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§ 2. Mission(s) du médecin expert.

50. Point de départ de la chaîne de l’indemnisation du dommage corporel.

– L’expertise a un enjeu crucial pour la victime car elle peut limiter son droit à réparation si elle
est mal réalisée. Il existe actuellement des missions types pour guider les experts dans leur
démarche (A). Cependant, des réserves sont à émettre sur certains points (B). L’expertise
permet d’établir le lien de causalité entre l’accident et les préjudices découlant du dommage
corporel subi par la victime.

A/ Missions types.

51. Absence de missions officielles.

– Aucune mission d’expertise n’est strictement définie par la loi elle-même.
Face à cette lacune, l’Association pour l’étude de la RÉparation du DOmmage Corporel,
appelée également l’AREDOC, a regroupé en son sein les divers acteurs de la chaîne de
l’indemnisation du dommage corporel pour réfléchir à des modèles de mission type.
« L’AREDOC est le seul organisme (professionnel) où sont traités les problèmes communs aux
assureurs des deux familles (GEMA) Groupement des Entreprises Mutuelles d’Assurances et
(FFSA) Fédération Française des Sociétés d’Assurances et aux médecins spécialistes de
l’évaluation et de la réparation du dommage corporel »(74). Le travail effectué par l’AREDOC
permet de standardiser des éléments dans le déroulement de l’expertise conduite par le médecin.

Cependant, cette oeuvre n’a aucun effet obligatoire. La pratique s’est accordée pour utiliser cet
outil précis, premier pas vers une évaluation équitable entre les victimes de dommage corporel sur
le territoire français.

L’expert va l’utiliser comme une grille de lecture et un guide dans le déroulement de son
expertise. Il existe plusieurs missions types, par exemple les missions spécifiques
« traumatisés crâniens graves » et « troubles locomoteurs graves ».

52. « Mission droit commun 2009 »(75) de l’AREDOC.

– L’AREDOC a établi une mission type dans le cas d’une expertise de droit commun intitulée
mission d’expertise médicale 2006 mise à jour 2009. La mise à jour prend en compte les postes
de préjudices dégagés dans la nomenclature dite DINTILHAC de 2005. En vingt points, cet outil
permet de préparer l’expertise et l’examen, d’analyser et d’évaluer les préjudices subis par
la victime atteinte corporellement. Dans le cas où la victime présente des troubles particuliers,
il convient de se référer à une mission en rapport avec cette spécificité comme la mission
spécifique « traumatisés crâniens graves ».

Pour présenter brièvement la mission droit commun 2009, la première phase permet
à l’expert de prendre contact avec la victime et de prendre connaissance de son dossier
médical et de sa situation personnelle et professionnelle(76). Le médecin doit ensuite rappeler
les faits en relatant les circonstances de l’accident et en décrivant « les lésions initiales, les
suites immédiates et leur évolution »(77). Si besoin, il devra préciser la nature et la durée des
difficultés rencontrées par la victime dans son quotidien, dans la reprise de son autonomie et
si elle a eu recours à une aide humaine ou matérielle temporaire. L’expertise médicale fixe la
date de consolidation(78), ainsi le médecin doit décrire tous les soins subis par la victime avant
sa consolidation(79). Cela correspond au poste de préjudice dépenses de santés actuelles
(DSA)(80). L’expertise continue avec l’étude précise des lésions initiales et leur évolution(81), le
médecin établit des examens complémentaires(82) des documents fournis par la victime puis il
recueille ses doléances(83). Ces étapes doivent être réalisées dans le détail pour garantir les
droits de la victime(84). L’expertise mentionnera les antécédents et l’état antérieur de la victime
seulement si ceux-ci sont susceptibles d’avoir une incidence sur les préjudices de la victime(85).

C’est uniquement après ces neuf premières étapes que le médecin va réaliser l’examen
clinique de la victime en connaissance parfaite de l’état de la victime(86).

La seconde phase de l’expertise médicale approfondie l’examen en analysant et en
évaluant finalement les préjudices réellement subis par la victime en fonction de la date de
consolidation fixée. Il s’agit d’imputer précisément les lésions précédemment décrites à
l’accident. Il faut préciser le caractère direct et certain de cette imputabilité(87). Le médecin
évalue ensuite le Déficit Fonctionnel Temporaire (DFT)(88), les Pertes de Gains Professionnels
Actuels (PGPA)(89), les souffrances endurées(90), l’Atteinte permanente à l’Intégrité Physique et
Psychique (AIPP) constitutive du Déficit Fonctionnel Permanent (DFP)(91), le Préjudice
Esthétique Permanent (PEP) et/ou Temporaire (PET)(92), les Pertes de Gains Professionnels
Futurs (PGPF), l’Incidence Professionnelle (IP), le Préjudice Scolaire Universitaire et de
Formation (PSUF)(93), le Préjudice d’Agrément (PA)(94), le Préjudice Sexuel (PS)(95) et les
Dépenses de Santé Futures (DSF)(96). Le médecin conclut l’expertise médicale « en rappelant
la date de l’accident, la date et le lieu de l’examen, la date de consolidation de la victime et
l’évaluation médico-légale retenue pour les points 12 à 19 »(97).

53. Proposition d’officialisation d’une mission d’expertise médicale.

– Comme tout modèle, la valeur juridique est non contraignante. Rien n’oblige l’expert à suivre cette
procédure. C’est une guide à la réalisation de sa mission d’expertise, rien de plus. Cependant,
il est communément admis de s’y référer. La proposition de loi LEFRAND souhaite établir des
définitions types de missions d’expertise médicale pour l’ensemble des dommages coporels.

