Le thème de la présente étude s’insère dans plusieurs théories et on a synthétisé les suivantes : la théorie des droits de propriété, la theorie de l’agence, la théorie des choix publics et la théorie de l’efficience-X.
2.2.1 La théorie des droits de propriété
L’analyse de la privatisation est perçue à travers la théorie des droits de propriété (Furubotn et Pejovich, 1974). Pour les tenants de ce courant théorique, les raisons qui expliquent la supériorité des performances économiques et financières des entreprises privées par rapport aux entreprises publiques tiennent à l’amoindrissement des droits de propriété de la firme publique et au risque de faillite.
En effet, le risque de faillite est quasi-inexistant dans les organisations publiques, alors qu’il constitue une réalité avec laquelle les dirigeants du secteur privé doivent composer. Ceci incite forcément ces derniers à gérer efficacement leur entreprise en vue d’assurer, non seulement, sa survie, mais aussi et surtout sa pérennité et par le fait même, le maintien des emplois, la production de revenus et d’une plus-value. Dans ces conditions, on comprend aisément la préoccupation continue des dirigeants du secteur privé pour la productivité, la rentabilité et la solvabilité de la firme (Tézenas du Montcel et Simon, 1977).
En outre, la théorie des droits de propriété insiste sur le fait que la supériorité des performances de l’entreprise privée sur l’entreprise publique tient au fait qu’il existe des mesures disciplinaires émanant du marché boursier qui obligent les gestionnaires à rendre des comptes. L’exercice de ces droits par les propriétaires (actionnaires) implique de la part des managers l’obligation d’adopter un comportement discipliné c’est à dire un comportement consistant à « maximiser le profit et non leurs propres avantages monétaires et non monétaires (salaires, primes, vastes bureaux, voyages, stages, etc.) » Ce comportement discipliné est obtenu à travers trois formes de disciplines : la discipline contractuelle, la discipline de surenchère et la discipline de faillite. La discipline ainsi imposée aux managers est à son tour imposée par ces derniers aux salariés auxquels sont exigés des efforts de productivité et de rentabilité, aux fournisseurs et aux clients.
Au total, l’exercice effectif des droits de propriété par les actionnaires privés permis par la privatisation introduit la discipline nécessaire à l’efficacité de l’entreprise et qui en fait représente souvent le premier objectif économique de la privatisation.
2.2.2 La théorie de l’agence
Les fondements théoriques de la relation d’agence ont été établis par Jensen et Meckling (1976) qui définissent cette relation comme « un contrat par lequel une ou plusieurs personnes (le principal) engage une autre personne (l’agent), pour exécuter en son nom une tâche quelconque qui implique une délégation d’un certain pouvoir de décision à l’agent ». Dans le cas où les intérêts des deux parties convergeraient, les problèmes de l’agence n’apparaîtraient plus. Par contre, les problèmes d’agences se posent, lorsque les intérêts sont divergents et, surtout, dans la mesure où il y a information imparfaite et asymétrie d’information entre les parties.
En effet, Lorsqu’une firme est dirigée par un propriétaire-manager, il n’y a pas à priori de conflit d’intérêts entre le dirigeant et l’actionnaire. Par contre, dans toutes les entreprises où est instaurée une séparation du contrôle et de la propriété, apparaît un problème d’agence. Cette théorie suppose que le manager qui n’est pas le propriétaire bénéficie d’un ensemble d’informations privilégiées qui le conduisent, intentionnellement ou non, à agir davantage pour ses intérêts personnels qu’en fonction des stricts intérêts des propriétaires (actionnaires dans les entreprises privées et citoyens dans les entreprises publiques).
