Les villes modernes semblent évoluer à deux vitesses ou dans deux époques différentes : tandis que des tours de bureaux et d’appartements luxueux et des centres commerciaux s’érigent, tout de verre et d’acier, d’autres quartiers semblent s’aplatir et se fermer, faits de terrains vagues et de maisons condamnées. Autant de non-lieux, selon la définition de Marc Augé : des lieux non symbolisés, des parenthèses dans l’espace public, où il semble que personne n’ait son mot à dire.
23. Knitta, Mexico, 2011
Il s’agit alors pour l’art de rendre la ville habitable, et les stratégies sont variées. Etienne Boulanger imagine des cachettes urbaines à Berlin, où il a construit un hôtel à une seule chambre dont les murs sont des panneaux publicitaires. Cédric Bernadotte transforme la ville avec des moyens aussi simples que de la cellophane, avec laquelle il créé du mobilier urbain éphémère et accueillant. Les tricoteurs urbains du collectif Knitta entourent des poteaux, arbres, bornes d’incendie, parfois même un bus entier, de tricots colorés. Magda Sayed, qui, au sein de Knitta, est connue sous le nom de PolyCotN, considère ces interventions comme proches du graffiti, en ces termes :
Nous sommes attirés par le même monde de béton et d’acier que les graffeurs. […] Nos projets posent des questions sur les préjugés autour du tricot et du graffiti. […] Notre but est d’embellir l’architecture. Parfois, la beauté est hors-la-loi (38).
Rendre la ville habitable, c’est la vivre à échelle humaine et au rythme des saisons. La pratique typiquement urbaine de guerrilla gardening est un exemple de ces interventions sans prétention artistique mais à vocation esthétique, réalisées anonymement et collectivement, pour le bénéfice de tous : c’est un passage à l’acte qui embellit la ville en même temps qu’elle affirme, même discrètement, l’emprise des habitants sur leur propre environnement – ou leur désir d’avoir plus de voix dans l’espace public.
38 Cité in Francesca Gavin, Street Renegades, p. 68
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