Bien que pluridisciplinaire, la notion de stress ne peut être abordée dans son approche
professionnelle et organisationnelle sans s’attacher brièvement au modèle physiologique
développé par Hans Selye en 1936, premier médecin canadien d’origine hongroise ayant
allégué au stress une assise scientifique.
En effet, alors qu’il expérimentait ab initio des extraits glandulaires chez les rats, Hans
Selye observa que l’injection de certains substrats chimiques déclenchait nombre de
complications physiologiques, telles qu’une hypertrophie des corticosurrénales, une atrophie
et des hémorragies dans le thymus et les ganglions lymphatiques, ou encore des ulcérations
gastriques, et ce, indifféremment chez les rats du groupe expérimental et du groupe contrôle.
Aussi, et suite à de multiples manipulations de l’environnement, sans incidence aucune sur les
résultats précédemment recueillis, Selye en déduit que les injections elles-mêmes généraient
ces réactions pathologiques, et non le substrat chimique initialement éprouvé.
Captivé par cette découverte aussi prestigieuse qu’inespérée, l’endocrinologue emprunta alors le terme
« stress » au domaine de la métallurgie pour qualifier cette « réponse biologique de
l’organisme à toute sollicitation physique ou émotionnelle, agréable ou désagréable, qui
exige de sa part une adaptation » (Selye, 1936, p.32).
De ces prémices, et consécutivement aux recherches qui s’ensuivirent, le père de la
conception moderne et scientifique du stress élabora le modèle théorique du « Syndrome
Général d’Adaptation » (Selye, 1956), distinguant ainsi trois phases successives survenant
lors de l’exposition de l’organisme à un agent stressant continu. Le premier stade,
s’apparentant au stress aigu, consiste en une réaction d’alerte face à une menace ou à un
danger imminents et se traduit physiologiquement par des symptômes d’altérations passives
de l’équilibre fonctionnel telles que la tachycardie, l’augmentation du tonus musculaire, la
dilatation des pupilles, l’hypothermie ou encore l’hypotension. En d’autres termes, cette phase
dite de « réaction d’alarme » correspond à l’ensemble des phénomènes généraux non
spécifiques provoqués par l’exposition soudaine de l’organisme à un stresseur, auquel cet
organisme n’est pas adapté, à l’exemple d’un travailleur soumis à une charge de travail trop
importante dans un bref délai.
Successivement, et dans l’éventualité où les stimuli ayant
provoqué la réaction d’alarme persistent, l’organisme s’engage dans la phase « de résistance,
d’habituation ou encore d’endurance », se caractérisant alors par « l’ensemble des réactions
non spécifiques provoquées par l’exposition prolongée de l’organisme à des stimuli nocifs,
auxquels il s’est adapté au cours de la réaction d’alarme » (Lôo, Lôo, & Galinowski, 1999,
p.7).
Ce faisant, les manifestations physiologiques identifiées au cours de la phase d’alarme
s’atténuent, comme acclimatées à l’environnement stressant, incarnant l’espace d’un instant
cette résistance de l’organisme, avant d’atteindre néanmoins la troisième et dernière étape du
« Syndrome Général d’Adaptation », qualifiée légitimement de « phase d’épuisement ».
Défini par « l’ensemble des réactions non spécifiques qui caractérisent le moment où
l’organisme cesse de pouvoir d’adapter au stimulus auquel il est soumis » (Lôo, Lôo, &
Galinowski, 1999, p.8), ce stade final reflète l’épuisement de l’organisme, qui, de par la
destruction des glandes surrénales, favorise l’apparition de nombreuses maladies tant
physiques que psychiques, entrainant ainsi de lourdes conséquences et ce jusqu’à la mort.
Au regard de ce premier modèle décrit scientifiquement par Selye et fondé sur
l’expérimentation, la notion de stress, en tant que « réponse non spécifique de l’organisme à
toute sollicitation » (Selye, 1956, p.11), se conceptualise essentiellement par ses composantes
biologique et physiologique et impute ainsi à ce syndrome un rôle étiologique dans
l’émergence de troubles psychologiques et somatiques. Cependant, en caractérisant l’individu
comme passif face à une situation stressante, cette conception omet d’impliquer des facteurs
psychologiques, des variations interindividuelles ou encore des évaluations subjectives des
situations environnementales et contextuelles que d’autres approches, à l’instar du modèle
transactionnel de Lazarus et Folkman (1984), ont intégrés dans leur compréhension du stress.