L’article 1er, ainsi rédigé, serait codifié à l’article 265-1 du code de procédure civile :
« Article 265-1. – En vue de concourir à la présentation poste par poste des
éléments de préjudice corporel, prévue par l’article 31 de la loi n°85-677 du 5 juillet
1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la
circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, des définitions types
adaptables de missions d’expertise médicale, pouvant être retenues par les
juridictions saisies de demandes de réparation de préjudices corporels, sont établies
par voie réglementaire. »

54. Mission d’assistance de la victime lors de l’expertise médicale contradictoire.

– La victime a la possibilité d’être assistée par un médecin-conseil lors de la
réalisation de l’expertise médicale dans les conditions précédemment exposées(98). Ce dernier
la représente et l’assiste durant l’évènement. L’arrêt Mantovanelli c/ France de la Cour
Européenne des Droits de l’homme du 18 mars 1997 a étendu à l’expertise technique toutes
les exigences du contradictoire au sens de l’article 6 § 1 de la CEDH.

B/ Critiques.

55. Lacunes actuelles.

– Les missions créées par l’AREDOC n’ont aucune valeur juridique contraignante. Elles servent
uniquement de référence dans le déroulement de l’expertise. La mise à jour apportée en 2009 a
permis d’y incorporer les postes de préjudices recommandés par la nomenclature DINTILHAC, donnant
une plus grande cohérence en pratique. L’harmonisation des missions avec d’autres instruments de
l’évaluation du dommage corporel ne fera qu’accroitre l’efficacité de la barémisation de
l’indemnisation du dommage corporel.

56. Officialisation d’une définition de missions types.

– A priori, l’intention poursuivie dans la proposition de loi à l’article 1er peut séduire :
il s’agit de fixer par voie réglementaire des définitions de missions types que les juges pourront
ordonner lors des audiences. Le décret fixera le déroulement de l’examen médical. Cependant, plusieurs
problèmes persistent.

Premièrement, afin de fixer ces missions standardisées, « il faut créer une
nomenclature commune des postes de préjudice ainsi qu’un barème médical de référence »
comme le souligne le rapporteur M. le député LEFRAND dans son rapport à l’Assemblée
Nationale. Pour harmoniser l’ensemble de la matière, il faut une refonte totale de ces
principes pour créer une base solide et autonome.

Deuxièmement, il faut garantir au juge une autonomie face à une définition rigide
des missions officielles de l’expert. Le cantonnement à une définition stricte serait
catastrophique car il limiterait directement les pouvoirs du juge. L’article 265 du code de
procédure civile donne au juge le pouvoir de fixer souverainement l’étendue de la mission
confiée à l’expert. Il utilise les missions officieuses de la pratique pour ordonner une telle
expertise. Le texte officiel ne doit donc pas cloisonner les pouvoirs du juge en la matière.

C’est pourquoi, l’article 1er prévoit que ces définitions types sont « adaptables ». Le juge
garde ainsi à sa disposition une marge de manoeuvre suffisante pour ordonner une expertise
médicale tenant compte de l’état spécifique de la victime. Les missions ne seront donc pas
strictement fermées.

Enfin, l’évolution de la médecine et de la recherche médicale doit pouvoir être
intégrée directement dans ces définitions pour les rendre performantes. Une expertise à jour
des dernières découvertes scientifiques et des méthodes d’évaluation du dommage corporel
n’en est que plus efficace et honorable. C’est un gain de temps précieux pour tous les acteurs
de la chaîne de l’indemnisation.

57. Démographie médicale.

– L’urbanisation a eu pour effet pervers : celui de ruraliser encore plus fortement certaines régions
françaises. Le problème des zones rurales a fait l’objet de dispositions législatives visant à améliorer
l’accès à la médecine des habitants.

La désertification des médecins est inquiétante. Concernant l’expertise médicale dans le cadre
d’un dommage corporel, le choix de l’expert sera limité si peu de personnes sont inscrites sur
les listes prévues à cet effet. Il faut prendre en compte cet élément important lors de
l’expertise contradictoire.

Le rôle du médecin expert est essentiel. Sa compétence et sa connaissance de la
médecine influence directement l’évaluation de la réparation du dommage corporel. Il liste les
préjudices subis et leur gravité avant de faire part de ses conclusions à l’assureur ou au juge.

74 http://www.aredoc.com/nos-missions
75 V. Annexe n° 3 pour une copie du texte de la mission.
76 Mission droit commun 2009, points 1 à 3, V. Annexe 3.
77 Mission droit commun 2009, point 4.
78 Mission droit commun 2009, Point 15.
79 Mission droit commun 2009, Point 5.
80 Nomenclature Dintilhac, V. infra n° 74.
81 Mission droit commun 2009, Point 6.
82 Mission droit commun 2009, Point 7
83 Mission droit commun 2009, Point 8.
84 V. infra n° 66.
85 Mission droit commun 2009, Point 9.
86 Mission droit commun 2009, Point 10.
87 Mission droit commun 2009, Point 11 Discussion.
88 Mission droit commun 2009, Point 12
89 Mission droit commun 2009, Point 13
90 Mission droit commun 2009, Point 14
91 Mission droit commun 2009, Point 16
92 Mission droit commun 2009, Point 17
93 Mission droit commun 2009, Point 18-1
94 Mission droit commun 2009, Point 18-2
95 Mission droit commun 2009, Point 18-3.
96 Mission droit commun 2009, Point 19.
97 Mission droit commun 2009, Point 20.
98 V. infra (Assistance de la victime par un médecin-conseil lors de l’expertise contradictoire).

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