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§2) Les règles d’abondement et la fiscalité des produits : des enjeux pour le développement futur de l’épargne retraite

ADIAL

S’agissant des dispositifs d’épargne salariale, les versements complémentaires de l’employeur concourent à l’attractivité du dispositif. Plusieurs pistes sont à travailler pour adapter l’abondement à l’objectif retraite voulu par le législateur (A).

Au niveau des règles fiscales, il existe encore beaucoup d’incohérences entre celles applicables au Perco et celles qui régissent les régimes de retraite supplémentaire. La rigueur budgétaire consécutive à la crise économique qui sévit depuis 2008, n’autorise plus de nouveaux allègements sociaux et fiscaux. Dans les années à venir, l’enjeu sera de construire une fiscalité plus en phase avec la durée d’épargne (B).

A/ Le renforcement des règles d’abondement

Sur la base des paramètres actuels du régime par répartition, les jeunes actifs vont supporter la plus forte baisse de taux de remplacement. Les inciter à s’engager le plus tôt possible dans une démarche d’épargne de long terme est donc un enjeu majeur. Dans le même sens, les faibles revenus devront être encouragés. Pour réaliser cet objectif, l’abondement « d’amorçage » créé en 2008 pourrait être réexploité (1).

Une autre proposition pour favoriser l’épargne retraite, serait de lier le montant de l’abondement à la durée d’épargne (2).

1. La réexploitation de l’abondement « d’amorçage »

Depuis 2008, l’entreprise si elle le souhaite, peut mettre en place un mécanisme original pour favoriser l’adhésion au Perco, et susciter chez ses salariés l’intérêt pour ce dispositif. Si le règlement du Perco le prévoit, les entreprises peuvent effectuer un versement initial dans ce plan, même en l’absence de contribution préalable du salarié. Ce versement initial doit bénéficier à l’ensemble des adhérents et ne peut excéder 1 % du PSS, soit 353 € annuel.

D’après les premiers retours, ce versement initial d’amorçage n’a pas rencontré le succès escompté. Quelles sont les solutions pour relancer ce concept ?
Dans un communiqué publié en 2010, l’association française de la gestion financière (AFG), propose le versement par l’Etat d’un abondement directement sur le plan d’épargne retraite (Perco ou contrat à cotisations définies) des jeunes salariés, de manière à amorcer la démarche d’épargne à long terme. Cet abondement pourrait être baptisé selon l’AFG : « prime pour la retraite des jeunes ». L’association détaille sa proposition, ajoutant que l’abondement ne dépasserait pas 300 € par an. L’AFG émet également l’idée d’un abondement d’Etat qui ferait suite aux versements des jeunes salariés et qui serait proportionnel à ceux-ci, toujours dans la limite de 300 €.

Michel le Boëdec, dans une interview paru dans la revue « L’argus de l’Assurance » le 22 octobre 2010, milite quant à lui pour la création d’une prime incitant les faibles revenus à se constituer une épargne retraite. Le président de l’association française professionnelle pour l’épargne retraite, développe son idée en insistant sur le fait qu’il est très compliqué de demander à une personne qui gagne le Smic de mettre ne serait-ce que 30 € par mois pour se constituer une épargne en prévision de sa retraite. La prime pour l’épargne retraite que Monsieur le Boëdec propose de mettre en place s’inspire de la prime « Riester » en vigueur en Allemagne. En 2001, le gouvernement du Chancelier Gerhard Schroeder a créé une subvention de 154 € par an pour le souscripteur d’un contrat individuel d’épargne retraite et 185 € supplémentaire par enfant. La seule condition pour bénéficier de la subvention est de verser au moins 4 % de son salaire brut annuel sur le plan d’épargne retraite. Monsieur le Boëdec souhaiterait qu’en dessous d’un certain niveau de revenus, l’Etat français abonde l’argent placé de manière individuelle sur un support d’épargne retraite, quel qu’il soit.

Nous pourrions également imaginer rendre l’abondement initial obligatoire pour toutes les entreprises proposant un Perco. Cependant, il faut être très prudent avec ce genre de mesure contraignante, car elle risquerait d’avoir un effet dissuasif pour les entreprises qui envisageraient d’ouvrir un Perco.

