Le groupe des aidants formels est moins homogène. Si tous ont une activité proche et régulière dans l’aide aux PAF, ils diffèrent de par leur statut (bénévole – professionnel), leur âge et le lieu d’exercice (hospitalier – domicile). Ces différences se sont marquées lors de l’entretien non pas par des discussions conflictuelles mais par des propos parfois franchement opposés et le plus souvent simplement très différents. Un bon exemple pour étayer ces propos est la mise en commun de la réflexion sur le premier cas. La consigne était de réfléchir par profession sur le cas. Première remarque : les aides familiales et les assistantes sociales ont formé un groupe commun. Lors de la mise en commun, le groupe des aides familiales et assistantes sociales a insisté sur plusieurs points. Ceux-ci étant de déterminer les besoins réels et de structurer l’aide en fonction, d’assurer la sécurité de la PAF, de tenir compte de la fatigue de l’aidant et d’instaurer l’aide progressivement. Les infirmières ont ajouté les éléments suivants : l’intervention médicale et la question de l’hygiène. Les bénévoles ont une toute autre approche : ils informent, ils relaient à une personne plus compétente, ils réfléchissent d’abord aux ressources existantes comme le voisinage, la solidarité ou l’existence d’ateliers de prévention pour les problèmes médicaux. Leur attitude semble dirigée vers l’accompagnement et la suggestion. Les échanges entre bénévoles et assistantes sociales sont au coeur de cet entretien, viennent ensuite les interventions fréquentes des infirmières et pour finir de plus rares initiatives des aides familiales. Sur ce point, il faut noter que l’assistante sociale présente est coordinatrice des aides familiales sur un secteur de la région ce qui a pu conditionner la prise de parole des autres AF présentes. L’objectif de l’analyse présentée ci-dessous n’est pas d’analyser les différences d’approche entre les divers intervenants mais bien de relayer le contenu des discussions.
Comportement
La nécessité d’accepter de vieillir est un thème relevé par les bénévoles; les paramédicaux, eux, lient cette idée au fait d’accepter l’aide. AF4 « … la façon dont on va accepter les choses peut déterminer comment on va finir sa vie. Parce que je connais quand même des PA qui refusent l’aide et la catastrophe, elle arrive…et après il est trop tard pour intégrer du personnel et alors on se retrouve en MR alors qu’on n’a jamais voulu y aller mais euh…là j’trouve que ce n’est pas bien vieillir… »
L’acceptation de l’aide est également liée à la personnalité et à l’histoire de vie : AF4 «… des personnes qui ont toujours dû être fort indépendantes parce que seules ; d’autres qui ont pu être beaucoup secondées…là ça dépend de comment la personne va lâcher prise…Je pense que c’est quelque chose de très personnel. »
Pour les participants, le fait de pouvoir partager l’expérience du vieillissement entre PAF permet d’accepter plus facilement son vieillissement. Il a été également suggéré de se « préparer » à la vieillesse, ce qui recouvre l’idée d’anticiper, de prévoir les problèmes qui pourraient survenir :
AF11 « faire des visites des lieux où elle va vivre après… ça permettrait de mieux accepter de voir comment ça se passe, le fonctionnement… » AF 9«… ceux qui vieillissent le mieux sont ceux qui ont des solutions de rechange c’est-à-dire qu’ils ont des activités qu’ils pourront continuer même si leur autonomie diminue… »
La santé
Ce qui prédomine le tableau c’est la notion de sécurité. Elle semble être la pierre angulaire du maintien à domicile. La sécurité est étayée elle-même par deux sous-rubriques : les chutes et les médicaments.
Si certaines mesures de prévention sont énoncées, les chutes semblent toutefois représenter un risque inhérent au maintien à domicile. AF3 « c’est une contrepartie… ».
