En présence d’un mandat d’arbitrage comme en cas de gestion directe des arbitrages par le
porteur, l’assureur doit s’acquitter de l’ensemble de ses obligations.
A/ Obligation de résultat pour l’exécution des instructions
L’assureur, en offrant la faculté d’arbitrer au contrat, se porte responsable vis-à-vis du
souscripteur, de l’efficacité de l’instruction d’arbitrage, et en écho, de sa transmission et de son
exécution par les teneurs de titres et opérateurs de marchés (au titre de l’obligation de détenir
en portefeuille les valeurs sur lesquelles sont assises les unités de compte).
Qu’importent les moyens à mettre en oeuvre pour atteindre l’objectif poursuivi, il est tenu de
désinvestir efficacement les unités de compte désignées et de réallouer les sommes ainsi
libérées sur les autres unités de compte choisies par le souscripteur, tout en vérifiant la juste
valorisation des frais imputés au contrat à cette occasion.
– Désinvestir, comme positionner les sommes sur de nouvelles unités de compte, consiste en
pratique en un jeu d’écritures, et non la délivrance de la chose promise, puisque la prestation
n’est versée qu’au dénouement ou à l’occasion de rachats. Cela consiste pour l’assureur en une
obligation de résultat (au sens de l’article 1147 du Code civil), faute de place pour l’aléa dans
cet engagement. Selon la doctrine classique, la compagnie ne s’en libèrera donc pas par la
preuve de l’absence de faute mais seulement de l’existence :
– d’une cause étrangère revêtant les caractéristiques de la force majeure, donc un
événement imprévisible à la conclusion du contrat et irrésistible à l’occasion de sa
survenance187, extérieur à la volonté de l’assureur (bien que les chambres de la Cour de
cassation se divisent sur la validité de ce dernier critère, et ne les aient pas validés s’agissant
de l’arbitrage.) – Quoi qu’il en soit, une telle cause d’exonération semble difficile à imaginer en
pratique : l’assureur devra s’être doté des moyens techniques nécessaires à l’enregistrement au
contrat des unités de compte désignées ; Par ailleurs, une autre cause d’exonération
envisageable serait :
– du fait du souscripteur (créancier de l’engagement de l’assureur), soit qu’il l’exonère
partiellement, soit totalement selon qu’il revête les caractères de la force majeure – là encore
hypothèse difficile à envisager concrètement. (Tout au plus peut-on imaginer l’hypothèse
d’ordres contradictoires émis concomitamment par des co-souscripteurs.)
Posséder les actifs sous-jacents, en revanche, relève d’une obligation d’origine légale et ne
peut à ce titre qu’être interprété que comme une obligation de résultat sans dérogation
possible.
Quid toutefois des limitations contractuelles à l’obligation d’exécuter les instructions
d’arbitrage ? Les contrats prévoient souvent des clauses qui limitent les facultés d’arbitrage
dans certaines situations défavorables à l’assureur. Citons-en deux, à titre d’exemple,
contenues dans des clauses d’arbitrage :
“Il est rappelé qu’en application des dispositions contractuelles (Conditions générales
valant note d’information, avec encadré, pour les contrats individuels, ou Notice avec
encadrés pour les contrats collectifs), des avenants ou modifications ultérieurs du
contrat, [la compagnie] peut refuser ou suspendre les demandes d’arbitrage sortant du
fonds en euros en fonction de l’évolution des marchés, dès lors qu’au moment de la
demande, le dernier Taux Moyen des Emprunts d’Etat publié est supérieur au taux de
rendement net servi l’année précédente au titre du fonds en euros.”
Ou encore :
“Les demandes d’arbitrage sortant du fonds en euros vers les unités de compte ne sont
pas autorisées pour les adhésions faisant l’objet d’une mise en garantie. […]”
Dans ce cas de conflit d’intérêt, le client ayant accepté les conditions par avance semble
toutefois avoir, par conséquent, renoncé à tout recours à ce sujet sur le fondement contractuel.
Ne peut-on pas considérer toutefois qu’il renonce ainsi à l’exécution, par le mandataire, de
l’une de ses obligations essentielles ? Ceci qui nous semble exclu dès lors que la clause est
limitative en cas de suspension des exécutions d’instructions, mais probablement pas en cas de
refus d’exécution pur et simple. Il est probable que les juridictions les invalideraient.
B/ La valorisation des sommes désinvesties et réinvesties
Valoriser justement les sommes en jeu constitue en réalité la première étape de l’exécution de
l’arbitrage : il s’agit de définir sur quelle somme portera exactement l’arbitrage, la
“contrevaleur en devises des unités de compte” au sens de l’article A 131-1188, diminuée des
frais. Cela peut relever d’une simple formalité comptable dans la mesure où le contrat en
prévoit strictement les modalités de calcul, en précisant les dates de valeur et la facturation
exacte des frais.
Le souscripteur peut néanmoins subir un préjudice en raison d’un retard dans l’exécution, ce
qui soulève le problème des dates de valeur et de la date d’exécution. Il convient de distinguer
le « délai pour prendre date dans l’évaluation, […] de celui relatif au paiement proprement
dit »189. L’article R 132-4 prévoit la détermination conventionnelle de la date de conversion
des primes (celle de leur allocation ou réallocation à l’occasion de l’arbitrage) et les dates
périodiques d’évaluation. A défaut, il est à gager que l’assureur sera tenu d’exécuter à la valeur
de la date de réception de l’instruction d’arbitrage : c’est la date à laquelle le consentement du
souscripteur à tel arbitrage est exprimé et où il lie l’assureur.(190)
186 N. DUCROS, “Assurance vie/Gestion sous mandat – une pratique non exempte de risques pour les
assureurs”, L’Agefi Actifs N° 423, 04/12/2009
187 CCass. Ass. Plen, 14 avril 2006
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