La Côte d‘Ivoire est le seul Etat sur la planète à avoir eu deux présidents au même moment. Du moins, l‘un, le vrai, le Dr Alassane Dramane Ouattara, élu démocratiquement avec 54,1% des suffrages exprimés, et l‘autre, le grand perdant Laurent Gbagbo qui s‘accrochait au pouvoir. Naturellement aux yeux de la majorité des Ivoiriens, il n‘y avait qu‘un président : celui issu des urnes et donné vainqueur par la Commission Electorale Indépendante et adoubé par toute la communauté internationale(100).
Toutefois, la « résistance » de Laurent Gbagbo, qui dévoilait enfin sa cache cachée au monde entier, faisait planer sur la tête de ce pays, qui avait déjà tant souffert, de gros risques inutiles. Par la faute d‘un seul homme, qui criait hier sur tous les toits être un « enfant des élections », la Côte d‘Ivoire fonçait droit dans le mur. Et les mots n‘étaient pas assez forts pour le dire, tant la menace d‘une déflagration était réelle.
En voulant confisquer le pouvoir, Laurent Gbagbo voulait implicitement conduire le pays à une guerre civile dont les conséquences seraient inimaginables. D‘abord, il exposait les Ivoiriens à une reprise des hostilités entre les deux armées qui se partageaient le territoire ivoirien : les « loyalistes » et les « ex-rebelles ». Dans les colonnes d‘un confrère, Guillaume Soro, chef charismatique des Forces Nouvelles et Premier ministre du président Ouattara, ne croyait pas si bien dire quant à savoir s‘il était prêt à « déloger » Gbagbo par la force : « S‟il nous oblige, on n‟aura pas d‟autre choix. (…) Il n‟est pas question d‟arriver à une partition de la Côte d‟Ivoire ».
Autre risque majeur, un affrontement entre civils. Déjà, des foyers de tension naissaient un peu partout dans le pays. Et d‘ailleurs, des affrontements sanglants entre pro-Gbagbo et pro-Ouattara, venaient de faire au moins deux morts à Dabou et quelques blessés. A Sinfra, plus d‘une dizaine de personnes avaient déjà perdu la vie dans les rixes entre les autochtones, proches de Laurent Gbagbo, et les allogènes, qui soutiennent Ouattara. Ce n‘est pas tout, les escadrons de la mort avaient repris du service en exécutant pendant le couvre-feu des supposés militants du RHDP, toute chose qui irritait les habitants de certains quartiers d‘Abidjan qui pensaient de plus en plus à s‘organiser pour faire face à ces tueurs.
Par ailleurs, l‘entêtement de Laurent Gbagbo à se maintenir au pouvoir suscitait le courroux des jeunes militants et sympathisants du RHDP, qui dans certaines agglomérations barricadaient les rues et brûlaient les pneus. Tout au début, ce n‘étaient que des manifestations spontanées, mais à la longue, ces jeunes avaient pu occuper les rues durablement. Et l‘idée d‘une révolte générale de la population n‘était pas non plus à écarter car la paralysie avait asphyxiée tous les citoyens sans exception.
Enfin, l‘autre grand risque que courait la Côte d‘Ivoire et qui n‘était pas négligeable, c‘est l‘isolement international. Le FMI avait prévenu déjà qu‘il ne travaillerait qu‘avec un régime reconnu par l‘ONU, donc celui d‘Ouattara dont l‘élection avait été, pour rappel, certifiée par l‘envoyé spécial de l‘ONU en Côte d‘Ivoire, Yong Jin Choi. Autant dire adieu aux fameux 500 milliards de FCFA dont la Côte d‘Ivoire devrait bénéficier chaque année avec l‘initiative PPTE, si Gbagbo continuait de s‘agripper au pouvoir.
Et l‘Union Européenne avait menacé de sanctionner la Côte d‘Ivoire si cette crise née de l‘élection présidentielle n‘était pas réglée au plus vite. La Banque mondiale brandissait, elle, également le carton jaune. Le pays pourrait donc être sevré de ressources additionnelles importantes. Ce qui pourrait entraver non seulement son développement, mais surtout accroître la paupérisation des Ivoiriens. Ce qu‘ils redoutaient, car exténués par la misère que le chef de la Refondation leur imposait depuis une décennie.
100 Le Patriote – 07/12/10 : « Un pays, un Président élu et un président autoproclamé ! Du jamais vu, diriez-vous sans doute. Ce scénario, pour le moins inédit et aussi scabreux, les Ivoiriens ne l‘attendaient à l‘issue des deux tours de la présidentielle 2010. Une élection qu‘ils souhaitaient depuis plusieurs années et à laquelle, ils ont apporté leur quitus en se ruant massivement dans les urnes pour voter leur candidat ».
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