Ces idées sont intéressantes, mais elles ne règlent pas le problème du financement de ces mesures. Avec la crise, la situation financière des Etats en général, et de la France en particulier, ne permet pas pour l’heure, de mettre en place ce genre d’incitation.

Une autre idée concernant l’abondement, serait de contraindre l’entreprise de moduler ses versements complémentaires selon le plan utilisé par le salarié pour accueillir son argent.

2. Des versements complémentaires proportionnels à la durée d’épargne

Nous l’avons souligné précédemment, le Perco et le PEE ont un régime fiscal identique. La seule différence notable entre les deux dispositifs réside dans les plafonds de versements complémentaires. Pour bénéficier des exonérations fiscales et sociales, les versements complémentaires de l’employeur ne doivent pas excéder 8 % du PASS sur le PEE et 16 % du PASS sur le Perco. Les enveloppes fiscales du Perco et du PEE sont distinctes, c’est-à-dire que les plafonds se cumulent. Cependant, la fraction d’abondement sur le Perco qui serait comprise entre 8 % et 16 % du PASS, serait soumise à une contribution de 8,2 % ce qui restreint l’avantage social concédé.

Ce plafond de 16 % du PASS doit théoriquement inciter les entreprises à effectuer des versements complémentaires plus importants sur le Perco. Hors, nous constatons qu’en pratique, les abondements des employeurs sur ce plan restent minoritaires par rapport aux versements des salariés.
Pour ne pas figer le plafond des versements complémentaires, le législateur avait eu la bonne idée en 2006 de ne plus exprimer cette limite en valeur absolue, mais de l’indexer sur le plafond de la sécurité sociale. Cette mesure visant à faire progresser le plafond d’années en années devait permettre aux entreprises de pouvoir verser de plus en plus chaque année. Le problème, c’est que très peu d’entreprises pratiquent des abondements qui atteignent le plafond fixé (5.656 € en 2011).

De ce constat, il faut s’interroger sur les mesures qui pourraient être prises pour stimuler les versements complémentaires sur le Perco. En premier lieu, nous pourrions supprimer la contribution de 8,2 % qui s’applique sur la fraction d’abondement dépassant 8% du PASS et qui constitue un frein pour l’entreprise.
Ensuite, il faut réfléchir à la mise en place d’une règle contraignant l’employeur à majorer son abondement sur le Perco par rapport à celui effectué sur le PEE. Pour ne pas décourager l’entreprise qui souhaite soutenir ses salariés dans leur effort d’épargne, nous pourrions imaginer une ventilation des avantages sociaux selon le plan abondé. Les exonérations seraient complètes pour un abondement au Perco alors qu’elles ne seraient que partielles pour un abondement sur le PEE.

Il serait également possible d’obliger les entreprises qui pratiquent l’abondement de prévoir des versements complémentaires plus élevés sur le Perco que sur le PEE, sans prévoir d’incitation particulière. Si par exemple, une société abonde les sommes déposées sur le PEE à 100%, il pourrait être opportun de l’obliger à abonder à 200 % ou 300 % les montants épargnés par l’employé sur le Perco. Il faut néanmoins rester prudent avec ce type de solution radicale et ne pas « sacrifier » l’épargne courte au profit de l’épargne retraite, chacune ayant son rôle à jouer.

D’autres pistes pourraient être envisagées pour améliorer l’alimentation des dispositifs de retraite supplémentaire. Nous pourrions par exemple permettre l’abondement des contrats à cotisations définies ou du Pere, des sommes issues de la participation et de l’intéressement, en particulier dans l’hypothèse où l’entreprise n’a pas mis en place de Perco.

L’abondement des plans d’épargne retraite est l’un des axes d’amélioration possibles des régimes existants. En complément des mesures attendues pour favoriser l’approvisionnement des plans, les spécialistes de l’épargne retraite appellent également à des changements en matière de fiscalité.

