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2) L’USAGE SCOLAIRE

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« J’utilise les nouvelles technologies pour trouver des définitions ou pour approfondir mes cours. J’ai accès à des explications différentes […] »

Là encore, partons de l’enquête. Cette phrase d’une élève est très révélatrice du comportement des élèves interrogés qui, déclarent trouver très utiles les ressources à leur disposition sur Internet. Par ailleurs, ils sont nombreux à recourir aux diverses bibliothèques en ligne pour trouver des références dont ils ont besoin. Ils voient en Internet un apport complémentaire à ce que l’enseignant a pu dire en classe. A ce sujet, Christine Dioni(16), dans une recherche publiée en 2008, recense 3 types d’utilisation d’Internet par les élèves :

– Une source d’information pour un devoir à faire
– Une aide à la compréhension
– Un moyen de satisfaire sa propre curiosité

En effet, cette typologie mise en place par C. Dioni semble assez fidèle à la réalité de ce que nous vivons dans nos établissements lorsque nous constatons que les élèves souhaitent venir très régulièrement au CDI afin de pouvoir effectuer des recherches. Cependant, c’est ici que doit rentrer en jeu ce que j’appelle l’esprit critique ou ce que d’autres nomment la posture de recherche(17). Comparons pour s’en convaincre deux sources d’information : l’encyclopédie papier et Internet. Prenons un exemple : une recherche historique sur Hitler.

D’abord la recherche encyclopédique : vous compulsez un article biographique sur l’homme et pouvez ensuite consulter divers articles se rapportant à ses idées (nazisme, Shoah, solution finale, camps…). Reste ensuite à trier ce qui vous intéresse afin de constituer le travail demandé.

Maintenant, la recherche Internet : j’ai tapé le nom Hitler dans un moteur de recherche bien connu : en moins d’une seconde, j’ai obtenu 40 500 000 réponses !

A ce sujet, je reviens à ce que m’a dit un responsable de l’Enseignement Catholique :

« […] il y avait un chercheur philosophe qui disait quelque chose d’assez intéressant, il disait que lui, quand il cherchait quelque chose sur Google, il trouvait beaucoup plus vite que ses doctorants qui étaient beaucoup plus jeunes que lui. […] Cela se traduit… que, quand un jeune cherche sur Google « phénoménologie du langage », il va taper « phénoménologie du langage », sauf que le chercheur philosophe dont je parlais va rajouter derrière,… des noms d’auteurs… qui vont faire qu’au lieu d’avoir 1 million de réponses, il va en avoir que 20 parce qu’il va mettre tellement de mots clés qu’on va arriver exactement là où il veut et il va avoir sa réponse avant le jeune qui lui, aura tapé juste les mots qu’il faut […]. »

Ce chercheur-philosophe met l’accent sur un problème bien réel qui est celui de la manière dont les élèves effectuent leurs recherches.

Là aussi, il faut faire le tri… Outre les biographies (plus ou moins fantaisistes), les rumeurs sur sa mort et celle de sa compagne, j’ai pu avoir accès à des sites néonazis sans aucun mal… Est-il normal que des sites tels que ceux-ci existent ? Est-il normal que leur accès soit public ? Est-il normal que des enfants puissent parvenir jusqu’à eux ? Le sujet est ailleurs, mais les faits sont là : ces sites sont à la portée de n’importe qui. En admettant que les jeunes aient fait le tri et n’aient pas visité les sites incriminés, ont-ils pour autant dégager des faits justes et des informations historiquement avérées ? Rien n’est moins sûr. En effet, il existe sur Internet des sites que l’on appelle Encyclopédie Communautaire ou Encyclopédie libre (Wikipédia) dont le principe est que chacun peut contribuer à améliorer tel ou tel article en modifiant, qui une phrase, qui un paragraphe quitte à vider le contenu de sa substantifique moelle. Je ne force pas le trait, pour avoir expérimenté la chose. Je ne nie pas l’apport incontestable de ces sites en termes de vulgarisation, néanmoins, et au travers de ce que j’ai pu entendre des élèves, il semblerait que ces derniers soient davantage vigilants sur la véracité de ce qu’ils trouvent sur Internet et qu’ils vérifient les informations à plusieurs endroits.

Combien de fois à la question « Où avez-vous trouvé cela ? », les élèves ont-ils répondu « Sur Internet » ? Pratiquement à chaque fois. C’est bien là qu’est le problème. De la même manière que lorsque j’étais élève nous disions (pour ne pas dire je disais) que si la calculatrice avait donné ce résultat, cela ne pouvait être que juste, les élèves d’aujourd’hui voient en Internet le summum de la connaissance.

« Imaginez mettre un ordi avec Google et dire aux enfants, c’est bon ils ont un outil de recherche. Il faut pas rêver : l’outil ne vous dit absolument pas par ou entamer la falaise. »

Ce responsable de l’Enseignement Catholique résume la problématique dont nous parlons ici. Il s’agit bien d’être des guides pour les élèves : tout notre travail est donc maintenant de montrer (je reviendrai plus tard sur le rôle que doivent jouer les adultes) qu’Internet n’est pas la seule référence et que les dictionnaires ont encore des choses à leur apprendre, et que, comme pour les dictionnaires, il existe une méthode de recherche. Pour les élèves, il semble plus rapide de taper un mot sur Internet que d’ouvrir un livre et que la culture du zapping permanent dans lequel ils évoluent les incite à procéder de cette manière. Christine Dioni, en 2005, évoque ce sujet de la manière suivante :