La minimisation des coûts d’agence est considérée comme le gage de l’efficacité de la structure organisationnelle interne de la firme et, par conséquent, de sa performance financière. De plus, la gestion courante et le contrôle de l’entreprise publique doivent cependant, faire l’objet de délégation de la part des propriétaires. Cette délégation comporte plusieurs niveaux comme la montre la figure ci-dessous :
Figure 2.5 : Niveaux de délégation dans l’entreprise publique
Source : GLIZ Abdelkader (2001)
Par contre, dans l’entreprise privée, la délégation par les actionnaires du contrôle et de la gestion comporte un nombre inférieur de niveaux, comme le montre la figure ci-dessous.
Figure 2.6 : Niveaux de délégation dans l’entreprise privée
Source : GLIZ Abdelkader (2001)
A l’intérieur de l’entreprise, qu’elle soit publique ou privée, existe également la délégation de la responsabilité vers des niveaux hiérarchiques inférieurs. La perte du contrôle de l’entreprise par le propriétaire ultime est plus forte dans l’entreprise publique que dans l’entreprise privée.
2.2.3 La théorie des choix publics
Cette théorie a été élaborée essentiellement par des économistes comme Buchanan et Tollison (1972). Elle postule que l’inefficience des entreprises publiques est due notamment aux groupes d’intérêts et aux jeux politiques qui caractérisent les organisations publiques.
L’argumentation de l’École du « Public Choice » est que les personnes qui sont supposées prendre les décisions publiques, notamment les administrateurs d’entreprises publiques, les hommes politiques et les fonctionnaires, le font non pas en privilégiant les intérêts de la société dans son ensemble, mais plutôt leurs intérêts propres. Autrement dit, Les théoriciens de cette école expliquent que l’inefficience des entreprises publiques tient exclusivement à la motivation des hommes politiques et des dirigeants, à qui on reproche de ne pas œuvrer dans l’intérêt général. Le goût du prestige, la quête du pouvoir seraient davantage leurs préoccupations. Le plus curieux dans tout cela, affirment les théoriciens de l’école des choix publics, c’est que les élus politiques interfèrent fréquemment dans la gestion publique, en accordant des avantages et des bénéfices à des groupes précis (clientèles) en vue d’assurer leur réélection ; attitude qui se révèle définitivement antagoniste à une gestion saine et efficiente des organisations publiques (Vickers et Yarrow, 1988).
2.2.4 La théorie de l’efficience-X
C’est Leibenstein (1978) qui a établi un lien entre le concept d’efficience-X et les performances de l’entreprise publique. De ce concept on tire plusieurs facteurs générateurs d’inefficiences-X dans l’entreprise publique : la situation de monopole, la couverture permanente par l’Etat des déficits et des crises de trésorerie de l’entreprise publique pour lui éviter la sanction de la faillite, la multiplicités des objectifs économiques et sociaux qui favorisent le dédouanement des gestionnaires et l’arbitraire des ministères de tutelle dans la désignation comme dans la révocation des gestionnaires.
En effet, l’auteur estime que les entreprises publiques sont souvent en situation de monopole, ce qui favoriserait une « vie tranquille » et n’inciterait pas celles-ci à un effort permanent de recherche de compétitivité. De plus, les entreprises publiques sont «immortelles» tant qu’elles bénéficient des subventions publiques, ce qui limite considérablement la probabilité de faillite.
Ces facteurs d’inefficience-X engendrent en effet chez les agents (gestionnaires) un certain relâchement dans le fonctionnement de leur entreprise, une fuite des responsabilités et une forte culture bureaucratique comme le souligne P. Plane (1999) : « dans ce contexte les agents développent une aversion pour le risque, une faible propension à l’innovation et finalement une mentalité proche de celle observée dans les bureau non marchands ». Ces facteurs d’inefficience-X expliquent la supériorité de l’efficience de l’entreprise privée et offrent des arguments en plus aux partisans de la privatisation qui soutiennent que la privatisation pourrait contribuer à réduire de manière substantielle ces sources d’inefficience dans les entreprises publiques, permettant ainsi à celles-ci, de renouer avec la performance et la compétitivité.