B/ Une refonte indispensable de la fiscalité des produits d’épargne retraite

Malgré un contexte économique difficile et un pouvoir d’achat en baisse, le niveau du taux d’épargne des français est stable. Le taux d’épargne brute des ménages n’a pas varié depuis une quinzaine d’années. Il était en 2008 de 15,1%, un taux comparable à celui de nos voisins européens. Nous pouvons déduire de ce constat, que les mesures visant à développer l’épargne longue ne peuvent raisonnablement s’appuyer sur une augmentation significative du taux d’épargne. Dès lors, l’objectif est de modifier la structure de cette épargne en faveur de l’épargne retraite. Pour ce faire, la fiscalité doit inciter les français à privilégier les produits d’épargne longue ainsi que la détention d’actions (1).

Les dispositifs d’épargne retraite proposent tous une sortie en rente viagère et seul le Perco propose une alternative à la rente viagère, avec une possibilité de sortie en capital. La fiscalité de la rente viagère, moins avantageuse que celle du capital doit être modifiée (2).

1. La mise en place d’une fiscalité plus cohérente avec la durée d’épargne

L’un des enjeux majeurs pour favoriser l’épargne retraite, est de moduler la fiscalité de façon à favoriser l’épargne longue, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Dans un article paru le 19 novembre 2010 dans la revue « l’Argus de l’Assurance », Paul-Henri de la Porte du Theil, président de l’AFG préconise d’appliquer une fiscalité inversement proportionnelle à la durée de détention du produit. Il propose par exemple, de moduler le forfait social selon la durée de blocage de l’épargne. Le forfait social qui s’élève à 6 % lors du déblocage du Perco au moment de la retraite, pourrait être fixé à 8 % lors du déblocage au bout de cinq ans, de l’intéressement et/ou de la participation. Dans la même veine, nous pourrions le porter à 10 % si le salarié décide de toucher immédiatement sa participation, comme la loi l’y autorise depuis 2009.

L’idée véhiculée par le président de l’AFG est de mieux répartir la fiscalité en fonction de la durée d’épargne. Cela pourrait être une solution intéressante car elle n’induirait aucune dépense supplémentaire pour l’Etat. Il suffirait simplement de réorienter les avantages sociaux et fiscaux vers les produits retraite au détriment de l’épargne à court terme. Le développement de l’épargne retraite passe par une différenciation en termes d’avantages fiscaux entre un produit comme le Perco et un produit comme le PEE, sans quoi les salariés ne privilégieront jamais les supports à long terme.

De manière plus générale, la fiscalité doit permettre de renforcer massivement la détention d’actifs dynamiques (actions ou produits investis en actions) dans le cadre de placement à horizon long. En effet, on constate trop souvent que les épargnants privilégient les placements sécurisés et utilisent des produits d’épargne liquide (livrets A, Codevi…) comme support d’épargne à long terme. Pourtant, l’allongement des durées de placement permet d’augmenter la part relative des actifs à plus fort potentiel de performance, notamment des actions d’entreprises.

Si les transferts d’épargne vers des supports moins flexibles et à détention plus longue sont limités actuellement, c’est en partie parce que la fiscalité des produis d’épargne favorise les véhicules liquides et sans risques comme les livrets et n’incite pas à l’exposition des actifs au rendement et au risque plus élevés. Il ne s’agit pas de suggérer ici une nouvelle règle fiscale pour tel ou tel placement. La multiplication de règles fiscales pour l’épargne n’est pas une solution, car elle rend moins lisible un message simple : l’incitation fiscale doit être proportionnelle à la durée de détention des produits et au risque pris par l’épargnant. Jusqu’à présent, on peut en effet estimer que nombre de placements longs supportent une double contrainte : ils ne sont pas aussi flexibles ou aussi sécurisés que les livrets réglementés et ils n’en ont pas non plus les avantages fiscaux. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que les ménages placent une part aussi importante de leur épargne dans des supports moins dynamiques.

Par ailleurs, il est important que la fiscalité prenne en considération la durée totale de l’épargne, tant la période d’accumulation que celle des versements possibles, notamment en rente. La taxation relative des rentes viagères et des versements en capital est un point crucial de toute mesure concernant la modification de la fiscalité de l’épargne.