« Avec les TIC, des adolescents peuvent se débarrasser rapidement de la partie de leur travail scolaire jugée secondaire et trouver ainsi du temps pour des activités plus ludiques dans un zapping permanent derrière l’écran. »

Par ces exemples, j’ai souhaité montrer que faire une recherche sur Internet est un acte facile à réaliser ; pour autant, en tirer le meilleur parti présuppose de comprendre un contexte, une situation mais aussi qu’il reste un outil supplémentaire dans le processus de recherche, et non une fin en soi. A ce sujet, je reprends les mots de Philippe Merieu(18) :

« […] Les découvertes imprévues elles-mêmes, en d’improbables ricochets ne sont assimilables qu’au regard de ce que l’on maîtrise déjà […] »

Dans la même veine, Philippe Merieu déclare :

« Internet ne sert qu’à trouver ce que l’on connaît. Hier, j’ai retrouvé l’auteur d’une citation. Je me demandais qui l’avait rédigée, mais je l’avais mémorisée. Je cherchais une précision sur quelque chose que j’avais déjà en mémoire. Internet est un outil de recherche complémentaire. »(19)

D’un mot, je reviens sur le troisième axe de la typologie de C. Dioni, à savoir, Internet comme un moyen de satisfaire sa propre curiosité. En effet, Internet a le grand mérite de fonctionner par ricochets ; j’entends par là qu’une découverte en appelle une autre et ce n’est pas parce que l’on tombe sur l’objet de nos recherches que nous y accèderons directement sans passer par d’autres références qui pourraient nourrir notre recherche initiale. Sur ce plan, Internet permet une stimulation au sens étymologique du terme (stimulation vient du latin « stimulatio », signifiant l’action d’aiguillonner). Ainsi, lorsque Gaston Bachelard(20) reprend les mots de Baldwin : « C’est la stimulation, non la réponse qui reste le facteur de contrôle dans la construction des objets et des sens », il indique très clairement que la connaissance appelle la connaissance et que la découverte est un élément constitutif de la connaissance.

Il est un second aspect que je souhaite évoquer : il s’agit de la problématique du copié/collé, évoquée par de nombreux enseignants qui déplorent son utilisation par certains élèves Je partirai d’une anecdote vécue cette année : lors d’une récréation, je suis allé en salle des professeurs et j’ai constaté qu’une enseignante était en train de corriger des copies de français (commentaire composé d’une classe de Première fait à la maison) en consultant régulièrement Internet. Je me suis alors permis de lui demander quelle était la raison d’une telle correction. Sa réponse a été de me dire qu’elle vérifiait les écrits de certains élèves pour savoir s’il n’avait pas fait un copié/collé depuis un site Internet. De fait. J’ai pu constater que certains élèves avaient recopié des pans entiers de commentaires publiés sur Internet. L’enseignante me dit devoir effectuer ces recherches pratiquement à chaque copie, car elle se rendrait compte en corrigeant que le style (et le vocabulaire) employé par les élèves ne correspondait pas à leur manière habituelle d’écrire. Ma première réaction à été de qualifier les élèves d’ « idiots » dans la mesure où ils ne se rendaient pas compte que l’enseignante pourrait se douter de leur subterfuge. Par la suite, je me suis dit que les élèves ne se doutaient peut être pas que l’enseignante aurait la présence d’esprit d’aller vérifier. Il n’en demeure pas moins que cette pratique est non seulement irrespectueuse de l’enseignante, mais aussi et surtout contreproductive pour eux-mêmes. C.

Dioni(21) le résume ainsi :

« […] par la ruse, il s’agit de faire semblant de remplir ses obligations scolaires et si possible obtenir de bonnes notes sans y perdre trop de temps »

Se posent alors trois questions : la première porte sur la réponse que l’Institution peut apporter à un tel comportement. Sur ce point, il est difficile de poser une réponse ferme et définitive car, tout sera question de jugements et d’explications. La plus simple est de fermer les yeux, mais c’est perdre la dimension éducative et cela revient à cautionner un comportement que l’on juge par nature inacceptable dans la mesure où il relève du plagiat. Sanctionner, admettons ! Mais quelle sanction : retenue, devoirs supplémentaires ? Quelle que soit la sanction prise, une rencontre avec les parents ne peut être évitée. S’agissant de la seconde et la troisième interrogation, je tenterai d’y répondre dans le chapitre suivant.

Nous avons constaté au fur et à mesure de ce chapitre l’usage que faisaient les jeunes de ces nouvelles technologies. Ce qui frappe, c’est le mésusage qu’ils font de ces technologies, tant au niveau personnel (Facebook), qu’au niveau scolaire (copié/collé). Ensuite, il est intéressant de remarquer que leur utilisation scolaire de ces technologies peut être soit à une fin de complément de savoir mais également à une fin facilitatrice et de rapidité. Dans les deux cas, le rôle de l’enseignant est fondamental.

16 DIONI. C., Métier d’élève, métier d’enseignant à l’ère numérique ; 2008 http://edutice.archives-ouvertes.fr/docs/00/25/95/63/PDF/rapportrecherche0208.pdf
17 In L’école et les nouvelles technologies en question
18 KAMBOUCHNER D., MEIRIEU P., STEIGLER B., L’Ecole, le numérique et la société qui vient, Paris, Mille et une nuits, collection « Les petites libres » numéro 80, 2012.
19 Philippe MERIEU in Philosophie magazine n°62, p.47
20 BACHELARD G., La formation de l’esprit scientifique, Paris, Librairie philosophique Vrin, 1999 (1ère édition : 1938), page 240.
21 Op. cit., page 20

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