
l’amiante ou à tout matériau contenant de l’amiante visées aux articles L. 462-2, R.461-3
ainsi qu’aux tableaux 30 et 30 bis annexe III du Code de la sécurité sociale. »

2) Les montants de garantie

En termes de montant de garantie, il ne s’agit bien évidemment jamais de garanties « faute
inexcusable » délivrées en illimité. La mise en place de garanties illimitées sur la ligne de
garantie « Responsabilité Civile » n’est ni envisageable, aucun assureur ni aucun
réassureur, n’a les possibilités techniques et financières de proposer une telle garantie, ni
souhaitable, le prix en adéquation avec ce type de garantie la rendrait inabordable.

Le montant de la garantie « faute inexcusable » peut être un montant autonome ou une
sous-limitation du poste « Tous dommages confondus » ou « Dommages Corporels » en
Responsabilité Civile exploitation. Selon les polices et les compagnies, le montant assuré est
établi « par sinistre », ce qui est assez rare ou « par année d’assurance » qui, dans ce
dernier cas, s’épuise au fur et à mesure de la survenance des sinistres d’autant qu’un même
accident peut entraîner plusieurs victimes. Il est également fréquent de rencontrer un
montant « faute inexcusable » « par sinistre et par année d’assurance ».

En fait les assureurs ont souvent sous limité les capitaux couverts pour cette garantie, et la
jurisprudence de février 2002, qui est venue durcir considérablement la responsabilité de
l’employeur, les a encouragés dans ce sens. Devant l’ampleur des indemnisations
potentielles qui se faisaient jour, les assureurs ont réduit leur exposition sur ce poste en sous
limitant fortement la garantie des Dommages Corporels dans le cas de la faute inexcusable.

Les garanties peuvent être fixées “par victime” (exemple : 1.000.000 € par victime), ou au
contraire à concurrence d’un montant global comportant des sous limitations “par victime”, ce
qui est moins performant (exemple : 2.000.000 € par sinistre avec un maximum de 300.000 €
par victime).

Certains assureurs prévoient un plafond de garantie applicable pour un cas de faute
inexcusable par année et ce montant est augmenté si plusieurs cas surviennent pendant la
même année d’assurance.

Dans tous les cas, le montant de garantie doit être adapté en fonction du nombre de
salariés, de la dangerosité de l’activité et de la statistique AT/MP si celle-ci est connue.

D’autre part, des problèmes en termes de plein de garantie peuvent surgir dans les cas de
cumul de limitations à la fois en RC exploitation et en RC à l’égard des préposés dans le
cadre de laquelle est gérée la faute inexcusable. Ces problématiques ont pu être révélées en
présence de graves sinistres comme ceux des explosions dans les centres ville de Bondy et
Lyon. En effet, en présence de victimes décédées ou gravement blessées, peuvent s’ajouter
des cas de fautes inexcusables alléguées par des préposés et les différentes sous limitations
pour les dommages corporels envers les tiers et à l’égard des préposés en cas de faute
inexcusable peuvent s’avérer dépassés en raison de montants colossaux d’indemnités
versées aux victimes et leurs ayants droits.

Après ces sinistres, le marché s’est demandé comment couvrir ce risque de « graves » et a
été amené à réexaminer les garanties sur les dommages corporels en général face à cette
hypothèse de montants de garantie problématiques en cas de cumul des limitations dans le
cadre de la RC envers les tiers et de la faute inexcusable.

Les contrats les plus vieux (de plus de 10 ans) offrent souvent des garanties très courtes, il
est conseillé pour les assurés, d’évaluer leur exposition et la bonne adéquation des
garanties, qui plus est lorsque l’entreprise évolue dans un milieu « à risques » pour les
employés (transport, chimie, BTP…). En tout état de cause, avant la décision du Conseil
constitutionnel que nous étudierons en seconde partie, il était considéré qu’un niveau de
garantie inférieur à 200 000 € par victime pouvait apparaître léger au vu de ce qui précède.

Quant à la franchise, elle peut être nulle (ce qui est habituel pour les Dommages Corporels)
ou “forfaitaire par sinistre” (par exemple 1.500 € par sinistre) ou encore “forfaitaire par
victime” (par exemple 1.500 € par victime).

121 RGDA 2009, n°2, page 585, note sous l’arrêt du 19 mars 2009
122 Lamy Assurances, édition 2011, page 742
123 « Les incertitudes des contrats pertes pécuniaires », La tribune de l’assurance, Droit & Technique,
n°81, juillet-août 2004

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