La problématique des médicaments a été plus longuement discutée : l’importance d’une prise correcte, mais également, le coût, le nombre, leur influence éventuelle sur les chutes ainsi que le manque de communication entre les intervenants à ce sujet AF 4 « le personnel doit s’adapter, on a à peine un mot d’explication et ça c’est un problème aussi … ». Les idées pour faire face à cette problématique sont plus nombreuses : diminution du nombre de prises par jour, collaboration des aides formelles pour l’administration, sensibilisation des PAF au fait de diminuer leur consommation de médicaments et enfin, le semainier électronique(12).
La télé-vigilance permet de rassurer/sécuriser la personne et/ou la famille.
Les activités
Cette catégorie est difficile à isoler des autres. Il semble en effet, que l’activité est perçue comme un facteur favorisant le soutien social mais il est également question d’une influence sur le comportement de la PAF: AF 2 « ce sera plus facile de passer le cap de la perte d’autonomie parce que je pense qu’ils se sentent tirés vers l’avant, vers un projet, une occupation… » AF1 « moi je pense que par le fait qu’on ait eu des activités, on se crée un réseau social ou d’amis et si il arrive un accroc à cette personne, la solidarité va jouer et déjà là je pense qu’on se sent moins seul… ».
Deux structures existantes favorisent le maintien en activité : l’UCP et les centres de jour. Pour maintenir en activité des PAF, il est important de proposer de réelles activités adaptées et de tenir compte des difficultés liées aux déplacements. La participation à ce genre d’activité reste toutefois tributaire de la personnalité de la PAF (certains aiment bien, certains n’ont jamais aimé). Deux autres initiatives sont à noter : la maison des aînés à Gouvy (espace communautaire) ainsi que l’idée de visite spontanée des aînés.
Les ressources externes
Pour les participants, le temps est un élément important dans la mise en place d’aide. En effet, il est souhaitable de mettre en place l’aide de façon progressive, de commencer par le moins intrusif et/ou le plus urgent et d’étendre petit à petit. Acquérir un rythme est également perçu comme source de bien-être. AF 11 « je crois que toute personne doit trouver son rythme de vie, sa façon de vivre, comme ça elle peut bien s’organiser et s’informer aussi. Si elle ne trouve pas de rythme de vie, elle n’est pas motivée … ».
La discussion s’est également arrêtée sur le besoin d’aide : est-il assuré ? Les prestataires du domicile répondent par l’affirmative tandis que ceux de l’hôpital émettent un doute. Ce conflit pourrait prendre sa source sur une représentation différente de la notion d’aide AF4 « ces personnes ONT TOUJOURS le minimum de ce qu’on peut donner. C’est sûr qu’une personne qui a quelqu’un trois fois semaine et que ce n’est que de l’entretien. Si elle n’a qu’une ou deux fois pour nous ce n’est pas grave. Par contre si c’est une personne qui a besoin trois fois semaine de repas parce qu’elle est dépendante elle aura quelqu’un tous les jours. » . En effet, il existe peut-être une confusion entre la notion d’aide nécessaire pour suppléer une activité et la présence nécessaire pour sécuriser, accompagner la PAF. Assurer une présence plus continue est difficile et onéreuse. Toujours sur ce sujet, le besoin de présence la nuit pour assurer la sécurité de la PAF a également été évoqué. Des idées ont été avancées comme celle, toute simple, d’avoir quelqu’un à la maison ou la cohabitation avec des étudiants.
L’aménagement intérieur représente également une ressource, avec la possibilité de bénéficier des conseils d’une ergothérapeute bien que la mise en œuvre des aménagements ne soit pas assurée.
L’aspect financier a été abordé de façon récurrente, l’argent est une ressource nécessaire pour bien vieillir. Certains projets de vie sont pondérés par ce facteur : aide à domicile, placement ou besoin de présence plus continue au domicile.