2. Un rééquilibrage nécessaire de la fiscalité des rentes viagères par rapport à celle du capital

La fiscalité des dispositifs d’épargne retraite soulèvent plusieurs problèmes.

Tout d’abord, il existe des incohérences entre les différents régimes. A titre d’exemple, le Pere et le Perco, tous deux issus de la réforme de 2003, sont des produits de retraite complémentaire dont les sorties en rente viagère ne sont pas soumises aux mêmes régimes de prélèvements. En effet, la rente issue d’un Pere (c’est aussi valable pour les contrats à cotisations définies « classique ») est considérée comme acquise à titre gratuit et soumise à l’impôt sur le revenu après abattement de 10%. En revanche, la rente viagère issue d’un Perco est considérée comme acquise à titre onéreux et soumise à l’impôt sur le revenu après un abattement (de 30 % à 70 %) dépendant de l’âge de son bénéficiaire.

Il est difficilement compréhensible que le Perco et les contrats à cotisations définies possèdent des régimes fiscaux aussi différents. Avec ce système le Perco est beaucoup plus avantageux, ce qui n’est pas cohérent avec la volonté affichée du législateur, de faire cohabiter les deux dispositifs.

D’un côté nous avons le Pere et depuis 2010, l’ensemble des contrats à cotisations définies, qui n’autorisent qu’une sortie en rente viagère, taxée selon le régime des pensions acquises à titre onéreux, c’est-à-dire après abattement de 10 % (plafonné à 3.660 € par foyer fiscal). De l’autre côté, nous retrouvons le Perco qui offre le choix entre une sortie en capital exonéré d’impôt sur le revenu (le capital du Perco ne supporte que les prélèvements sociaux sur les plus-values) et une sortie en rente viagère soumise à l’impôt sur le revenu mais après un abattement qui peut atteindre jusqu’à 70%. Certes, les versements facultatifs versés sur un régime à cotisations définies, bénéficient de déductions fiscales, ce qui n’est pas le cas des versements volontaires sur le Perco, non issus de l’intéressement ou de la participation. Cependant, nous pouvons quand même nous interroger sur la différence entre ces régimes, le Perco semblant aujourd’hui nettement plus avantageux que les contrats « article 83 ».

Dès lors, il faudrait s’interroger sur une remise à plat des règles fiscales, de manière à obtenir un ensemble plus cohérent. Comme le rappelle Patrice Bonin, vice président de la commission plénière des assurances de personnes à la Fédération Française des Sociétés d’Assurance (FFSA), il faut inciter à la sortie en rente, qui est « le salaire du retraité », alors qu’aujourd’hui le système favorise plutôt une sortie en capital.

Avant de conclure ce paragraphe, nous ne pouvions pas faire l’économie d’un bref développement sur les récentes mesures impactant la fiscalité des contrats « article 39 ». La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2011 a instaurée une nouvelle taxe pouvant aller jusqu’à 14 % sur les retraites « chapeau », qui pour la première fois met à contribution les retraités. Si on additionne cette nouvelle taxe avec la CSG/CRDS et la cotisation maladie, le retraité devra supporter sur cette rente « chapeau » pas moins de 22 % de prélèvements obligatoires, avant même l’impôt sur le revenu. Cette taxe supplémentaire sur les retraites chapeau ne semble pas forcément justifiée dans la mesure où la rente moyenne de ces dispositifs est estimée à 323 € par mois. Les régimes « article 39 » ne profitent pas qu’aux grands dirigeants et constituent souvent l’unique moyen pour les salariés n’ayant pas eu une carrière linéaire de combler une très forte baisse de niveau de vie au moment de la retraite. Les régimes à prestations définies jouent donc un rôle à part dans le paysage de l’épargne retraite à la différence des contras à cotisations définies et du Perco qui participent à une logique similaire. Si les pouvoirs publics décident de « sacrifier » la retraite chapeau, ce qui serait préjudiciable, il serait alors astucieux de relever les plafonds de versements du Perco de manière à ce que les hauts revenus qui ont besoin de cotiser fortement pour se préparer un complément de retraite, puissent épargner plus tout en bénéficiant d’avantages fiscaux.

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