AF12 « …(en parlant des gardes malades) financièrement c’est cher et quand il faut couvrir une semaine complète, il faut jouer avec pas mal de services. Il y a le scénario idéal de mettre toutes les aides en place, il faut dire que dans beaucoup de cas on a le feu rouge des familles en disant que financièrement ce n’est pas possible. Cette réalité est quand même là » Les dépenses financières liées au vieillissement peuvent préoccuper les PAF (hospitalisation, placement, aide etc…). Cependant, AF11 estime que ce type d’inquiétude n’est pas propre aux PAF. « Si je prends moi, je me fais quand même du souci pour après parce qu’on voit très bien que nos états ont des problèmes financiers, il y a des pensions de moins en moins grandes et euh…comment on finance tout ça. ». Les participants notent également une différence d’attitude envers l’aide financière au sein de cette génération : demander de l’aide financière toucherait davantage leur fierté.
La seule action possible identifiée est le fait d’informer les gens. De ce constat ont émané deux optiques pour le moins différentes : informer correctement les PAF sur les tarifs de l’aide et/ou informer les PAF sur les aides financières existantes. La personne ressource identifiée en cette matière est l’assistante sociale de la mutuelle qui a également l’avantage de suivre les personnes dans le temps. AF 12 : « maintenant je pense que ce qu’on doit faire aussi c’est pouvoir réorienter les familles vers des services sociaux qui peuvent parfois être plus compétents pour certaines informations telles que les mutuelles et des choses comme ça…C’est un service qui peut également suivre davantage les cas dans le temps ». Les biens immobiliers sont également source de sécurité financière.
L’information relative aux structures existantes a également fait l’objet des conversations. Le « bouche à oreille » est une expression utilisée de façon récurrente même si ce mode d’information est jugé insuffisant par le groupe. Informer c’est également laisser la PAF autonome dans ses choix. AF7 : « être à son écoute et savoir l’informer de tout ce qui peut exister…ne pas lui imposer quelque chose mais lui donner l’éventail et le laissé choisir. »
Plusieurs idées ont été émises à ce sujet comme : disposer d’un fascicule reprenant toutes les structures d’aide et d’activité, rendre accessible internet aux PAF ou disposer d’une personne responsable des PAF dans la commune qui pourrait les orienter.
Environnement social
Le groupe souligne l’importance d’un entourage de qualité. Cet entourage, c’est la famille mais aussi les acteurs de l’aide à domicile. Il doit être structuré en fonction de la détermination des besoins réels : AF4 « je pense que bien entouré c’est plein d’acteurs différents mais que la journée soit bien organisée. ». Liée aux relations familiales, on retrouve la notion de limite de l’aide informelle pouvant être fournie. Le but de l’intervention professionnelle est donc la protection du bien-être de l’aidant ainsi que la préservation d’une relation enfant-parent. Ainsi certaines tâches semblent dévolues aux aides à domicile plus qu’à la famille. AF1 « On nous appelle souvent pour aller faire une toilette parce que la personne ne veut plus être lavée par sa fille … Il y a un peu un jeu comme ça avec la fille tandis que quand c’est un professionnel à la limite la personne n’a pas le choix quoi…et elle ne joue pas sur ce tableau-là. » AF7 « cette personne seule va admettre beaucoup mieux une petite remarque du soignant que de la famille ».
La relation soignant-soigné est celle qui a été le plus longuement discutée. C’est une relation de confiance qui s’établit avec le temps et sur base de la personnalité des deux protagonistes. Les participants estiment que cette relation permet en général, aux personnes de se confier davantage qu’avec la famille. L’idéal est que la relation soit emprunte d’un respect de la liberté et de l’autonomie de la PAF. Les situations où les AF sont le seul entourage dont dispose la PAF sont difficiles à gérer, surtout en cas de déclin.
Les relations avec l’entourage doivent aider la PAF à se sentir existante et, par la même entretenir une image valorisée de soi : AF 8 « l’entourage vous donne l’impression que vous avez encore quelque chose à dire, quelque chose à apporter » AF8«Je pense qu’en plus, il faut que la personne garde l’idée qu’elle a encore une valeur. »
11 Les extraits des interviews sont identifiés par le module : AF + n°
12 Pilulier qui est programmé et sonne pour rappeler à la personne de prendre ses médicaments.